Tout commençait pourtant par un banal cambriolage, bref, pas de quoi commencer sa journée au commissariat de manière si douloureuse que cela. Si ce n'est que le supermarché cambriolé n'aurait jamais dû l'être - personne ne se frotterait à ses véritables propriétaires - et que le directeur est particulièrement nerveux. Montalbano doit intervenir, lui qui a déjà subi une agression en bonne et due forme le matin même. Il reverra d'ailleurs très vite son agresseur, libéré pour cause de richesse et puissance du papa, et aussi du fait que son agressivité ou sa nervosité (nommez-la comme vous voulez) est son état habituel. Un meurtre a été commis, puis un autre et encore un autre. On se croirait presque au temps où la Mafia passait son temps à régler des comptes, d'un camp à l'autre, si ce n'est que nous sommes au coeur des années Berlusconi. Les années passent, la corruption reste, règne. Enquêter, que l'on soit policier, juge ou journaliste est difficile : une mutation, un mauvais procès est si vite arrivé.
Il est presque nouveau, pour Salvo, de respecter la loi au pied de la lettre, sans presque chercher à accélérer les choses en utilisant des méthodes pas toujours très légales. Ne surtout pas donner de prises à ses adversaires, eux qui ont réussi à mettre le Questeur dans tous ses états - la scène de la dispute avec Montalbano est d'ailleurs fort comique. Oui, Salvo peut compter sur ses hommes, mais il ne veut pas qu'ils prennent trop de risque pour lui. La Justice ? Plus tard, vous repasserez, merci, puisqu'après l'enquête, se tient le procès, et un bon avocat peut démonter bien des témoignages, même un rapport de médecin légiste.
Désespérant, cet opus ? Oui et non. Les victimes n'ont pas vraiment toute l'attention nécessaire. Il faut un coupable, et tant pis si ce n'est pas le coupable - tant pis aussi s'il n'y est pour rien. D'autres préfèrent des méthodes expéditives pour ne pas avoir à répondre de leurs actes. Un peu plus, comme le soulignent les réminiscences de Montalbano, et on se croirait à Chicago, au temps de la prohibition.
Une voix dans l'ombre est comme un opus hors de la chronologie des enquêtes de Montalbano, après le choc de l'oeuvre précédente. Pas une parodie, non, mais un roman dans lequel toute la palette de couleur qui compose l'univers de cette petite ville de Sicile semble réunie dans ses nuances les plus brillantes et dépeigne jusqu'à l'excès tous les conflits que peuvent engendrer la corruption quasiment institutionnalisée.