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Critiques filtrées sur 5 étoiles  

Il est de ces lieux reculés de tout, reculés de tous, où les grains de poussière qui composent le grand sablier de la vie paraissent se figer, comme maintenus en suspension dans un Au-delà de l'esprit, confessionnal de notre pensée, vestibule de nos doutes et de nos envies, où l'Âme a besoin de se mettre à nu, se laver, se purger, étape nécessaire avant d'en franchir le seuil...

Au détour de votre conscience, dans un pays imaginaire où se dresseront les grands arbres d'une forêt sans nom, au bout d'un chemin fait de pierres basaltiques, d'obsidiennes noires tranchantes comme des rasoirs et de cendres ardentes, qui n'existera sur aucune carte que celle de votre paix intérieure, peut-être découvrirez-vous, comme Théo, votre Mayacumbra...

Le voyage jusqu'à ce petit village perdu au bout du monde se mérite... C'est un pèlerinage qui vous attend, une élévation de soi, un appel au silence et à la beauté de la simplicité du monde qui vous entoure...

Il vous faudra plusieurs jours pour y parvenir... Parce que les mots qu'Alain Cadéo sème sur votre chemin se dégustent en prenant le temps. On les lit, les relit, on les roule sous la langue comme un galet suit le lit de la rivière sous le courant tranquille qui l'emporte...

Les mots s'envolent de la plume d'Alain Cadéo et se déposent en une brise légère sur nos coeurs qui cognent. On se pose. On sent vibrer au loin le volcan somnolent qui berce la vie des habitants de Mayacumbra, comme une bête meurtrie, mémoire des hommes et de la terre, ogre de pierre au coeur flamboyant, purgatoire des âmes errantes...

On se sent petit mais on se sent bien... On se glisse avec Théo, enfant des étoiles, gardien du volcan, sous les couvertures de notre passé, de notre présent et de notre avenir, pour essayer d'en sortir le meilleur de nous-même...
On regarde, par delà les grands arbres, les brumes de notre esprit se déposer dans la vallée jusqu'à ce que le soleil levant fasse apparaître sur l'horizon les premières lueurs du jour, arlequin de couleurs aux mille feux, rouge, orange, mauve... Nos sens ouverts à l'écoute du Monde, à l'écoute de notre Monde, quelque part en nous, quelque part entre ciel et terre, quelque part entre doutes et bonheur.
Plénitude.
Dépaysement total.

Mayacumbra, ce sont les limbes dans lesquels s'aventure tout voyageur de l'âme à la croisée de ses chemins, coincés entre un coin d'enfer et petit bout de paradis. C'est une terre de contrastes, de désolations, de coulées de boues noires, rude, sauvage, mais en même temps si fertile en beaux mots, en joie et bonté pures et en amitié. C'est un chant de loriots au-dessus de la canopée. Ce sont des morceaux d'amour que l'on sème avec Théo pour Lita, sa bien-aimée. C'est un diamant brut qu'Alain Cadéo aura pris le temps d'extraire des entrailles de ce volcan et de polir à l'eau de la source de Mayacumbra. Cette source que seul Théo franchira sur le dos de son âne, son fidèle Ferdinand, pour faire corps avec ce volcan, corne de Dieu qui surplombe Mayacumbra, pour y bâtir un sens à sa vie...

Mayacumbra. Une bien belle pépite, un Eldorado de beaux mots qui se lovent en un filon de gemmes/j'aime et qui se parent de leurs plus beaux habits...

- - -

Cher Alain,

« de vent et d'océan, votre prose se nourrit et nous ramène à l'essentiel », avais-je écrit après avoir savouré Comme un enfant qui joue tout seul et Des mots de contrebande.

Avec Mayacumbra, je peux à présent y rajouter le feu et la terre...

Je me réjouissais de découvrir ce nouveau roman, si gentiment dédicacé et je n'ai pas été déçu !

Quelle joie et quel privilège de partager il y a peu avec vous ce petit déjeuner et cet instant hors du temps...

Merci pour ces quelques confidences éparpillées au gré du vent, cette richesse dans vos mots, cette bonté sincère, cette « transmission » de pensées matinales et ces échos de vie...

Merci pour Rimbaud, Baudelaire, Zweig et tous ces fabuleux auteurs évoqués.

Vous êtes un Passeur de Mots, un vagabond qui sème ses rêves deci delà et nous permet d'en toucher, du bout de votre plume, toute la délicatesse...

