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EAN : 9791097515713
LA TRACE (13/09/2022)
4.25/5   18 notes
Résumé :
Plus qu'un roman, ceci est un journal tenu par un artiste peintre casanier tiré de son cocon pour retrouver, il l'a promis, traces de son frère Théo disparu dans une coulée de lave à l'autre bout du Monde, vingt ans auparavant.
Ce journal, entièrement dédié à une petite fille vivant dans ce hameau d'âmes perdues sous la tutelle d'un volcan, est le récit d'un être qui se découvre un amour fou pour l'innocence et la beauté, l'universel de tout instant vécu loin... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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« de moi, mort enfin, on ne trouvera peut-être que cela : une suite de pages craquantes, jaunies comme autant de mues, de chrysalides… Et puis rien, que le vent, qui portera très loin, plus haut encore, l'aile de mon sourire… Mon sourire, pour toi Lita, mon émeraude, mon secret de bout du monde… »

Ce bout du monde, c'est le puits des oubliés, le purgatoire des âmes errantes… C'est une mise à nu, un creuset où se fondent les amitiés et où bouillonnent les amours, brutes, sincères, lavées de toutes leurs impuretés... C'est un chaud et froid de solitude et d'abondance entremêlées, le désert décharné où le bédouin prie la source quand le soleil déchire le ciel et à la fois une grouillante et généreuse brassée d'humanité, chaude et féconde…

Au bout du bout de ce monde se dresse Mayacumbra, ce lieu imaginaire qui n'existe sur aucune carte que celle de votre paix intérieure, comme accroché au pied de la Corne de Dieu, terminus des égarés de la vie, des faiseurs de pluie, des vieux loups, des saltimbanques et des bonimenteurs.

C'est là que vécut Théo, une joue posée sur le flanc du géant de pierre au corps endormi, les yeux dans les étoiles et le coeur offert aux douces mains de Lita, sa pierre de Lune.

Mayacumbra était son histoire, sa vie… Et lorsque, en représailles contre la folie des hommes, jaillirent des entrailles de granit les dernières larmes de lave et que le coeur battant du volcan se tut, Théo devint pour l'éternité l'âme de Mayacumbra, l'Homme qui veille à jamais dans la pierre.

Bien des années plus tard, Augustin, son frère, dépose une promesse maternelle sur les pages craquantes et jaunies du journal de Théo… Quitter la grisaille d'un monde moderne où se bousculent nos vies de galériens, s'alléger des chaines, oser frôler à nouveau du regard l'horizon et retrouver ce lieu où vécut son frère Théo, brillant comme Arlequin là où Augustin n'était que l'ombre de Pantalone, aussi joyeux et communicatif qu'Auguste là où lui n'endossait que le costume du clown blanc. Marcher enfin dans les pas de ce comédien de frère, lui, Augustin, Pierrot de la Lune, qui n'en était que le spectateur…

Mayacumbra, Acte II.

Ainsi débute ce second pèlerinage vers ce village oublié des hommes, où s'arrêtent la route et le temps. Là où subsistent pourtant encore une poignée de charitables et de dévoyés, où les passés se noient dans l'oubli et les chagrins dans la gnôle du Kokinos.

Bon Dieu, que ça sent bon l'Humain quand s'élèvent les joies de découvrir ce petit frère et de se rappeler au bon souvenir de celui qui veille à jamais dans la pierre ! C'est que, les soirs de pleine lune, lorsque souffle le Capitan sur le flanc du volcan, on peut encore entrevoir l'âme de Théo se glisser sur Mayacumbra et ses anciens compagnons de fortune.

Il y a bien sûr Solstice, qui n'a pas son pareil pour bricoler les vieilles carcasses de voiture ; Cyrus, le tôlier du Kokinos, troquet et poumon de Mayacumbra, où coulent les confidences et amitiés dans les effluves enivrantes d'un mauvais rhum ; la mère Talloche, toujours derrière Cyrus à surveiller la recette du jour sous le regard amusé de Raoul, le croco qui veille sur l'auberge ; Baltazar le Crapahutier, qui mettra la main, un jour prochain c'est certain, sur la plus belle des pierres précieuses…

Il y a également Maria, fruit des amours de Théo et Lita, nièce d'Augustin, à la discrète silhouette, dont la présence dans ce monde si masculin a le don d'embraser pourtant à elle seule le ciel de Mayacumbra les soirs de pluie.

Et puis, enfin, il y a la petite Lina, dont Théo était l'aïeul.

