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sur 211 notes
1952. Louis Calaferte entre en littérature par la grande porte. Requiem des innocents est un roman terrible sur l'enfance et la misère. Calaferte y raconte ses jeunes années dans « la zone » de Lyon, un ghetto où vivent les indigents des années 30 et 40. Un pauvre gosse parmi tant d'autres : « J'étais aussi crasseux que les autres. Aussi vicieux et mal habillé que les autres. Comme eux, j'appartenais à une famille sordide du quartier le plus écorché de la ville de Lyon : la zone. Sous toutes les latitudes, on trouve ces repaires de repris de justice, de bohémiens, et d'assassins en puissance. Je n'étais qu'un petit salopard des fortifs, graine de bandit, de maquereau, graine de conspirateur et féru de coups durs. Pas plus que les autres, je ne redoutais le mal ni le sang. » Si le petit Louis ne se distingue pas de cette masse grouillante, il sera pourtant le seul parmi ses camarades à obtenir le certificat d'étude. Quand les résultats furent annoncés, « une large, une profonde et vaste stupéfaction pétrifia les copains. On me regarda avec des yeux moqueurs, des yeux méprisants, des yeux haineux. J'étais le premier bâtard de mon quartier qui allait quitter l'école avec autre choses que des poux et le vice de la masturbation collective. »

Calaferte raconte la crasse, la promiscuité, la violence, l'alcool, la sexualité débridée, l'ignorance et la cruauté des enfants de la zone : « Nés au coeur de cette fournaise, nous étions, dès les premiers mois, dépositaires de ses excès et de sa constante fureur. Au surplus nous restions ignorants du monde extérieur et de ses moeurs. [...] Nous n'étions que des bêtes malfaisantes, museaux au vent, flairant une proie ». Pour l'auteur, Requiem des innocents n'est pas un roman : « Je n'ignore pas que ces pages n'ont de valeur qu'en vertu de l'émotion qui, si toutefois j'y réussis, doit sourdre de cette succession de scènes, de faits, tous réels, que j'ai dépeints. » Et il faut bien reconnaître que l'émotion est souvent présente et vous fouille les tripes. Ainsi, cette tirade incroyable contre la mère honnie : « Toi, ma mère, garce, je ne sais où tu es passée. Je n'ai pu retrouver ta trace. J'aurais bien aimé pourtant. Tu es peut-être morte sous le couteau de Ben Rhamed, le bicot des barrières dont les extravagances sexuelles t'affolaient. Si tu vis quelque part, sache que tu peux m'offrir une joie. La première. Celle de ta mort. Te voir mourir me paierait un peu de ma douloureuse enfance. Si tu savais ce que c'est qu'une mère. Rien de commun avec toi, femelle éprise, qui livra ses entrailles au plaisir en m'enfanta par erreur. Une femme n'est pas mère à cause d'un foetus qu'elle nourrit et qu'elle met au monde. Les rats aussi savent se reproduire. Je traîne ma haine de toi dans les dédales de ma curieuse existence. Il ne fallait pas me laisser venir. Garce. Il fallait recourir à l'hygiène. Il fallait me tuer. Il fallait ne pas me laisser subir cette petite mort de mon enfance, garce. Si tu n'es pas morte, je te retrouverais un jour et tu paieras cher, ma mère. Cher. Garce. »

Calaferte, dans mon panthéon personnel, fait partie des auteurs français les plus importants. Je pense avoir lu à peu près tout ce qu'il a publié, hormis son journal. Parmi ses nombreux ouvrages, Septentrion restera à jamais comme l'un des chefs-d'oeuvre de ma bibliothèque. de ces livres tellement grands qu'il m'est impossible d'en parler.

De Calaferte, je retiens en premier lieu la qualité de l'écriture. Une prose qui mêle le flux lyrique et l'aphorisme, créant un ensemble à la fois classique et baroque où les séquences narratives se multiplient en un mélange de réalisme et de fantasmagorie. Un grand auteur et un grand premier roman, tout simplement.
Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Je ne suis pas la seule à penser que ce Requiem des innocents ne constitue pas un chef d'oeuvre et j'ai avec moi une opinion bien placée pour savoir de quoi elle parle. Louis Calaferte lui-même a écrit : « S'il y a deux livres de moi que j'abomine, ce sont les deux premiers, que je verrais disparaître avec plaisir » (Le spectateur immobile). Requiem des innocents fait évidemment partie de ces deux premiers livres. Essoufflé dès les premières pages, il semble révéler une discorde entre l'état d'esprit de Louis Calafarte au moment de l'écriture et le propos pourtant prometteur de son livre. La misère sociale donne l'impression de devoir se grimer pour constituer un aliment immédiatement disponible, comme si le lecteur ne pouvait pas fournir le travail d'interprétation tout seul.