Merci à vous d'abreuver de lumière les petits farfadets que nous sommes, à la recherche d'humanité, de quelques gouttes de poésie et de si belles phrases...

Ce fut un réel plaisir de passer ce moment en votre compagnie. Une belle rencontre qui restera gravée en moi comme une trace de poussière d'étoile, sous le ciel de Mayacumbra !
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Théo s'est bâti une guérite sur la pente d'un volcan et un jardin sous les étoiles.
L'"étranglé souriant", lassé de jouer les bien braves, a tout quitté un matin pour s'en aller droit devant lui, et le vent l'a mené jusqu'à La Corne de Dieu dont il est devenu la sentinelle.
Il s'est acharné sur un coin de terre dérisoire pour en faire son univers, pour y créer une complicité avec ce chaudron de lave froide.
Une complicité qu'il grâve sur la pierre, sur les murs, sur le papier pour abolir le temps.
Pour ne pas perdre complètement pied aussi, car il s'est maintes fois posé la question de savoir ce qu'il foutait là, pourquoi cet entêtement absurde.
La réponse, sa seule justification, se trouve plus bas, sous les nuages, dans le bled perdu au pied du volcan.

Mayacumbra est un ramassis de bicoques où vivotent des personnages hétéroclytes, paumés et un tant soit peu magouilleurs.
Les hommes de Mayacumbra ont pourtant leur porte-bonheur, leur talisman.
La jeune Lita est le joyau, l'équilibre de cette misérable petite société mais elle est aussi le grand amour de Théo, celle qui lui donne la joie du ventre même si elle appartient à un autre.
Parmi toutes ces âmes perdues, Solstice, le vieux garagiste, veille sur celui qu'il appelle le "petit clown", ce gamin qui fonce tête baissée dans ses lubies, cet écorché vif qui partage sa vie avec un âne.

Vivre sur les pentes d'un volcan, c'est aussi en sentir gronder, gargouiller, chuinter les entrailles, en accepter la domination et, pour Théo, sa protection.

La très belle plume d'Alain Cadéo, poète et amoureux des mots, a su m'enchanter, me faire voyager au-delà des nuages, dans un univers sans cesse en mouvement dont le coeur gronde et crache sa puissance.
415 pages de lecture intense, vibrante dont pas une ne lasse !
Un grand coup de ❤
Merci à David pour ce très beau cadeau qu'il a eu de surcroît, la gentillesse de faire dédicacer à mon intention !

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Un auteur est une antenne, nous dit Alain Cadéo, il capte des ondes destinées à lui seul. Sa force est de savoir les décoder et les rendre accessibles à ceux qui deviendront ses lecteurs.

Mayacumbra est une belle preuve de cette force chez Alain Cadéo. Si comme nous le disait Jean d'Ormesson, c'est le style qui fera vivre une oeuvre, on peut augurer longue vie à celles de cet auteur que je découvre avec Mayacumbra. Il fait à mes yeux partie de ceux qui ont le génie de dire la vie.

Théo, le héros de Mayacumbra, est comme son géniteur, c'est un solitaire qui aime l'humain. Dans ce que cette notion comporte de capacité à aimer. Quand il comprend que la réalisation de l'humain est faite de cupidité, de convoitise, comme c'est trop souvent le cas, alors Théo s'affranchit de cette réussite-là. Il s'éloigne du magma putride de cette société qui l'a vu naître pour aller chercher la vérité ailleurs. Loin, très loin, là où le futile devient essentiel. Il vient blottir son humilité contre le magma tellurique, sur les pentes du volcan Mayacumbra.
L'homme est un archange déchu nous dit encore Alain Cadéo. Théo n'est "pas là pour élaborer un quelconque système philosophique". Il vient puiser sa vérité dans sa confrontation avec la puissance souveraine qui enseigne la vanité des choses. En quête d'innocence originelle, animale. Il n'est de noble en l'homme que sa capacité à aimer. Tout le reste sera fondu dans le creuset du néant.

"Il n'y a que les choses en lesquelles on croit qui existent, tant pis pour ceux qui doutent".

A Mayacumbra, dans le village au pied du Volcan, il y a Lita. Une fleur qui pousse sur le rebus glauque des vices de l'humanité. Théo aime Lita. Mais si elle le gratifie de réciprocité, elle lui fait aussi comprendre qu'amour n'est pas possession. Leur amour sera consommé à dose homéopathique. La seule façon de le faire durer, de le préserver de l'érosion, la seule façon de le magnifier. Lita Justifie tout aux yeux de Théo. Lui passe pour un illuminé aux yeux des autres, surtout quand ils le savent en conversation avec son âne, Ferdinand. Il n'est que son ami Solstice pour le tenir en considération.