Au travers du regard de cette petite-fille posé sur lui, aux confins du Monde, Augustin se découvrira enfin une raison d'être. Lina, ce petit bout de Théo, a l'innocence de l'oisillon et un brasero de vie au fond des yeux et dans sa caverne de vieil ours solitaire au sortir de son hibernation, Augustin deviendra « Grand-père » à ses côtés. C'est bientôt Miró, Chagall, Baudelaire et Verlaine qui s'inviteront sur les parois de cette caverne où, main dans la main, passé et futur ne feront plus qu'instant présent.



***

Si Mayacumbra était un doux parfum aux notes boisées, L'Homme qui veille dans la pierre en serait le sillon enivrant qui subsiste encore longtemps après son passage, aux fragrances qui rappellent le cyprès, le vétiver et la mousse des arbres après la pluie…

Toute cette chaudrée d'humanité, ça réchauffe la bedaine, ça pénètre les naseaux comme une délicate bouffée de thym et d'origan, ça abreuve le corps d'un délicat distillat d'amour pur.

Ces réflexions partagées et cet amour d'un clown blanc, devenu Auguste, pour sa descendance, ça sent bon Mayacumbra, ça sent bon zoé, ça sent bon le Ciel au Ventre, ça sent bon tous ces autres romans d'Alain Cadéo où la pensée humaine et l'état poétique sont tant présents. Et c'est à chaque éclosion un nouveau voyage vers le bonheur… Lisez Alain Cadéo
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Ce n'est pas facile de revenir à Mayacumbra sans Théo...
Comment le raconter à Augustin venu tenir la promesse faite à leur mère mourante de retrouver la trace de ce frère parti un jour sans explications ?

Les mots sont inutiles quand plâne l'ombre bienveillante d'un ange, telle un voile de douceur sur un coin perdu.
Les mots sont inutiles quand une poignée de personnages hétéroclites, un peu paumés sont comme tatoués à jamais d'un prénom en quatre lettres.
Inutiles quand la pierre garde les stigmates du temps passé et des fureurs de la terre.
Quand enfin une fillette aux grands yeux parvient à éveiller un coeur endormi, à le révéler à lui-même.

Pour Augustin, les mots se chargent enfin de sens et trouvent leur destinataire.
La vie prend enfin toute sa saveur à l'ombre d'un chaudron de lave qui sert de sépulture à ce frère trop peu connu.
Ses mots sont une déclaration d'amour, une grâce rendue au destin qui l'a mis sur les pas de Théo.

Lire L'homme qui veille dans la pierre fut pour moi comme un retour à la maison.
Retrouver Mayacumbra et son atmosphère si particulière, revoir tous ces personnages hauts en couleur me procura beaucoup d'émotion.
Entre chaque ligne, chaque paragraphe, plâne l'ombre de Théo et je l'en ai aimé d'avantage.

La plume d'Alain Cadéo ne déçoit jamais.
C'est une parenthèse hors du temps, une pause de douceur dans un monde de chaos, une poésie simple et accessible qui fait des mots de tous les jours des perles à enfiler dans le collier de la vie.

J'ai longtemps hésité à hisser cette oeuvre jusqu'à son grand frère mais Mayacumbra reste détenteur de ce petit truc inexplicable qu'on nomme si facilement coup de coeur, impossible à détrôner.
Pour moi, peut-être simplement la présence de Théo...

