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Admirez-moi cette couverture! C'est Saint Calogero en personne, expliquant les saintes ecritures a deux pigeons! Saint Calogero, ce saint noir venu d'Ethiopie ou d'une quelconque autre contree exotique, le patron de la petite ville dont je ne sais le nom, vu que c'est le premier roman ecrit par Camilleri et qu'il ne l'a pas encore baptisee Vigata! Et il n'en est pas devenu le patron pour rien: “Du vivant de saint Calogero, une terrible peste avait commencé à décimer la population qui, à cette époque-là, était entièrement composée de paysans, et le saint s'était coupé en quatre pour soigner les malades ; mais ceux qu'il réussissait à guérir mouraient quand même, faibles comme ils l'étaient, par manque de nourriture. Les riches et les nobles en effet, effrayés par la contagion, avaient muré portes et fenêtres de leurs rez-de-chaussée après les avoir remplis à craquer de farine et de blé. Saint Calogero avait eu alors une idée astucieuse : il avait rassemblé chèvres, mulets et chevaux, il les avait attachés les uns aux autres et il avait ouvert le cortège en frappant désespérément sur un tambour. Il demandait aux riches, que la curiosité poussait à se pencher à leur fenêtre, de lui lancer du pain et des sacs de farine par leur balcon, de façon à éviter tout contact entre eux et lui. Les nobles s'étaient laissé convaincre et le saint avait pu sauver ses malades”.
Depuis, lors de sa procession annuelle, on jette depuis les balcons pains et billets de mille lires. Les pauvres mangent le pain et le Saint ramasse les billets. C'est qu'il exauce tous les voeux de ses ouailles, mais moyennant offrandes. Parce qu'il ne faut pas lui en promettre, il faut lui en donner! Et on n'a pas interet a biaiser, d'une main il tient un livre mais de l'autre un baton. Vous ne me croyez pas? Ecoutez plutot Camilleri: “Saint Calogero, c'est bien connu, piquait des colères noires pour les voeux non respectés : comme tous les méridionaux, il ne supportait pas qu'on le couillonne, et on pouvait difficilement trouver plus méridional que ce saint noir de peau, venu des contrées arabes. Si saint Calogero s'apercevait qu'un fidèle mégotait sur un voeu, ou pire, ne s'y conformait pas, il était capable du pire, comme n'importe quel être humain. C'est justement ce qu'avait expérimenté don Giacomino Rappolo qui avait promis cinquante mille lires au saint s'il guérissait sa jambe cassée qui ne voulait pas se recoller. Au bout de deux mois, la jambe avait guéri, recta, mais don Giacomino avait bien réfléchi et il en avait conclu que ce service ne valait pas plus de vingt-cinq mille lires parce qu'il était resté un peu bancane. Il était entré dans l'église, avait épinglé ses vingt-cinq mille lires sur un des rubans qui pendaient à la manche de la statue, puis il était ressorti. Il n'avait pas mis le pied dehors que, faisant un faux pas, il débaroulait une à une les quinze marches du perron de l'église : il avait écopé de deux jambes cassées”.


Mais laissant le Saint a sa saintete, Camilleri nous raconte une histoire de meurtre non resolu qui n'est que le debut d'une embrouille ou il est question de maffiosi de villes differentes qui se querellent jusqu'en Amerique, d'anciens fascistes et de communistes, de contestation du pouvoir en place, d'amities indefectibles qui peuvent devenir ameres a boire et de comment la peur se tourne des fois courage et rage. Tout ca finit par d'autres morts, mais qui en est responsable? La maffia et sa loi du silence? La politique locale? Des interets economiques? D'anciennes histoires de vendetta? le sanguinaire sens de l'honneur? Va savoir… C'est peut-etre Camilleri qui a raison quand il nous confie: “Chez nous, on ne meurt que pour des histoires de fesses”. Heureusement qu'est plonge dans cette affaire un enqueteur a qui on ne la fait pas, un policier du nom de Corbo, qui prefigure deja le celebre Montalbano. Ruse et tetu derriere une fausse nonchalance, un homme qui connait bien son pays, et qui l'aime. Il faut le voir (et l'entendre) manger une tranche du bon pain de la procession!