À Mayacumbra les légendes ont la vie dure. Vivre sur les pentes du volcan, au-delà de la source, c'est braver le monstre, séjourner dans l'antichambre de l'au-delà. C'est un délire. "Il est fondu ce gosse" en disent ceux du village. Mais Théo n'en a cure. Il sait que sa vérité est là. Il sait que Lita est là, au pied du volcan et que de temps à autres elle vient joindre la chaleur de son corps à celle des entrailles de la terre pour souffler sur les braises du désir.

Mayacumbra fait partie de ces ouvrages qui vous absorbent dès les premières phrases. Un auteur nous dit son amour des mots. Il sait dompter leur sauvagerie, les faire évoluer comme dans une chorégraphie, et nous faire comprendre que ce n'est pas leur sens qui compte, mais le ressenti qu'ils véhiculent. Avec Alain Cadéo, les mots peuvent aussi éclairer le paysage d'une drôlerie surprenante. Ils peuvent eux aussi avoir leur coup de folie dans la bouche de l'un ou de l'autre. "Faut jamais faire dans la caisse à chats de la mère Talloche" (page 56).

L'écrivain est un alchimiste qui de la pondération des mots sait faire jaillir l'or de l'imaginaire. "Rien n'est plus fort que d'éprouver dans toutes les nuances ce que l'autre ressent. Quel que soit l'autre, il possède un secret qui est aussi le nôtre."
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"Mayacumbra", dernière page, dernier mot, clap de fin, livre refermé, silence… Un silence fait de mots, les mots d'Alain Cadéo. Ils continuent de résonner, de courir, de sautiller. Dans ce dernier roman de l'auteur, j'ai retrouvé toute la poésie de ses précédents écrits et plus encore, un roman aux allures de conte initiatique.

Comme dans un conte, en effet, le héros, Théo vingt-sept ans, semble mener une quête. D'où vient-il ? de loin. Où va-t-il ? Très haut. "Ailleurs", "là-bas", étaient mes deux credo, mon moulin à prières, ma grinçante crécelle faisant trembler, grincer les dents de la maisonnée." Que fuit-il ? Que souhaite-t-il ? Sur son chemin semé d'embûches, il rencontre des personnages pour le moins marginaux, aussi originaux que les noms dont ils sont affublés : Solstice,Cyrus, Lorino, Biribine, Rolombus… Il tombe amoureux d'une femme, jolie mais déjà mariée, au prénom qui chante et sent le bonheur : Lita. Tous sont là, près de lui, dans sa recherche d'on ne sait quoi. Et le volcan endormi, à l'abri duquel il a installé sa cabane, veille : "Théo est enfin sûr d'avoir gagné la confiance de la Corne de Dieu. Cette énorme masse minérale vit et respire au même rythme qu'eux… C'est une complicité. Ils n'ont plus de secrets, aucune zone d'ombre. L'homme, l'animal, la pierre, la chair, ne font qu'un. Théo est fier d'être l'ami, le familier, le camarade d'un géant." Et son âne Ferdinand, compagnon de grimpette, est là aussi "… avec ses flancs qui battent comme une cornemuse…"

Lire un roman d'Alain Cadéo, c'est se noyer dans un tourbillon d'expressions finement choisies, s'immerger dans un dédale de phrases ondulantes, se laisser couler au milieu de personnages lunaires, traverser des paysages paradisiaques, écouter un volcan gronder. Ses mots sont une berceuse, ses digressions loin de gêner transcendent le texte et mêmes les quelques grossièretés parfois utilisées ajoutent quelques aspérités vivantes à la poésie de la langue. Lire un roman d'Alain Cadéo c'est accepter de dévaler ses écrits au rythme de sentiers cabossés, de boire à une source d'eau fraîche sur le chemin, c'est tout oublier pour suivre son tempo, c'est côtoyer des êtres blessés qu'il ausculte au plus profond de l'âme, c'est se fondre dans l'irréel d'une histoire aux accents d'authenticité.