Au moment-même de l'écriture, Louis Calafarte ne croyait peut-être déjà plus à ce qu'il écrivait ? L'enfant en lui s'en est allé, il essaie pourtant de le retrouver. Il fabrique une image crédible de sa jeunesse sans que celle-ci ne semble pourtant totalement authentique. La colère re-suscitée donne des coups de poings dans le vide et le sadisme se contemple avec satisfaction, comme un vice rare et bourgeois. L'acte de lecture du Requiem des innocents ne déroge pas à cette position faussement désenchantée.
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La violence, la misère, la brutalité qui touchent les plus vulnérables. Un regard impitoyable sur la société, sa corruption, l'aliénation qu'elle génère.
Tout est dit dans les critiques, positives ou négatives de Babelio.
Sombre, puissant, servi par un style sec, aux phrases courtes.
Un premier roman signé par Louis Calaferte, qui s'est inspiré de sa propre enfance d'émigré italien dans un ghetto de Lyon, qui donne envie de découvrir plus largement son oeuvre.
Rien n'a changé au fond…
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Un seul regret: ne pas m'être plongée plus tôt dans l'univers de cet écrivain. Je connaissais de nom ,bien sûr, mais là,le choc!
Le requiem des innocents: une autobiographie : une enfance malmenée, misérable,miséreuse, nauséabonde,sordide,dans un quartier de Lyon, pas de mots pour décrire. Un roman coup de poing ,qui vous prend aux tripes! du coup ,j'ai commandé son recueil de poèmes : Rag-Time ,que j'ai eu beaucoup de mal à dénicher.Un peu tardivement ,dommage , Louis Calaferte sera un de mes écrivains coup de coeur. ⭐⭐⭐⭐⭐
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Lire ou relire le Requiem des innocents, c'est entrer au royaume des invisibles. C'est plonger à travers les tripes du monde, c'est écouter au soupirail des villes, c'est comprendre que tout cela malheureusement, bien évidement, n'a jamais pris fin. C'est un monde la misère, c'est un enfer la pauvreté. Un miroir. Un mouroir. Une couveuse. Mais ça vit, ça grouille, ça court, ça bouffe, ça cogne, ça baise, ça survit. C'est une force colossale, un instinct de survie phénoménale. Un vortex. Si tu y entres, oublie le vernis. C'est du brut. Pas le temps. Jamais le temps pour celles et ceux qui y échouent , ceux qui y sont nés. ça vous fabrique des mâchoires de loups, des regards de vitrail, des mots qui cognent aux portes du ciel, et qui défoncent les grilles de l'enfer. faudrait juste s'asseoir. Regarder, écouter, et lire. Lire les phrases ou les visages , c'est pareil. Voilà c'est ça ce requiem un livre de peaux. Une écorche de peaux.
ça vous colle à la peau, comme une odeur. Et tu as beau dire, méchamment faire, t'as beau tirer sur les manches de ton blouson, tu sais que ça ressort toujours. Tu viens de là. T'oublie pas. Tu y crèves ou tu t'en sors. Tu l'écris. Tout ce qui en ressort , tu le délies, tu renoues, tu tisses, tu écris. Y pas de mérite. Aucun. Un hasard? Un destin ? Une logique? un système ? Là où il y a de la faim, y a pas de plaisir, mais du désir, de l'envie, de la rage, du mépris, et de l'amour qui sent l'humain, pas un amour qui sentirait le pardon. . Les innocents avaient leur cimetière, Calaferte a composé leur requiem.
C'est terriblement beau, c'est une dégaine d'écriture.
Fred Deux avec La Gana, Louis Calaferte avec son requiem. ça s'oublie pas.