C'est un livre au suspense haletant: c'est qu'il fait chaud et des qu'il parcourt quelques pages en courant le suspense est en sueur, le pouls tout saccade. Il y a bien un docteur dans l'histoire, mais il n'exerce plus, et notre suspense reste la langue pendante, echine, haletant.

Au fait cette langue est le meilleur atout du livre. Truffee d'un dialecte tres particulier, que le traducteur, Dominique Vittoz, a bien rendu. Pas une langue de bois, dure a avaler, mais une langue spongieuse, tendre, savoureuse a souhait. Camilleri la parfaira dans ses futurs ecrits, mais pour un premier jet c'est une reussite. Il faut croire qu'il a graisse a Saint Calogero la main qui tient le baton.


P.S. Pour celuicelle qui ne connaitrait pas Camilleri, je le laisse se presenter tout seul: “Je ne me considere pas un grand ecrivain. En Italie on cultive l'ambition d'elever des cathedrales; moi, a la place, j'aime construire de petites et sobres eglises rurales".
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"Tu es en train de me citer des crimes passionnels et il y a des gens qui ne réagissent que lorsqu'on touche à leur honneur. Et d'après moi, Peppi monaçu....
- Depuis dix ans que la moitié de la ville baise sa femme?
- Dix ans, oui. Selon toi, il faut un compteur pour l'honneur?"

Il y a tant de savoureuses répliques de cet acabit, tant de poutrônes et de niguedouilles,  tant de pique plantes et de fenottes, tant d'emboconneurs patentés  qui s'apinchent du coin de l'oeil et piapiatent dans les coins qu'on a les zygomatiques en fête en lisant ce tout premier roman du père de Montalbano, édité dix ans après sa rédaction et "pour ainsi dire inédit, car il n'eut pas de distribution" nous confie, plein d'humour, Andrea Camilleri dans la postface.

L'édition de 2005  rend enfin justice à ce coup d'essai qui ne fut pas un coup de maître éditorial,   nous permettant d'apprécier , presque 50 ans après sa rédaction, ses évidentes qualités littéraires. 

 Humour ravageur, langue  qui ne l'est pas moins - traduction brillante de Dominique Vittoz- , personnages hauts en couleur au parler savoureux, intrigue bien ficelée et Sicile sicilianissime!

Ah ce petit village , sans nul doute inspiré de Port Empédocle où sont nés Andrea Camilleri et son cher Luigi Pirandello, avec ses communistes porteurs de saints et ses  saints populistes, grands redistributeurs des biens de production , avec ses mafieux respectés, sinon respectables,  et ses flics tournés en bourrique  par une tradition tenace de vendetta et d'omerta conjuguées.

Voici donc une curiosité qui est , déjà, un petit bijou , une vraie friandise de polar !

Montalbano et Vigàta ne sont pas encore nés,  mais l'adjudant Corbo a toute la sagacité,  l'indépendance d'esprit et l'humour du futur commissaire.

Quant  au petit village sicilien sans nom des années cinquante où se déroule Le Cours des choses , il  a déjà, comme plus tard Vigàta,  ses buvanvins et ses poutrônes,  ses cafés et son église, ses bergers porteurs d'oranges,  ses fêtes patronales à San Calogero, ses assassinats commentés  - une spécialité locale!- et ses bourgeois à coite,  tellement à coite, d'ailleurs qu'ils ont beaucoup de mal à comprendre - comme le pauvre Vito, si consensuel qu'on le remarque à peine- pourquoi, soudain, on leur tire dessus...

Je me suis régalée et j'ai souvent ri aux éclats,  pas du tout gênée, au contraire, par ces mots inventés  - apax, mots-valises, mots sauvages chers à Maurice Rheims , toujours éclairés par le contexte et laissés au nuancier personnel du lecteur, pour le plus grand plaisir de son imagination!

Fin formidable, à tous les sens du mot, commentée par les Bouvard et Pecuchet locaux!

Un bijou, on vous dit, à  redécouvrir d'urgence aux éditions Fayard.
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Une seule critique dans Babelio… mais elle n'évoque pas la préciosité du vocabulaire de Camilleri ou de son traducteur (Dominique Vittoz);à ce propos, j'ai appris dans une conversation avec une fan qu'il y en avait plusieurs dont Serge Quadruppani.