"Un livre… c'est comme un dessert… ou mieux une tablette de chocolat… S'il est bon tu peux le goûter n'importe où… il t'emporte… T'es même pas obligé de le finir… Un bon livre, ça se croque tout seul, par petits bouts, le reste se devine… Et toi, tu salives, tu anticipes, tu cours derrière tes images." Mais moi, "Mayacumbra", je l'ai fini. Je l'ai goûté, je l'ai croqué, j'ai salivé. Mais j'ai refusé d'anticiper, j'ai refusé de deviner, je suis allée au bout. Je n'ai pu m'arrêter, emportée par le rythme, le chant des mots, les odeurs du plateau. Et je n'ai pas regretté. Comment imaginer le fabuleux bouquet final de ce feu d'artifice qu'est "Mayacumbra" ?

Un véritable coup de foudre, un bijou préservé dans un écrin aux couleurs d'améthyste – décidément, j'aime beaucoup les couvertures des Editions La Trace – et sublimé par la très belle préface de Sylvie le Bihan.

Lien : https://memo-emoi.fr
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Ouvrir « Mayacumbra » pressentir la solennité, bien au-delà d'une première de couverture, plénitude des cimes. « A l'origine dans l'aube mouvante, quelques troncs noirs étranglent encore la lumière fade de la vallée. » L'incipit est un accueil chatoyant. Boucles verdoyantes, poétiques, liturgie du verbe. Alain Cadéo est cette entité universelle. Offrant à l'hôte de ses pages l'opportunité rare d'un voyage initiatique. Les mots rentrent en scène, en alliance avec l'auteur qui, subrepticement, à pas veloutés devient le guide du minéral, du régénérant. Il dépose, habile et sage, les gouttes de cette rosée grammaticale, épiphanie des grandeurs. La beauté est déjà là. Majuscule d'un pictural, révérence pour Giono, Pagnol, Bosco, à ces observateurs du frémissement existentiel. Alain Cadéo est un pèlerin. Délivrant son aura de Babel, posant cette pierre mémorielle, en gestuelle d'humilité. le don d'écriture est salvateur. le lecteur prend son bâton, marche vers le hameau « Mayacumbra » Idiosyncrasie d'une micro société. Les habitants sont des paravents contre les affres du vrai monde consumériste et superficiel. Dans cet espace où se côtoient les fardeaux lourds d'un passé renié, les espérances et les solidarités. La philosophie s'élève cosmopolite, hédoniste, cynique. On aime plus que tout le subtil des noms des protagonistes : Théo, Solstice… qui gravitent dans cette histoire. Des clins d'oeil malicieux, petits cailloux semés, éclats de rire intenses. La tonalité de la trame veloutée, épicurienne est une boîte de crayons de couleurs. « Sa foi est illimitée. Il a même construit une petite chapelle en pierres, table ronde, dans laquelle il se love comme un loir. « Mayacumbra » est un refuge parabolique. Un antre où tous sont une farandole, un feu de St Jean. Un lieu vivifiant où le liant est cet apôtre contrant l'énigmatique volcan « La Corne de Dieu » et ses sauts d'humeur. Les soudés d'un même destin s'observent, s'entraident. « Un seul être suffit à mettre tout en place. Pierre angulaire de ce nouveau monde. Lita justifie tout. » La voici la belle enfant, l'amoureuse de Théo, celle qui déploie son magnétisme, emportant la palme de la pureté jusqu'au plus extrême des chemins. Théo, 27 ans, dont l'âge est un secret, est le fil rouge de cette histoire. Cet homme fuyant ses démons, le mercantilisme, vivant seul, au plus près de « La Corne de Dieu » avec son âne Ferdinand, ses mystères et son amour fou pour Lita. Les pages s'accrochent aux étoiles, à l'authenticité, à la beauté d'un volcan imprévisible. le summum est là. « Celui qui ne connaît pas cette joie de veilleur, caché de tous, retenant sa respiration, identifiant le moindre bruit, dans de très longues nuits d'amour à la lisière des mondes, ne sait rien de la joie cristalline que l'on peut éprouver à rester puissamment attentif, sous l'acupuncture glacée des étoiles. Théo construit sa maison. « Il veut que chaque bloc autonome soit à lui seul une vivifiante architecture. Ce qu'il cherche à obtenir c'est cet assemblage de force… Un point d'orgue, un centre de gravité… » Macrocosme, refuge alloué à l'ex-voto emblématique. Tout est beau dans cet entre monde, dans cet aller-retour entre les personnages que l'on aime de toutes ses forces. « Ainsi chacun avec ses propres mains a le pouvoir de mettre au monde ce qui le hante le plus… le crâne humain est un chantier en friche, un mortier d'alchimiste. » Ce récit est transcendant. Ecoutez l'attentive délicatesse des regards qui se croisent, les bruissements des feuillages sentimentaux. L'éclatante ferveur d'un volcan, symbiose d'un travail à polir pour s'affranchir. L'honnêteté du verbe placé dans son axe le plus juste, aux voix de « Mayacumbra » prières laïques, encre d'une lave qui se donne en oraison. Dire à Alain Cadéo le pouvoir ésotérique de son écriture de lin et de saveurs. Combien cet éclat de lumière est une mappemonde humaniste, sociologique et sentimentale. Les voix de ses seigneurs sont un écho vibrant pour le lecteur qui défie le chimérique et se prend à vouloir atteindre lui aussi ce lieu de transhumance intérieure. Ce récit est un secret à garder pour les jours sans. Son pouvoir de séduction est magistral, tout se passe en invisibilité. « Mayacumbra » est un baume au coeur. Publié par les Editions La Trace qui nous prouvent une nouvelle fois leur haute qualité éditoriale. Edifiant, rare, culte.
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Quelle part d'Alain Cadéo contient ce roman ? « Vouloir à tout prix graver dans le marbre des sentences définitives avec l'air entendu de ceux qui pensent tout comprendre, c'est se brouiller le ciel. Les mots, aussi maladroits soient-ils, étaient pour moi, sont encore, une substance fluide et lumineuse, un ruisseau, un passage, une trame. Maladroits, sinueux, imparfaits, mais vivants ! Ils ne sont là, pirogues effilées, que pour poser, passer, glisser, traduire, faire circuler la cantilène liquide de l'univers » (Théo – p. 130)

