Un roman magnifique, à l'image de la région des Marches où se déroule l'intrigue, cette région faite de mer et de montagnes, de chaleurs sèches et de froids humides.
Chacun des principaux personnages semble d'ailleurs refléter un aspect de ces paysages bruts, sans concession, que l'on retrouve dans les campagnes oubliées de cette région d'Italie.
Lupo a le sang aussi brûlant qu'un après-midi d'août, il est aussi solaire qu'un été méditerranéen, la peau cuite par le grand air et possède le caractère sauvage d'une mer déchaînée.
Nicola est une mie de pain oubliée à l'ombre, tapi au creux d'une montagne menaçante dont il finira par avoir la force, le mouvement l'effraie, l'effort lui fait peur et pourtant il dominera, surplombera son village, d'un aplomb stable, froid et inquiétant.
Entre les Apennins et la Méditerranée, il y a la terre, les campagnes, il y a Clara et Nella, qui donnent tout d'elles-mêmes, qui ne sont que dévouement et charité sans jamais pourtant se soumettre aux hommes et ceux qui pensaient pouvoir les écraser se heurteront à la force de leur domination silencieuse.
Les Marches, en ce début de XXe siècle, c'est aussi un reflet de l'Italie et des guerres paysannes, de l'anarchisme, de la montée silencieuse du fascisme ; c'est un reflet de l'Europe, qui essuie les abominations de la première guerre mondiale, le dépeuplement des campagnes, les jeunes garçons sacrifiés dans les tranchées, massacrés sous les obus puis, une fois la guerre finie et comme si cela n'avait pas suffi, les ravages apocalyptiques de la grippe espagnole.
Ce roman c'est un peu de tout cela à la fois, c'est une famille dans un village coincé entre la mer et la roche, entre la poussière des chemins trop chauds et l'humidité des rivières de montagne.
C'est un loup domestiqué, un animal sauvage qui s'invente métayer, un noble trop délicat pour le grand air que l'on force à nettoyer des restes humains sur un champ de bataille.
C'est une fille aux cheveux libres comme le vent que l'on enferme dans un monastère.
C'est une enfant arrachée de force à son pays lointain qui refusera pourtant de quitter son village d'ancrage et dédiera tous ses regards, jusqu'aux derniers, à la protection des âmes sauvages de ces terres oubliées.
"
Un jour viendra", c'est une écriture poignante, concise et lyrique, rude et poétique, qui laisse sur la peau comme une couche de poussière estivale, qui dépose dans nos cheveux un épi de blé et sur la langue, le goût d'une pomme dérobée.