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Citations sur Solénoïde (36)

La littérature est trop souvent une éclipse de la pensée et du corps de celui qui écrit. (p. 53)
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Je lisais alors presque deux cents livres par an . Sur la tablette de mon divan , dont le dossier était un coffre , j’avais toujours des piles de livres que je lisais alternativement.
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Je lisais alors avec avidité des périodiques de littérature fantastique et d’aventure. Le jeudi matin, je me levais très tôt pour courir au kiosque à journaux pour ne surtout pas en rater un seul numéro. Les fascicules étaient bon marché, modestement illustrés et avec naïveté, mais les histoires racontées me remplissaient de saisissement, d’enchantement et d’enthousiasme parfois, d’horreur et d’angoisse d’autres fois. Ils était question de temples et de lingots d’or dans les jungles des continents du Sud, de villes sous-marines, d’expériences menées par des savants psychopathes, d’extraterrestres impossibles à comprendre, de virus intelligents qui partaient à la conquête du monde, de spectres qui prenaient les rênes de ta volonté en pénétrant ton esprit, toutes histoires qui peuplaient mes heures de solitude et qui, naturellement, s’écoulaient dans mes rêves en homogénéisant ma vie intérieure. Deux d’entre elles m’ont profondément marqué. (…)

La deuxième parlait d’un bagnard qui pourrissait depuis des années dans une cellule de prison. Il était condamné à vie et surveillé de si près que le malheureux était certain de finir sa vie dans les fers. Mais, une nuit, il entend de faibles coups derrière l’un des murs. Il y colle l’oreille et les perçoit plus clairement : distincts, intelligents, répétant à certains intervalles des séries élaborées. Surpris, le prisonnier croit à une hallucination, une de celles qui accompagnent sa réclusion misérable. Mais le lendemain, à la même heure, il entend de nouveau la suite de coups dans le mur, et jour après jour, c’est pareil. Il apprend la suite de coups par cœur, commence à noter ce qu’il entend sur le pan de mur caché par son lit. De temps en temps, les alternances deviennent plus compliquées, comme si des mots nouveaux étaient sans cesse introduits dans le code par le voisin de l’autre côté du mur. Il faut au prisonnier des mois pour deviner les premiers liens dans le réseau secret des coups et ensuite des années pour maîtriser leur langage. Finalement, un dialogue se noue, le bagnard répond avec le même code (qu’il a noté dans une graphie de son invention, faite de demi-lunes, de roues dentées, de croix et de triangles gravés sur le mur). Le voisin, qu’il comprend maintenant bien, lui expose un plan d’évasion d’une audace qui lui coupe le souffle tout en étant d’une incroyable simplicité. Une nuit, après avoir fait tous les préparatifs nécessaires, le prisonnier s’évade en suivant strictement les instructions. Des années plus tard, riche et célèbre, vivant sous une fausse identité, il demande la permission de visiter la prison dans l’intention de connaître enfin celui auquel il doit tout et de tenter à son tour de le tirer de là. Il est conduit dans la cellule où il a perdu sa jeunesse et demande au gardien qui est le prisonnier de l’autre côté du mur. Mais de l’autre côté du mur, apprend-il, ne se trouvent que la mer et le ciel. Le mur donne sur l’extérieur, à des dizaines de mètres au-dessus des vagues qui se brisent contre les rochers…