Merci à Alain et à Martine pour ce formidable cadeau que, croyez bien, j'apprécie à sa juste valeur !
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Écoutez voir Alain Cadéo !
Pierre de volcan, immanence et hédonisme, « L'homme qui veille dans la pierre » est un chef-d'oeuvre. Une aurore-boréale, une fleur qui perce le goudron assignée aux dires.
Sans « Mayacumbra » la pierre serait silence. Mais voilà, Alain Cadéo sait le passage des volcans. Ce roman peut se lire indépendamment de « Mayacumbra ». Néanmoins, il est bon de le lire aussi, majuscule d'une histoire qui se poursuit ici, entre laves et confidences. La trame est régénérante, magnétique, poétique et surdouée. Ce livre bienfaisant est une couverture pour les nuits d'hiver infinies et souveraines.
Ah ! Ce chant de la langue, ce poète épicurien, sage et observateur. Écrire ainsi est un don, une gageure. L'inspiration enjouée, magnanime et divine.
Ici, c'est le frère de Théo qui soulève les pages et encense ce livre-feu. Augustin (le narrateur) à trente-huit ans lorsque sa mère décède. Il pense alors à Théo, le frère volubile, cime, Diogène, libre, immensément libre, parti à Mayacumbra, terre microcosme, autarcie, « La Corne de feu » le volcan pour toit du monde. On imagine encore et encore ce lieu sans se lasser, au contraire, tout est toujours en mouvement, palpitant dans cette orée imaginaire quoique. Les laves ont englouti Théo. Lui, le courageux, l'albatros, l'homme-lumière, la fraternité-regard .
Augustin veut découvrir Mayacumbra. Périple salvateur, émancipateur, renouer avec ce frère aîné dont il admirait l'esprit voyageur. Combler le vide de l'absence infinie et rebelle. Il va exaucer les voeux de sa mère, déambuler dans les traces de ce frère disparu. Quêter la survivance au fronton d'un volcan qui retient ses secrets.
« Lorsque je ne serai plus là, je veux que tu partes. Peut-être croiseras-tu le chemin de ton frère. Je suis sûre, depuis toujours, qu'il a laissé, là-bas, quelque chose, pour nous. »
Augustin est dans une bulle. Un peu, voire beaucoup, le complexe de Peter Pan, égaré par la vie frénétique. Augustin n'a jamais fait de pas de côté. Mais il a un devoir de conscience. Refondre la mémoire de Théo en pierre symbolique. Mais lequel des deux réagira en premier ? Augustin franchit Mayacumbra, cercle vivifiant, et cherche des yeux « Celles qui restent » à l'instar de Bénédicte Rousset. J'ai nommé Maria et Lina, femme et fille de Théo. Communauté d'amis aux noms magnifiques, joyeux lascars épris d'air pur et d'élans de tendresse et de solidarité. Augustin doit faire ses preuves, prouver son appartenance aux vertus et à la constance. Qui de Solstice, Eusebio, Cyrus, Fedor, le petit Sam, Baltazar, Marco. L'humanité arc-en-ciel, les paroles comme des marguerites et les rires comme des étoiles. L'écriture est digne et pétillante, joyeuse et parfois sous-entendue. Comme un secret qui ne se prononce pas. Elle attire à elle, Mayacumbra et ce qui est invisible et théologal. Entre Alain Cadéo et Augustin, encore plus par Théo car c'est par lui que tout commence.
« Lorsqu'on arrive à Mayacumbra, Solstice demeure la première porte, la première vie palpable de notre communauté ».
On aime la fusion, la plénitude vénérée, les mains de Lina accrochées comme des bouquets de lumière dans celles d'Augustin. Ce serait alors comme un conte, sauf que tout est plausible ici.
La foi dans le générationnel, la force intrinsèque d'un écrivain-poète qui jongle avec les paroles jusqu'au ciel. Ici, vous avez la pierre… l'homme qui veille. L'initiation qui n'en finit pas. Et ça c'est une chance inouïe. Ce livre-éclat, aux boucles rieuses, aux sourires vastes et aux importances Babel, est un livre camarade, empreint de loyauté. Il écarquille les sens, attise les passions, retourne la terre à pleine main . C'est un livre mage qui veille et révèle. Écrit face au temps, front à front il en devient mémoriel et grave.
Ce livre dont je verrai bien un film sur grand écran un jour certain, est un éclat de pierre, au pouvoir liant. Prendre soin de l'importance de chaque degré de lecture, tout est dans cette beauté qui détourne la mélancolie. J'aimerai connaître à présent le devenir de Maria de Lina, de cette bande copains, clochards célestes habillés de ferveur et de ténacité. Poursuivez Monsieur Alain Cadéo , regardez encore au-delà de Mayacumbra et dites-nous.
Votre histoire est devenue la nôtre. Magique, magistral, ici, règne l'alliage qui de Bosco, de Giono et de tous ces écrivains qui frémissent de par les paysages et comprennent combien la nature est souveraine. Publié par les majeures Éditions La Trace.
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Souvenez-vous !

Mayacumbra. La Corne de Dieu, sa montagne.

Il aime la regarder sa montagne. Il aime son assise, son apparente solidité. Il aime aussi les fins sourires qu'elle dissimule dans ses entrailles… fragilités…passions bouillantes…magma secret… immanentes cassures… Et pourtant quel repos cette masse aux airs de fausse endormie ! Des siècles de latence après de grands caprices… Un instant de saccades, pour un tourbillon de légendes… Décidément ce volcan est le plus beau repos de sa vie, tout en étant sa plus belle inquiétude.