"Mayacumbra'' me rappelle ce poème de Kamal Zerdoumi :
Il tâtonne dans le monde
et se blesse aux rires
des pierres sur son chemin
Sa quête se heurte au labyrinthe
du destin
lui qui aimait courir au soleil
de la tendre nuit
ou battaient o miracle
deux coeurs
à l'unisson
On lui demande d'ouvrir les yeux
qu'il garde fermés
dans un rêve sans fin
où une Femme
toujours la même
le tient par la main
éternel instant
à l'abri des flammes
du réveil.

Theo… personnage principal : j'ai la faiblesse de croire que ce prénom ‘'clin d'oeil'' (ou jeu de mot) n'est pas choisi au hasard pour nommer ce jeune homme épris d'absolu et qui s'installe sur les pentes d'un volcan, au-dessus des villages et forêts. «Que ne faut-il pas détruire, brûler, amputer pour singer l'idéal, s'en dicter les formules sans cesse fuyantes ? Au-delà de ces efforts, il en est sûr, seront exaucés les justes, les attentifs, les malheureux épris du virus ‘'absolu'', tous ceux qui auront abandonné toute pensée de confort, ceux qui, après avoir longuement hésité, auront lâché les rampes maigres de leurs caricatures, pour se jeter au fond du Temps. Ceux enfin qui n'auront jamais renoncé à porter leurs rêves à bout de bras.»
Une expérience qu'il va essayer de mener, soutenu par la belle Lita, en compagnie de son âne Ferdinand et avec des rencontres épisodiques avec une bande ‘'d'âmes perdues, d'errants, de vagabonds, tous magnétiquement attirés par ce coin du bout du monde'' (résumé éditeur).

Au milieu de cette nature aride (volcan) ou foisonnante (forêt) il y a l'ombre et la lumière, le bien et le mal.

« "Mayacumbra'', c'est l'irruption caricaturale du Mal dans un univers fait de grandeur et de faiblesses. C'est L'Humain tel que je l'ai rencontré et vécu. Et c'est surtout cela la Poésie, ce mélange irrationnel de solaire et de petitesses. Chacun d'entre nous contient des îles de splendeur et des continents d'amertume et de cruauté volontaire ou pas. Tremper son stylo dans le sang des viscères autant que dans la sève des mélèzes c'est rendre à l'Homme sa richesse, c'est restituer toutes les couleurs de sa palette intime.» (interview)


Alain Cadéo est bien cet « équilibriste, entre deux Mondes chancelants » comme il se définit dans un interview.




