AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,04

sur 80 notes
5
10 avis
4
9 avis
3
2 avis
2
2 avis
1
0 avis
L'Observatoire est un microcosme, une enclave isolée au coeur d'une petite ville d'Angleterre, qui réunit en son sein des individualités atypiques. Cette bâtisse, partie intégrante de l'ex domaine de Tearsham qui au fil du temps, grignoté peu à peu par la ville, s'est réduit à peau de chagrin, a été reconvertie en immeuble locatif. Sa décrépitude atteste du poids des ans, et pourtant il en émane une étrange énergie, à la fois dense et mortifère, liée à la dimension insolite de ses locataires.

Parmi eux, le narrateur, Francis Orme, est le fils des anciens propriétaires du domaine. A trente-sept ans, il vit d'ailleurs toujours chez ses parents, dans l'un des appartements de l'Observatoire.
Son père, désormais impotent, a toujours été une sorte de mort vivant, un contemplatif absorbé dans une immobilité quasi permanente, un rêveur amoureux des arbres et des étoiles. La mère n'est guère plus active : constamment allongée, elle ne consent à ouvrir les yeux que pour porter son regard sur l'un ou l'autre des objets souvenirs qui envahissent sa chambre. Francis aussi a ses manies : obsédé par la propreté de ses mains, il porte en permanence des gants blancs qu'il change à la moindre salissure, et entrepose dans la cave de l'immeuble, à laquelle lui seul a accès, une étrange collection dont je ne vous dévoile rien, tant il est plaisant d'avoir la surprise de la découvrir !

Hormis Francis et ses parents, l'Observatoire compte quatre locataires : Peter Bugg, percepteur retraité, dont le corps sanglote en permanence, déversant ainsi des litres de liquide... Claire Higg, qui vit dans un monde de fiction télévisuelle... une femme-chien... et un portier hostile et chuintant.
Ils constituent un monde parallèle, hors des de toute "normalité", et le narrateur n'étant pas le moins excentrique de la bande, il dépeint les lubies et l'étrange mode de vie de ses voisins avec un naturel réjouissant !

Tous les résidents de l'Observatoire ont au moins deux points communs : leur refus de quitter ce lieu si adapté à leur bizarrerie qu'il en est comme un écrin, et leur rejet vis-à-vis de tout ce qui vient de l'extérieur. Aussi, l'arrivée d'une nouvelle locataire suscite un émoi profond, chacun s'employant par tous les moyens à la chasser. Mais Anna Tap est coriace et résiste, malgré les marques de franche hostilité et de malveillance dont elle est l'objet. Sa ténacité lui permet d'apprivoiser peu à peu ses étranges voisins, qui semblent alors vivre un éveil certes douloureux mais nécessaire. le lecteur découvre ainsi les destins tragiques, les souvenirs douloureux que la torpeur dans laquelle ils s'étaient volontairement plongé avait pour but de faire oublier.

Quel plaisir que cette lecture où l'on navigue de surprise en surprise ! J'ai vraiment aimé me plonger dans cet univers à la fois sordide et inquiétant, sclérosé et fantaisiste. "L'Observatoire" est un récit décalé, glauque, et pourtant étrangement poétique.

La loufoquerie de Francis Orme ne l'empêche pas de s'exprimer dans une langue précise et profuse -un véritable régal-, et de faire preuve dans ses analyses d'une grande finesse de jugement. Edward Carey nous livre avec son "Observatoire" un roman drôle et insolite, et nous attache irrémédiablement à ses personnages extraordinaires.
Lien : http://bookin-inganmic.blogs..
Commenter  J’apprécie          30
Ils sont sept locataires à vivre dans le manoir de l'Observatoire, dans les faubourgs d'une ville qui pourrait être Londres. Sept habitants bizarres et maniaques, qui se morfondent consciencieusement dans un ennui dûment structuré, et dont la règle première pourrait être : " La solitude n'a de prix que si elle est vécue au milieu des autres. " Dès les premières pages, l'éblouissant roman de Carey défile comme une sorte de chronique des jours moribonds : " Les années s'étaient succédé à notre insu. " le narrateur, Francis Dorme, est un garçon un peu laid, un peu bête, un peu méchant, qui vit dans l'appartement de ses parents : " Je n'étais pas un petit garçon. J'avais trente-sept ans. Ma lèvre inférieure était enflée. Je portais des gants blancs (...). J'étais le gardien d'un musée. Un musée d'objets précieux. Je portais des gants blancs pour ne salir aucun des neuf cent trente-six objets de ma collection (...). " Des objets souvent volés, gardés secrètement au fond d'une cave, des objets si mal assortis qu'ils en disent long sur l'état mental et moral de Francis : une cireuse industrielle, les minutes d'un procès, un monocle, une poignée de chasse d'eau, etc. L'univers de Carey est traversé par des êtres jamais vraiment fous, jamais vraiment malheureux, douloureusement humains : le père de Francis vit reclus en lui-même, cloué dans un fauteuil à l'abri de la lumière ; Miss Higg, éternellement collée devant le petit écran, croit réel l'univers de fiction des séries télévisées ; Peter Bugg, l'instituteur à la retraite, passe son temps à pleurer et à transpirer ; " la femme-chien " aboie mais il y a longtemps qu'elle n'a plus l'usage du langage. Et voilà les habitudes de ce petit monde perturbées par l'arrivée d'une nouvelle locataire venue occuper l'appartement 18. Anna Tap est jeune, myope, pas particulièrement jolie, et elle a la mauvaise idée de faire remonter à la surface les histoires personnelles de chacun, faisant entrer la petite communauté dans ce que le narrateur appelle " l'ère des souvenirs " : " Et ce fut elle qui nous libéra de nos histoires, jusqu'au moment où il y eut trop de voix, trop de fantômes d'objets pour qu'elle put en garder le contrôle. " Car cet accouchement d'une mémoire non désirée provoquera bien des drames. Autour d'une idée simple, Carey a réussi à créer un univers décalé et inquiétant, pourtant si tangible. On gage qu'avec son jubilatoire sens de la démesure, non éloigné de celui d'un Will Self, il s'affirme comme l'une des voix les plus originales de la nouvelle littérature anglaise.
Commenter  J’apprécie          100
L'histoire des locataires de l'Observatoire, ancienne « propriété de maître », nous est racontée par Francis Orme, le fils des propriétaires. Francis Orme a la particularité d'être obsédé par la saleté et la poussière : il porte jour et nuit des gants de coton blanc. Il travaille comme mannequin dans un musée (célébrités en cire) puis dans un parc, « à son compte ». Les jours s'écoulent invariablement jusqu'à l'arrivée d'une nouvelle locataire, Anna Tap. le quotidien de chacun est bouleversé : Claire qui ne vit que par et pour sa télé, la femme chien, le portier, Peter Bugg l'ancien précepteur de Francis … Un livre étrange où tous les personnages souffrent de « psychose », sur l'enfermement et l'incommunicabilité.
Commenter  J’apprécie          30




Lecteurs (340) Voir plus




{* *}