Théo vivait là avec un âne, Ferdinand, au niveau du menton du volcan. Oh, il n'avait rien d'un ermite, pourtant il ne voyait pratiquement personne. Lorsqu'il avait vraiment besoin de compagnie, il dégringolait en vrai capricorne le sentier sommaire qu'il avait tracé de ses pas répétés sur un des flancs de la montagne. Une demi-heure après, il déboulait à Mayacumbra, le seul village à plus de cent kilomètres à la ronde avec ses rues pleines de voix, de grises silhouettes allant et venant dans l'aube. Les marchands ouvrant les rideaux de leurs échoppes. Jusqu'au jour où… dans un hurlement, le volcan s'est soulevé, tout entier. Théo vit un cirque de feu exploser en plein ciel. le sol est chaud. Les plus grands arbres retiennent leur sève comme s'ils avaient en mémoire l'éternelle puissance de ces immenses fêtes minérales. Humblement, ils s'en remettent à la Corne de Dieu. Ils attendent. Théo a l'impression de passer entre les jambes de géants paralysés de stupeur. Il est le seul mouvement vivant, de chair, allant vers ce que tout a déserté… Il y aura bien un signe là-haut que lui a laissé Lita…

*

Augustin regardait ce bout de page froissée, ces trois bibelots, ces quelques photos, le tout expédié par la police locale de ce pays lointain n'ayant jamais éveillé chez lui, Augustin, la moindre curiosité.

On appelle cela le temps de la décantation. C'est un fourmillement de sensations qui, avec l'âge, aimantées par nos propres vies, prennent encore un autre relief. Voir, entendre, absorber, ressentir et plus tard enfin, comprendre… Peut-être…

Augustin, trente-huit ans, qui vient de perdre sa maman, est le cadet de quatre ans de Théo. Vieux célibataire aux horaires « d'artiste », le lourdaud, le lent à la détente, « le coloriste gris » terrifié à l'idée de quitter un nid désormais mort, maudissant son destin de « suiveur », l'ombre de Théo planait toujours sur sa vie, décide près de vingt ans après la disparition de son frère de partir, comme pour un pèlerinage, sur les pas de Théo.

Et dans ce Mayacumbra de bout du monde, il va rencontrer Lina, sa toute petite fille, fille de Maria qui est sans doute la fille de Théo.

Il m'a bien fallu quelques mois pour vous apprivoiser toutes les deux. Ta mère était la plus réticente. Après tout, le fait d'être le frère de ce père qu'elle n'a jamais connu, n'était pas un gage suffisant pour faire de moi un parent parfait. Ce qui est frappant chez Maria, lorsqu'on a la chance de l'avoir devant soi cinq minutes, c'est la brutale intensité de sa présence… Son sourire entier elle ne l'offre qu'à toi, sa fille, et là j'ai souvent vu cet éclat d'obsidienne fondre d'un coup comme un sucre de ciel.

Toi, ma Lina, tu m'as presque tout de suite adopté. Et ce fut pour moi une belle surprise.

Comme tu les appelais presque tous ici gentiment : « tonton »… tonton Solstice, tonton Balthazar, tonton Cyrus, tu m'as moi spontanément appelé « grand-père ».

Moi qui au toujours joué au « chat qui s'en va tout seul » voilà que je poursuis ma vie ici, pelotonné au creux de ton immense tendresse.

Augustin a enfin charge d'âme et sa relative indifférence native se mua d'un seul coup en un amour dont jamais il ne se serait cru capable. Comme quoi… déplace ton centre de gravité et tu découvriras, ailleurs, bien loin de ta quiétude, sur les franges de l'inconnu, des tonnes d'or dont jamais tu n'aurais soupçonné l'existence si tu n'étais pas sorti, hébété, de ta mine de plomb.

*

Augustin dont le seul fil conducteur fut longtemps le simple plaisir de peindre sans jamais s'attacher à quoi que ce soit, nous confie : Je me berçais de couleurs. Et puis j'ai toujours eu cette tendance à me laisser guider par l'acupuncture saugrenue du hasard. Oui, j'ai toujours eu au fond une totale confiance en ce qu'on nomme bêtement « le destin ».

Je fuyais discrètement ce qui ne m'intéressait pas et frôlais, sans en avoir l'air d'y toucher, ce qui éveillait ma curiosité.

Oui, j'étais un « frôleur », toujours un pied dehors, jamais dedans.

