Je tiens à remercier Alain et Martine Cadéo pour l'envoi de cet ouvrage. Publié en septembre dernier aux éditions La Trace, "
Mayacumbra " est le dernier roman d'Alain Cadéo. J'ai découvert cet auteur par son roman publié au début de cette même année "
Comme un enfant qui joue tout seul ".
Théo, âgé seulement de vingt-sept ans, a décidé de tout quitter pour s'installer sur les hauteurs du volcan La Corne de Dieu. Il y a construit sa propre cabane, loin de tout matérialisme. Ses journées sont rythmées par des tâches très pragmatiques et par l'écriture. Son âne Ferdinand ne le quitte jamais. Une douce complicité relie l'homme à l'animal, comme si la vie de l'un dépendait de l'autre et inversement.
p. 12 : " J'ai ainsi un jour quitté les grandes villes lourdes, affairées, grouillantes et puantes, sans vraiment savoir où j'allais. J'ai plaqué mes amis, ma douce et tendre famille, sans but et plein de colère. Sans raison particulière, mais précipitamment. Comme une charge de hussard, comme on fuit l'ombre de ses habitudes. "
Au pied de celui-ci, dans un village isolé de tout,
Mayacumbra accueille quelques irréductibles, des écorchés de la vie, des âmes perdues. Tous se retrouvent au Kokinos, le bar-auberge tenu par un couple d'épiciers atypiques. Solstice, le garagiste du coin et meilleur ami de Théo tient néanmoins à le mettre en garde. Ici, tous ont des secrets. Et son petit manège attire l'attention, la suspicion.
p. 38 : " S'ils te foutent la paix c'est qu'ils ont peur du volcan... Tous. Je suis le seul à savoir que tu n'est qu'un pauvre dingue. Je suis le seul à savoir que t'écris et que tu lis tes pages à ton âne. Mais pour les autres, tu cherches de l'or, des diamants, un trésor. Pour eux, t'es un cachottier. C'est ton installation de légende qui te vaut un brin de considération. Mais veille bien petit frère à l'entretenir ta légende... "
Mais Théo vit d'amour et d'eau fraîche. Lita. Mais elle est mariée à Moreno, et bien qu'amoureuse de Théo, elle est bien trop loyale pour quitter son mari. Elle lui doit beaucoup, elle le sait. Alors, comme un accord tacite, elle rejoint son amant là-haut, tout près du volcan, pour quelques heures de passion et de tendresse.
p. 122 : " Lita, c'est tout un corps de charme et de sortilège, c'est un nuage d'ouragan, c'est un frisson de chair, c'est une toison de chèvre rouge se faufilant dans des buissons de jujubiers. C'est aussi une immense volonté, toute une ardeur en mouvement. "
Il souffre parfois de la solitude et se questionne sur sa fuite, sur sa capacité à vivre auprès des siens, dans un monde qui lui correspond si peu.
p. 66 : " Combien de temps encore allait-il s'imposer cet arrêt forcé si loin de ses racines ? "
Mais ici, loin de tout, c'est le volcan qui domine tel un géant minéral. Il règne ici en maître et rythme chacune des vies de
Mayacumbra. Il est à la fois mémoire et destin.
p. 159 : " On ne dure pas si longtemps, sans être imprégné de tout ce qui se passe dans le Monde. Les pierres sont réceptrices et se transmettent entre elles la plus infime information. Elles sont mémoires d'univers. "
L'arrivée d'un étranger muet va insuffler une tension de plus en plus palpable, révélant le meilleur et le pire chez chacun des habitants, au rythme du volcan en éveil.
J'ai retrouvé dans ce roman toute la poésie d'Alain Cadéo. Ce choix des mots, subtil et onirique, permet au lecteur de voguer à sa guise, sans contrainte, à travers ce roman initiatique. Dépourvu de chapitre, il est dépaysement et refuge, loin de nos quotidiens ultra rythmés. Je reconnais ne pas avoir ressenti le même enchantement à cette lecture que pour son précédent roman. Peut-être des sujets nous touchent-ils tout simplement plus que d'autres... cela n'enlève en rien tout le talent d'Alain Cadéo, que je continuerai de suivre et de lire, car à chacune de ses lectures il se passe quelque chose au fond de soi-même, bien délicat à définir, mais présent.
p. 276 : " Un moment qui n'est pas plein de lui même est un moment perdu. "
Lien :
https://missbook85.wordpress..