Cette même terreur sacrée, le même sentiment qu’au-delà de la maquette du monde construite par nos sens, avec des matériaux à deux sous, se trouve quelqu’un qui te regarde intensément, quelqu’un dont tu es la proie, qui s’approche lentement sur ses milliers de cils collants sans que tu t’en rendes compte, toi qui n’as qu’une poignée d’antennes pour percevoir le Tout, je l’ai ressentie durant la nuit dans le parc du Cirque, près du bassin silencieux en travertin, où les étoiles se reflétaient, et j’ai éprouvé le même sentiment de solitude sans espoir bien plus tard, à l’automne 1981, quand je suis passé pour la première fois dans la rue Maica Domnului. C’était un automne pourri et lumineux. J’avais vingt-cinq ans et aucun avenir sur terre.
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Je vis sous mon crâne, mon univers s’étend entre ses parois poreuses et ivoirines, et consiste en tout et pour tout en une Bucarest flottant à l’intérieur, formée là comme les temples sculptés dans la roche rose de Petra.
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Des monstres, des monstres que la pensée ne peut ni concevoir, ni héberger, ni contenir, reliés, comme les araignées pendent à leur fil étincelant, à nos réflexes ancestraux, à la pâleur de notre peau, à nos claquements de dents, à nos yeux exorbités. A la contraction de nos muscles pilo-érecteurs, à la sueur glacée coulant sur nos corps déjà cadavériques. La peur, l’épouvante, la stupeur, la terreur, la fascination, l’horreur, le hurlement et la folie
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Penser que je vis dans un animal, que je renferme en moi, même lorsque je lis à la bibliothèque les prolégomènes de Kant ou A l’ombre des jeunes filles en fleurs, des entrailles poisseuses, des systèmes et des appareils gargouillants, des substances nourrissantes et des substances putrides, que mes glandes sécrètent des hormones, que mon sang transporte du sucre, que j’ai une flore intestinale, que dans mes neurones les vésicules descendent par les micro-tubules et libèrent des substances chimiques dans l'espace entre les synapses, que tout cela arrive sans que je le sache et en dehors de ma volonté, pour des raisons qui ne m’appartiennent pas, me semble aujourd’hui encore une chose monstrueuse, le produit d’un esprit saturnien et sadique ayant probablement passé des temps immémoriaux pour imaginer comment humilier au mieux, terroriser et torturer une conscience.
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Ce que je trouve étrange et incroyable, c’est que les acariens sont des créatures à notre image et ressemblance. Un confrère d’Amérique latine s’est spécialisé dans leur dissection : ce sont des constructions organiques faites de systèmes et d’appareils. Tous les organes de notre corps ont leur équivalent dans le leur, bien que, évidemment, leur squelette soit externe, comme chez les insectes. Les cellules dont ils sont formés ne diffèrent pas des nôtres. Elles se nourrissent et se reproduisent dans leurs mondes minuscules comme nous le faisons, si bien que tu te demandes – n’est-ce pas que cette question est inévitable ? – si nous ne sommes pas nous aussi les acariens d’un monde supérieur si gigantesque qu’il dépasse l’étendue de notre perception
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Le monde n’est-il pas déjà un lieu terrible ? N’avons-nous pas qu’un bref instant à vivre sur un grain de poussière dans l’éternité ? Ne devenons-nous pas déjà fous, dans le paquet mou, de gras, de tendons et d’os de notre corps ? Ne devons-nous pas supporter, jour après jour et heure après heure, la pensée que nous vieillissons, que nos dents tombent, que nous aurons des maladies abominables et des infirmités de cauchemar, que nous agoniserons et disparaîtrons ensuite et que nous n’existerons plus jamais pour donner forme et sens au monde ? Avions-nous besoin d’une tyrannie ? Et d’imbéciles qui nous la prêchent sans en croire un iota, pas plus qu’ils ne croient aux poèmes des classiques, aux théorèmes mathématiques, aux lois de la physique, aux atomes, aux dieux, à la lutte des classes, et qui prêcheraient n’importe quoi sur le même ton pourvu que leur sommeil de l’après-midi, leur seul dieu et ami, soit préservé ?
Puis on passe à l’ordre du jour, qui se compose d’un seul point, le plus important depuis quelques années et à côté duquel le processus instructo-éducatif devient une sorte d’appendice atavique
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De nombreuses maisons sont sans éclairage électrique ni tout-à-l’égout. Comment les enfants font-ils leurs devoirs, tard la nuit, à la lampe à alcool fixée au mur, après avoir terminé les nombreuses et dures tâches ménagères, il vaut mieux ne pas y penser. Que signifient pour eux les stupidités qu’ils entendent à l’école (la morphologie et la syntaxe, l’algèbre et la trigonométrie) ? Quel rapport avec leur vie à eux ? Un seul : la récitation par cœur, à toute vitesse, des « commentaires littéraires » et des solutions de problèmes constitue leurs prières rituelles, leurs invocations et leurs incantations, toutes conjurant les dieux incompréhensibles de l’école avec un seul message : ne me frappez pas ! Ne me criez pas dessus ! Ne me tirez pas les cheveux ! Ne frappez pas ma main avec la baguette ! Ne me laissez pas au mur avec les mains sur la tête pendant une heure entière ! Ne me faites pas saigner du nez et de la bouche d’un revers de main ! Ne convoquez pas mes parents à l’école ! Pardonnez-moi, au moins cette fois, regardez, je connais l’incantation qui vous adoucit, je connais la formule magique : pour le complément circonstanciel de but la question est « dans quel but ? » Pour celui de cause, « pour quelle raison ? » Est-ce suffisant ? Elle a disparu de votre regard, l’étincelle de cruauté ?
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« Le travail a fait de l’homme un singe », par exemple, ou « Le capitalisme, c’est l’exploitation de l’homme par l’homme. Le communisme, c’est l’inverse »
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