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Citations sur Destins obscurs (4)

Comme si Rosicky avait eu le don spécial d'aimer les gens, tout comme d'autres ont une oreille douée pour la musique ou un oeil doué pour la couleur. C'était une façon d'être à la fois tranquille et discrète : elle était tout simplement là. On le sentait à ses mains aussi.
(...)
Elle se demanda si ce n'était pas une main de Tzigane, vive, rapide et légère dans sa façon de communiquer : une main étrange pour un fermier.
(...)
C'était une main humaine et chaleureuse, non dépourvue d'adresse, pleine de générosité et de cette qualité que Polly appelait "tzigane" - quelque chose de leste, de vivant et de sûr, qui n'était pas sans évoquer la patte des animaux.
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[Mandy] plaça les pieds de grand-maman dans le tub et, accroupie à côté d'elle, lentement, doucement, elle se mit à frotter les jambes gonflées. Mandy était fatiguée aussi. Mrs Harris était assise, un bonnet de nuit sur la tête et un châle sur les épaules, les mains croisées sur la poitrine. Elle ne réclamait jamais ce moment d'apaisement ; c'était Mandy qui, n'ayant rien d'autre à offrir, lui en faisait cadeau. Si une comparaison entre deux absolus était chose possible, on eût dit que la plus nécessiteuse des deux était Mandy, mais c'était elle la plus jeune. La cuisine était tranquille et plongée dans l'ombre, sans autre lumière que celle d'une vieille lanterne. Elles ne parlaient ni l'une, ni l'autre. Mrs Harris s'endormit de bien-être et c'est à demi endormie elle aussi que Mandy se livra à l'un des plus vieux rites de compassion qui soient au monde.

Bien que le canapé de Mrs Harris fût privé de ressorts et que seul un mince matelas de coton la séparât des planches en bois, elle s'endormait dès qu'elle posait la tête sur l'oreiller. Tout ce qu'elle demandait, c'était de ne plus être debout sur ses jambes, d'être allongée, de réciter le psaume qui commençait par "Le Seigneur est mon berger." Vers quatre heures du matin cependant, elle commençait à sentir la dureté des planches sous son dos. La lourdeur des vieux duvets confectionnés à la maison lui pesait sans dégager de vraie chaleur autour de son ventre. Alors, elle prenait sous son oreiller le petit réconfort (comme elle l'appelait) que lui avait donné Mrs Rosen [l'une des rares à se rendre compte de l'égoïsme qui entoure Mrs Harris]. C'était un doux chandail de laine brossée dont l'une des manches était toute déchirée.
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Il arrive que des merveilles surviennent dans les pays les plus mornes - voire même dans les champs de maïs et de blé. Assise un soir au bord du trottoir, les pieds dans la poussière chaude, je vis une éclipse de Vénus. Nous étions alors seuls tous les trois. C'était par une nuit chaude, et les commis étaient rentrés chez eux après avoir fermé le magasin. Mr Dillon et Mr Trueman s'attardèrent un moment pour regarder le phénomène. C'était une nuit toute bleue, sans un souffle, et claire, sans le moindre nuage d'un horizon à l'autre. Tout semblait comme d'habitude au-dessus de nos têtes : c'était le ciel familier d'une nuit d'été ordinaire. Mais bientôt, nous vîmes une étoile brillante se déplacer. Mr Dillon me héla. Il me dit de regarder ce qui allait se passer car je pouvais, de toute ma vie, ne jamais plus voir un tel spectacle.

Cette grosse étoile s'approcha de la lune, toujours plus près, vite, très vite, jusqu'à ce que seule les sépare la largeur de la main, puis celle de deux doigts ; et alors elle disparut entièrement sous la masse de la lune, au beau milieu de sa circonférence. L'étoile que nous avions contemplée s'était évanouie. Nous attendîmes, durant je ne sais combien de temps, peut-être une quinzaine de minutes. Enfin nous vîmes une verrue brillante surgir de l'autre côté de la lune, pour une seule seconde, tant la mécanique du ciel est rapide. Pendant que les deux hommes poussaient des exclamations et m'invitaient à regarder le phénomène, la planète sortit complètement du disque doré et seule une fissure bleue la sépara de la lune : une fissure qui alla en grandissant très vite. La planète n'avait pas l'air de bouger mais l'espace de couleur bleu encre qui la séparait de la lune s'élargit. Et bientôt tout fut fini.
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C'était un cimetière plaisant, songea Rosicky, à la fois douillet et familier, ni bondé ni lugubre - entouré d'un bel espace. Gisant dans l'herbe haute, un homme pouvait embrasser du regard toute la voûte céleste au-dessus de lui, entendre le bruit des chariots et, en été, suivre les faucheuses qui, dans un grand cliquetis, venaient frôler la clôture. En outre, le cimetière était tout proche de la maison. Au-delà des tiges de maïs, son toit et son éolienne lui furent soudain si chers qu'il se promit d'écouter le médecin et de prendre soin de lui-même. Il était terriblement attaché à ces lieux, il devait l'admettre. Il n'était pas pressé de les quitter. Et il était réconfortant de penser que jamais il ne devrait aller plus loin que la lisière de son propre champ. La neige, qui tombait sur le cimetière et sur la neige, semblait unir les lieux. Dans le cimetière étaient enterrés de vieux voisins, pour la plupart des amis. En vérité, rien dans cet enclos ne pouvait susciter la gêne ou l'embarras. Or, l'embarras était le sentiment le plus désagréable que connût Rosicky. Il ne l'éprouvait pas souvent, il est vrai, sinon avec certaines gens qu'il ne comprenait pas du tout.

C'était une belle tempête de neige : rien n'était plus gracieux que cette neige floconnant doucement sur une campagne aussi offerte. Elle tombait, légère, délicate, mystérieuse, sur sa casquette, sur l'échine et la crinière des chevaux. Et avec elle se répandait dans l'air un parfum sec et frais. Elle annonçait le repos de la végétation, des hommes et des bêtes, du sol lui-même, et elle promettait une saison de longues nuits de sommeil, de petits déjeuners tranquilles, de moments paisibles au coin du feu. Ces pensées, ainsi que bien d'autres, se pressèrent dans l'esprit de Rosicky mais il finit tout bonnement par conclure que l'hiver approchait ; il claqua de la langue pour faire avancer les chevaux et continua son chemin.
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