PS – Merci à Babélio et aux Editions La Trace pour ce livre reçu dans le cadre de Masse Critique de janvier. Et félicitations à Florence, éditrice et infographiste, pour la superbe couverture qui illustre parfaitement le contenu du livre.
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Retrouver la plume d'Alain Cadéo est toujours un cadeau, cet orfèvre des mots, magicien de la langue se mérite. Il nous propose ici un grand voyage, celui de Théo qui a tout quitté, sa famille, ses habitudes pour errer sur la route et enfin se poser ici à Mayacumbra il y a trois ans.

Mayacumbra, un village insitué entouré de forêts, de brume au pied d'un grand volcan assoupi, La Corne de Dieu. Quelques habitations de fortune que je visualise en bidonvilles d'Amérique du Sud autour du Kokinos, genre de grande épicerie générale, là où l'on se retrouve pour boire un verre, manger un morceau, là où on peut louer une chambre, chez Cyrus et la mère Talloche.

Un village triste, où la boue, la gange , les nuages bas, brumes et brouillard sont légion. Mayacumbra c'est un hameau loin de tout à la fin de pistes difficiles où l'homme vient se cacher, se terrer, se perdre.

Cadéo nous dépeint une sacrée galerie de personnages. Chaque habitant du village vivant là a emmené avec lui ses secrets, cherchant sans doute à se faire oublier du monde. Il y a Raymond Sovignac, un drôle de curé, Giacomino, l'errant à la valise jaune, Solstice le garagiste, trafiquant à ses heures et ami de Théo, Rolombus le Manouche, le vieux Biribine, Arnosen le flic un peu dérangé obsédé par les oiseaux, Moreno et surtout Lita. Lita mariée trop jeune à Moreno, un mélange du peuple des bois vivant au village, l'amoureuse de Théo, une de ses raisons de vivre.

Théo, lui, il a choisi le volcan, la Corne de Dieu , cet endroit que tout le monde craint au village, sauf Lita qui l'y rejoint de temps à autre en secret. C'est qu'après la source et le chemin tortueux, tout en haut du volcan, Théo a trouvé son hâvre de paix.

Il y a construit une cabane et y vit avec son compagnon, son âne Ferdinand. Ensemble ils affrontent le Capitan, les éléments.

Là, loin du monde, il se sent fort, c'est le volcan qui lui donne sa force. Sa raison d'être c'est Lita mais aussi les mots, les livres et l'écriture vitale pour lui. Au village on le surnomme Loco, le fou mais peu importe car c'est ici qu'il s'est trouvé.

C'est dans un monde onirique que nous conduit la plume de Cadéo, un conte initiatique, philosophique, poétique. La quête de Théo est la recherche de lui-même, sa solitude, sa vie en partie d'ermite lui donne la paix, sa raison d'être. Il puise son énergie dans le volcan, dans la nature et la beauté des lieux.

Cet équilibre tient à peu de choses et tout basculera peu à peu lorsque son ami Solstice viendra se cacher deux jours près de lui et lui annoncer l'arrivée d'un étranger , un muet au village. le mal n'est jamais très loin, un changement progressif se met alors en marche, le volcan aussi donnera des signes.

Cadéo manie la langue avec beaucoup d'adresse, la beauté des mots, l'accord des sons, procurent un tourbillon d'émotions. Il crée des expressions, joue avec la langue. C'est beau. le chemin de la vie est parfois tortueux, l'auteur dépeint à merveille la nature, la beauté de celle-ci mais aussi l'âme humaine. Il faut cependant prendre garde de ne pas réveiller le volcan qui sommeille en chacun de nous.