*

Alain Cadéo nous replonge dans le monde merveilleux de tout ce bric-à-brac qui constitue Mayacumbra, Raoul, l'énorme crocodile empaillé, la mascotte des ivrognes, Cyrus, le patron du Kokinos, Balthazar, dit le Crapahutier, chasseur de pierres précieuses, Eusébio Gastaldino, ancien vétérinaire, bon alcoolique de surcroît, devenu le médecin à tout faire du bled. Médecin, soigneur, mais avant tout une sorte de voyant philosophe, comme en deuil perpétuel, sans amertume. Quand il vous ausculte, ses grandes oreilles velues se collent sur votre dos comme un âne câlin.

Alain Cadéo nous offre un récit, élaboré presque comme un journal intime qui nous porte sur la crête de la vague de la belle écriture. L'écume des beaux mots. Un récit pareil fleure la perfection. Un vrai tisserand du verbe. J'imagine l'auteur, penché sur le métier…l'odeur du papier, d'encre, de tabac… ses stylos, ses plumes, son clavier d'ordinateur, chevelure blanche au vent… avec ses mains qui vont et viennent, adroites autonomes, précises, n'ayant aucune hésitation, passant et repassant comme deux oiseaux obstinés, voletant avec des brins pour faire un nid de couleurs semé de signes aussi vieux que le Monde.

Un bijou des éditions La trace !
Lien : https://lesplaisirsdemarcpag..
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20 ans après !
Les lecteurs de Mayacumbra, en refermant le livre, avaient bien pensé qu'un prolongement de Théo s'imposerait.
Le jeune homme bondissant, malgré le danger dont il n'ignorait rien, allait vers son destin, à la recherche d'une trace laissée par son amoureuse Lita dans sa cabane de rondins à flanc de volcan. Figé à jamais dans la pierre, il veille sur ce monde cosmopolite qu'il avait choisi.
« de se perdre en plein ciel. Moi j'y crois à l'espace, je peux bien en parler, j'y suis, je m'y agrippe. »
Théo, boule de nerfs, a toujours eu besoin d'aller voir ailleurs, laissant derrière lui famille et amis. Il était ainsi, son frère Augustin était son parfait contraire, « plan-plan », tout en rondeur, homme de cocon voire de coton, tant l'ailleurs lui était une notion étrangère. Pour lui le bonheur était sur place.
Peintre il réussit à vivre sans quitter le cocon familial. Mais ses parents ne se sont pas remis de la disparition de leur ainé. Avant de mourir, la mère fait promettre à Augustin de retrouver la trace de Théo.
Alors, ce casanier, 20 ans après, se met en route. Lui, le cadet, l'homme en jachère va succomber aux charmes de cet endroit improbable et il sera envouté par un petit bout de femme de 5 ans, sa petite-nièce, qui choisira le titre de grand-père, car elle a déjà beaucoup de tontons.
Les lecteurs vont vivre et vibrer aux rythmes des métamorphoses qui vont secouer Augustin.
Maria, la maman de Lina, trime dur pour assurer un avenir meilleur à sa fille. Elle décide de l'envoyer en pension. Augustin en conçoit toute la nécessité mais le manque de la petite va être cruel.
Il va y pallier en peignant sur les murs de la grange qui lui sert de demeure, lui le peintre figuratif, qui a du succès en France, va instinctivement avoir recours à l'art primitif.
Ce n'est pas un hasard, il devient un passeur, cette expression artistique épouse parfaitement l'offrande qu'il fait à la mémoire de son frère, à la perpétuation de cette vie qu'il avait choisie, à l'autre bout du monde.
Plus encore, il deviendra le chroniqueur de la vie à Mayacumbra. Peu importe l'âge de la fillette, il fait confiance à l'intelligence de celle-ci dans le présent comme dans le futur.
L'urgence de dire…
Les liens transgénérationnels qui tissent leur toile et l'étendent au-delà.
Augustin nous dit quelque chose d'essentiel et d'intemporel :
« Il serait si facile de se contenter d'une vision sommaire, si facile de les rayer d'un trait en prétextant qu'ils n'ont rien dans le crâne, de les expédier en quelques mots dans un placard d'opérette. Non, on ne peut pas s'en tirer avec de sales jugements hâtifs. Nous sommes si peu nombreux ici, que chacun d'entre nous est rare. »
Alain Cadéo, une fois de plus, nous emporte, nous envoûte, d'une écriture brûlante comme la lave mais qui ne nous détruit pas. Au contraire, sa poésie, ses métaphores ne sont qu'empreintes indélébiles, qui s'inscrivent en nous comme autant de strates nous transformant en hommes qui veillent dans la pierre pour une littérature revêtant ses lettres de noblesse.
La richesse d'une conscience, d'un engagement au plus près de l'humain.
La démonstration que la littérature est plus et mieux qu'une distraction.
L'éthique et l'esthétique sont les deux poumons de l'écriture de l'auteur.
Ses textes ont une force qui ne laisse jamais indifférent.
Une écriture de conviction n'empêche nullement le plaisir de lire, elle fait aller plus loin, plus haut.
Merci pour ce privilège d'une lecture en avant-première.
©Chantal Lafon