Astrid Shriqui Garain
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« Je pense que rien au monde n'est plus féroce, vicieux, criminel qu'un enfant. » Cette phrase extraite de « Requiem des innocents » en dit long sur la zone et ses habitants. Louis Calaferte plonge le lecteur dans un territoire abandonné de la République. C'est Virginie Despentes qui m'a amené à cette lecture et j'ai retrouvé dans ce texte ce « quelque chose » qui lie intrinsèquement celles et ceux qui ont vécu parmi « les déchets, les sous-hommes », les crevards. Et ces expériences communes se retrouvent également dans le style littéraire des deux auteurs, un style brut, incisif, qui ne nous épargne pas. Une écriture qui vient des tripes. J'ai un peu retardé ma lecture pour m'épargner mais l'écriture est si belle, poétique, que l'horreur de certains faits, insupportables, demeure audible. Mais Louis Calaferte ne perd jamais de vue ce que chacun des protagonistes a de commun avec chacun de nous : ce qui nous lie et relie, l'Humanité.
Lien : https://bw.heraut.eu/user/Ba..
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Une écriture rapide, des phrases courtes, un vocabulaire courant, voilà aussi ce qui fait la force de ce Requiem des innocents.
Premier livre de Louis Calaferte, cinquante ans après son écriture, il reste une claque reçue en pleine figure.
Décrire le malheur et la détresse qui habitent des pauvres, des moins que pauvres, dans la zone d'une grande ville, comme l'auteur le fait, nous force à ouvrir les yeux.
La crasse physique, la crasse intellectuelle, la crasse morale sont si épaisses que ces femmes et ces hommes peuvent sembler moins que des bêtes.
Et pourtant, quand la société ouvre les yeux, quand elle veut bien faire l'effort de se regarder en face, elle fait naître l'espoir et des sentiments nouveaux, presque inconnus chez le héros, l'auteur lui-même.
Et là, ces enfants qui n'ont pas d'enfance, deviennent des êtres sensibles, émouvants, à qui pour une fois on tend la main, pour les caresser, pas pour les battre. Présenté de manière crue, ce monde à la lisière du monde « normal » nous rappelle toute l'injustice qui règne autour de nous. Il nous rappelle aussi la spirale infinie que vivent celles et ceux à qui on ferme la porte. Il nous rappelle enfin que l'homme est toujours prêt à s'oublier, pour oublier.
Il nous crie, au visage, aux oreilles, que transposée aujourd'hui cette histoire reste vraie et qu'il est plus que temps de sortir la tête du sable.
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A mes yeux, Louis Calaferte est une illumination ! A ranger au panthéon des auteurs du XXe. Je n'avais rien lu de semblable auparavant… Sa prose familière et raffinée fait un peu penser à Céline, de même que l'histoire outrageuse… Je peine à parler du scénario, qui est très court ; de toutes manières, ce n'est pas ce que j'ai trouvé de plus remarquable dans ce roman.

Requiem des Innocents parle de la vie de jeunes voyous dans un ghetto. Leurs journées ne sont que délits et violence...
Ceux-ci intègrent l'équivalent du collègue pour passer leur certificat d'études. le héros - Calaferte lui-même - n'est pas studieux, mais a tout de même plus de facilité que ses amis voyous. le directeur de l'établissement le remarque, et le prend sous son aile.

Quelque chose de banal donc. Ce qui fait la différence dans ce livre, ce sont les descriptions très réalistes. J'ai senti vivre les personnages dans cette oeuvre, et ce n'est pas une remarque en l'air, non ! Dans l'écriture de Calaferte, chaque détails compte.
D'ailleurs, le soucis de la précision est poussé jusqu'au rythme des pensées du jeune homme, de telle sorte qu'elles s'accordent aux nôtres.

En bref : une lecture coup de poing, parfaite pour découvrir Louis Calaferte.
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À coups de verbe et de crasse, Louis Calaferte nous livre le récit abrupt de son enfance. Pas très loin de Lyon, une zone. Une zone faite de pauvres, de violence, d'alcool, d'ignorance, de magouilles. Une zone où éducation et hygiène peinent à se frayer un chemin, à trouver résonnance. Une zone où la vie persiste, avec ses ébréchures de soleil, rares mais précieuses. Une zone dont il faut sortir, mais qui laisse une trace au fond des corps.

Calaferte, Schborn, Lubitchs, Lédernacht… tous évoluent dans un cadre sombre et miséreux, où la vie s'apparente tantôt à la survie, tantôt à l'autodestruction. Une vie que l'auteur parvient à animer grâce à une plume intransigeante et acerbe, prête à relever l'émotion, à la transmettre. Entre sourire et écoeurement, il nous frappe là où ça fait mal, dans le coeur de nos bonnes intentions, de notre confort quotidien. Un « notre » qui exclut, maintient à la marge toute épine dans le pied de notre société. Heureusement, parfois, au milieu du désoeuvrement et de la brutalité, la course à la dignité humaine ne s'arrête pas. Alors, à bout de souffle, nous parvenons à la 217e et dernière page de ce premier ouvrage, de cette révolte en format poche.
Lien : https://auxlivresdemesruches..
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Je poursuis la découverte de Calaferte et de nouveau les émotions sont là. Un homme parle de son enfance miséreuse dans la zone périphérique d'une grande ville, deux mondes éloignés de quelques kilomètres à peine. Rien ne nous est épargné. On nage dans le sordide qui est la normalité pour les enfants : tout un monde crasseux, brutal, pervers et cruel. L'auteur avoue des atrocités mais on sent qu'il est maintenant loin, qu'il s'en est sorti, sans renier son enfance pour autant. Un maître d'école est à l'origine de son "sauvetage". Je suis un peu déçue de ne pas savoir quel a été le chemin de la rédemption.
Je vais me procurer "Septentrion" qui me permettra de poursuivre ma connaissance de l'oeuvre de Calaferte.
Ma découverte de l'année.
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