Un roman à déguster, prendre le temps de se laisser porter et de laisser retomber les mots au plus profond de soi.
Lien : https://nathavh49.blogspot.c..
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L'absence de chapitres voulue par l'auteur, donne d'emblée un rythme particulier, ressemblant à l'horizon qui s'étire devant les yeux de Théo.
Le Capitan, ce vent au nom de personnage fanfaron et pleutre des comédies à l'ancienne en est le Maestro et donne une dimension presque mystique à cette histoire.
C'est dans ce décor que Théo a décidé de s'installer :
« Alors cesser de fuir. le Monde est une partie de cache-cache jouée d'avance. le planqué, retranché, encaverné, immobile, tout comme celui qui sort, qui court, s'évertue à se perdre, seront tous les deux bien vite nus, tétanisés sous l'oeil rond de la Terre et des Lunes qui ne nous lâchent pas. »
Il n'a que 27 ans et il s'invente une vie dans une quête de sens, de cohérence.
Mayacumbra c'est où vous avez décidé quand vous le voulez, nous avons tous un Mayacumbra.
S'éloigner du monde c'est souvent mieux le retrouver.
Il s'est construit une cabane très habitable à flanc de volcan. Il a tout fait lui-même, de ses mains, avec pour aide son fidèle compagnon l'âne Ferdinand.
Plus bas se côtoient le peuple de la forêt et un village fait de bric et de broc autour d'une épicerie générale comme cela se faisait au Canada avec les pionniers.
Ces villageois sont bigarrés, ils ont tous un passé, des secrets…
Raymond un curé déjanté, Giacomino l'errant, Cyrus et la mère Talloche les épiciers, Solstice le garagiste et ami de Théo, Balthazar le manchot et Lita femme de Moreno et maîtresse de Théo.
C'est une peinture haute en couleurs bien incarnée, que nous dessine l'auteur.
Portraits où alterne la caricature et la finesse. Souvent drôles mais surtout attachants.
Tous vivent là, dans un paysage de rêve malgré ou grâce à la rudesse des lieux.
C'est un paysage de tous les possibles, c'est un horizon qui s'ouvre…
Il ne faut pas croire que laisser tomber la pelisse du passé se fait avec simplicité et facilité.
Les angoisses sont là ; la proximité du volcan est comme les battements du coeur, un mystère, un essentiel.
Les petites phrases qui lui signifiaient qu'il n'était jamais au bon endroit, au bon moment sont les antiennes du cauchemar.
Il faut se réinventer.
Ici, dire que la nature est un personnage à part entière n'est pas une métaphore.
J'ai aimé ses couleurs, les sautes d'humeur, ses soubresauts, sa beauté comme sa cruauté, car la vie est tout cela.
L'amour omniprésent, prégnant comme une évidence, simple et compliqué.
Une philosophie ?
Et soudain, la nature change avertit celui qui est attentif.
Lita le sent, elle qui vient de la forêt et vit au village.
L'histoire bascule.
Alain Cadéo joue avec ses mots de contrebande pour notre plaisir de lecteurs.
Car tous font sens qu'ils vous invitent à la poésie ou à la philosophie, vous y trouverez la vie, celle où l'humain a de l'importance.
L'auteur est allé encore plus loin dans sa singularité, faisant de son écriture une empreinte, trace profonde et durable dans l'esprit de ses lecteurs.
Lire sa prose c'est voyager dans un ailleurs aussi lointain que proche car c'est en nous que sont les clefs de l'énigme.
Western à la française, la conquête s'ouvre sur de vastes horizons et creuse les profondeurs de l'âme.
De belles observations sur le langage qui est mouvant, sur la littérature et ce qu'elle a à offrir.
C'est dans ces creux que se bâtit la réflexion vagabonde du lecteur.
Un beau roman d'aventure mâtiné de poésie avec pour destrier JJ Rousseau.
Le but ne serait-il pas de nous faire connaître : « La joie, ce n'est pourtant rien d'autre que de suivre, d'accompagner le Monde, ce maître aquarelliste. Ce n'est rien d'autre que, libres et ivres de couleurs, légers, nous laisser imprégner de toute sa palette. Sans l'ombre d'une défense, sans un soupçon d'a priori, sans l'idée même de profit. C'est être au coeur conscient de la lumière, là où vibre, tremble, bouge, danse, oscille, vit , meurt, apparaît, disparaît. »
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 7 novembre 2019.
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Voyage dans une sorte de bout du monde étrange et réel à la fois où les hommes vivent à la lisière de la loi ... Ce sera la destination finale de Théo qui a quitté notre société refusant sa fuite en avant, sorte de carrousel fou , pour trouver refuge sous l'aile protectrice d'un volcan à mi-chemin entre la terre et le ciel. Une fois encore l'écriture extrêmement poétique d'Alain Cadeo est au rendez-vous et nous entraîne dans une réflexion sur le manichéisme ... sur ce que l'âme humaine compte de meilleur et de pire ...Pour connaître la morale de l'histoire lisez le livre
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Un moment d'anthologie.
Quand un journaliste découvre en direct la beauté d'un nouveau roman et... démarre son interview ! A la grande surprise de l'auteur. Bravo Philippe de Riemaecker pour cette magnifique prouesse.
Lien : https://youtu.be/cC6Oc9rG_pc
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