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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
J’ai pris toute ma vie à la légère les incessants délires de la plupart des adultes. Leur ton sentencieux, cette manière qu’ils ont de se prendre au sérieux, ou de tourner autour du pot camouflant leurs faiblesses, leur façon de pleurnicher sur leur sort, tout m’a laissé indifférent. Je les trouvais ennuyeux, menteurs, rasoirs, barbants, inodores, inaudibles.
Mais un gosse qui te raconte une histoire en laquelle il croit, tu ne peux pas ne pas l’entendre. Il est tout dedans et tu n’as qu’une envie, c’est de le suivre. Tu as même envie d’en rajouter. Parce que rien n’est meilleur pour l’esprit que de plonger tout entier dans un torrent d’imaginaire, ouvertement confiant, chassant le doute à grands coups de pied au cul. Et c’est à qui t’entraînera plus loin encore, plus haut, jusqu’à ces rires qui sont nos friandises préférées, comme une ivresse, la perfection atteinte une absolue complicité.
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On m’a souvent dit que j’étais une éponge. La vérité, c’est que je ne retiens rien. En réalité, tout glisse ou tout pour moi se transforme en sons qui deviennent des ébauches, des traits et des couleurs. Je ne sais pas bien comment t’expliquer ça. Disons que si je ne comprends pas les mots, je distingue parfaitement l’arc-en-ciel des phrases. Bref, ce qui compte pour moi, c’est la couleur des intentions. C’est d’ailleurs ce que je te demande de faire ici. Tu n’as pas besoin de comprendre tous les mots que j’emploie. Lis, glisse et passe. Laisse-toi porter par ce radeau de phrases. Ne nage pas à contre-courant. Soit, tu brûleras tout, soit tu mettras dans un tiroir ce paquet d’impressions que tu ressortiras un jour, plus tard.
Derrière toute musique qui nous est familière, au-delà d’un tableau que l’on connaît par cœur, foisonnent mille détails qui remontent à la surface. On appelle cela le temps de la décantation. C’est un fourmillement de sensations qui, avec l’âge, aimantées par nos propres vies, prennent encore un autre relief. Voir, entendre, absorber, ressentir et plus tard enfin, comprendre… Peut-être…
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L’état poétique ou la fragilité ne sont bien souvent que l’aube d’une promesse ou celle d’une infinie mélancolie. Tu vas me demander ce que cela veut dire. Que puis-je répondre ? C’est un état d’équilibriste, tout de tension et de béatitude. Et d’un seul coup, d’un seul, les vibrantes ramifications de l’univers, radiographie sublime, passé, présent, futur, te submergent, t’inondent d’une telle clarté que tu en restes tremblant, tellement humain, tellement lucide, comme un qui a senti la foudre le frôler. C’est pas la peur, jamais… C’est une sorte de joie fugace, sidérée de comprendre et se laissant emporter sur un fleuve solaire.
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Il y a de la lumière dans le regard de certains hommes. Plus que de la lumière, il y a de la chaleur. Ceux-là seuls sont bons et généreux, qui vous transmettent, sans calcul ni méfiance, la récolte fruitées de leurs vies. Ils vous en font cadeau, sans en avoir même conscience. Et c’est à prendre, aussi sec, sans chichis, sans réserve, au goulot, comme une rasade d’alcool pur.
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Ceux qui sont capables de nous délivrer un instant de notre écrasante condition sont de vrais magiciens. Qu'ils soient clowns, musiciens, mathématiciens, peintres ou poètes, ce sont tous des enchanteurs, cambrioleurs d'éternité. Ils ont ce don de transformer un buffle en colibri.
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Mayacumbra : entretien Alain Cadéo et Philippe de Riemaecker
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