Dans la littérature quand il ne se passe rien… le fait d'usiter des locutions choisies est un plus, mais dans un polar, ça charge surtout quand la densité est telle :
cafis / se benaiser / capie / radée / apincher / bouliguer / gaviole / pique plante / sampiller / bisangoin / testicoter / se bicher / sensipoté / termoyer / dépontelée / chancagner / recrenillé / démenet / embiernes / trampaler / piatter / s'éclafoirer / dégrober / artignoles / antignèle / enotter / emboconner / guille / grabotter / grandoiser / la coite / rebriquer / chapotemont / patrigots / fifrer / trappol / détrancaner / pilleraud / raboulet / compoction / à revorge / batillon / emboconneur / posses / poutrônes / fenottes /sampillerie /acuchonnées / bancane / déraboucler / atouser / dessampiller / bouliguer / rafetaille / tirigousser / poutrône / bauchés / artignole / beurler / cacaboson / grolasser / à regonfle / trampalant / buvanvin / piapiater / marpailler / décrancaner / trampaler / benoni.

Ce nombre de mots inconnus m'a dérouté de l'intrigue comme si j'avais eu affaire à une langue étrangère pas tout à fait maîtrisée.

Amis des mots …lisez ! Pour ma part, j'essayerai peut-être un Camilleri autrement traduit.
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Le premier roman de Camilleri. Dans lapostface, il raconte ses hésitations à utiliser le dialecte plus que l'Italien et les péripéties qui ont retardé la publication. le roman policier se situe toujours dans une Agrigente des années 50 jamais nommée et le policier n'est pas Montalbano mais l'adjudant Corbo. On retrouve la Sicile des paysans et des bergers, celle des notables, du cercle où l'on disserte sur Pirandello avant de passer aux commérages, le silence concernant la mafia. Ici on ne tue que pour des histoires de fesses ! le morceau de bravoure est la narration de la procession de saint Calogero en 1946 portée par des dockers communistes. La guerre et la période du fascisme sont encore proches. Et toujours cet humour qui me fait rire aux larmes !

Lien : http://miriampanigel.blog.le..
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Le tout premier roman de Camilleri, achevé fin décembre 1968, publié dix ans plus tard, en septembre 1978, se situe en Sicile, dans les années cinquante.
Le titre est en référence à Merleau-Ponty : "Le cours des choses est sinueux."
Il montre comment certains événements qui nous saisissent nous semblent sans rapport avec nous et , au final, après un parcours sinueux, nous découvrons qu'ils ont au contraire des conséquences pour nous-mêmes.
En l'espace de quelques jours, au mois de septembre, deux événements perturbent la sécurité du village : la découverte d'un cadavre, puis, un soir, deux coups de fusil tirés sur la maison de don Vito au moment où il rentrait chez lui.
Vito est un homme sans histoire qui ne se mêle pas de celles des autres. Il en est même transparent.
Ce malheureux Vito se questionne beaucoup sur la cause de ces coups de feu et sombre dans l'angoisse car il n'y comprend rien.

La construction du déroulement de l'intrigue est maîtrisée. Camilleri tresse les fils d'un mystère avec une grande habileté.
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Pas pour moi Andrea Camilleri.
L'emploi excessif de mots inconnus pour moi m'a d'abord décontenancée, puis vite enervée, et enfin exaspérée. Visiblement le traducteur a pioché dans le patois lyonnais pour retranscrir la prose italienne de l'auteur, et foncer sur Google toutes les 5mn quand je lis un livre pour trouver une définition, ben non, je n'aime pas ca. Ou continuer de lire comme si de rien n'était, sans être sure de bien comprendre, ça ne me va pas non plus.
Ajoutez à ça que j'ai lu ce livre en vacances (donc cerveau occupé à d'autres choses) et qu'il s'agit d'un polar, quand on s'occupe plus de la prose que de l'intrigue, ça perd de son charme.
Mr Camilleri a écrit beaucoup de livres, il y a donc des amateurs, on va dire que je n'en fais pas partie.
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Andrea Camilleri est né en Sicile en 1925. Il s'est mis au polar sur le tard, avec un très grand succès. C'était en :

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