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Marc Chénetier (Traducteur)
EAN : 9782743602109
304 pages
Payot et Rivages (02/05/1997)
3.29/5   14 notes
Résumé :

Le professeur St. Peter, historien reconnu, au faîte de sa carrière dans une université proche du lac Michigan, doit quitter sa maison pour une plus grande, plus belle, qui correspond mieux à sa réussite et au désir de sa femme et de ses filles. Il résiste et se souvient - surtout d'un jeune étudiant devenu son ami, dont l'histoire lui rappelle sa jeunesse. Willa Cather se retrouve dans le portrait de ce professeur d'une cinquantaine d'années à l'apogée de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
À partir d'un fait de prime abord anecdotique – un professeur d'université, Godfrey St Peter, emménage dans la maison qu'il s'est fait construire avec l'argent de sa réussite –, bien qu'il donne son titre au roman (y compris en version originale), Willa Cather va déployer une intrigue bien plus profonde que cela, aux diverses ramifications, pour nous proposer un roman psychologique plutôt bien fait.

Cette fameuse maison donc, est pour le professeur St Peter la concrétisation d'un statut social enviable, les professeurs d'université ne s'en sortant financièrement pas tous si bien dans le roman (occasion d'ailleurs pour Willa Cather de critiquer le système universitaire de l'époque, qui devenait de plus en plus une entreprise commerciale plutôt qu'intellectuelle). En effet, Godfrey St Peter a épousé une femme un peu fortunée mais quelque peu snob, et ses filles Rosamond et Kathleen ont conclu, surtout la première, de beaux mariages.

Godfrey St Peter aurait donc tout pour être heureux, mais curieusement, cette maison marque le début d'une prise de conscience de sa part, celle d'être sur un chemin non pas ascendant, mais au contraire descendant : son mariage n'est plus ce qu'il était – après plusieurs décennies de passion, Lillian et lui semblent évoluer différemment et ne plus se comprendre –, son chef d'oeuvre est publié, sa famille ni même ses étudiants ne l'intéressent plus comme auparavant, en tout cas de moins en moins depuis la mort de son protégé Tom Outland il y a quelques années de cela…

Ce Tom Outland n'est pas qu'un simple souvenir pour le professeur, ni d'ailleurs pour la famille St Peter : ancien fiancé de Rosamond, il lui a légué le brevet qu'il avait mis au point avant sa mort, et que Louie Marsellus, qui a épousé Rosamond entretemps, a commercialisé, faisant leur fortune… et créant jalousies et rancoeur dans la famille St Peter. Scott McGregor, le mari de Kathleen, l'autre soeur, se place constamment dans une position de concurrence vis-à-vis de Louie, tandis que cette dernière regrette que la mémoire de Tom ait été ainsi pervertie par l'argent. Opinion que Godfrey St Peter partage, lui qui a bien connu Tom et qui sait que celui-ci était un garçon désintéressé, humble, passionné, en somme loin de l'image qui reste de lui, celle d'un scientifique au brevet valant des millions de dollars.

C'est pourquoi la dernière entreprise littéraire de Godfrey St Peter sera de publier une version annotée du journal de Tom Outland, qui ne porte pas du tout sur son brevet, mais sur la déception de sa jeune et courte vie, survenue avant de connaître les St Peter : la découverte d'une cité indienne autochtone au Nouveau-Mexique, qu'il tentera en vain de faire reconnaître par des organisations culturelles gouvernementales.

Ce journal constitue la partie centrale du roman, et crée de manière surprenante une véritable différence de ton, non pas parce que la plume est donnée subitement à un autre personnage que le professeur St Peter, mais parce que le roman passe d'un roman naturaliste à un roman de style nature writing : Tom Outland y décrit sa découverte, faite en tandem avec son ami Rodney Blake (leur relation étant décrite dans des termes assez ambigus), de cette cité indienne mystérieusement abandonnée telle quelle, en insistant sur le cadre naturel américain dans laquelle elle se trouve et ses beautés. Paysage, histoire et nature sont célébrées par Tom qui souhaitait les préserver, loin de toute préoccupation pécuniaire.

J'ai vraiment été surprise dans un premier temps de ce virage adopté par Willa Cather, et me suis demandé d'abord pourquoi il était là, quel était son sens, d'autant plus que la troisième et dernière partie revient sur un Godfrey St Peter las de tout, y compris de sa vie. En faisant quelques recherches pour ma chronique, j'ai appris que Willa Cather avait rédigé la partie sur le journal de Tom Outland en premier, et que les deux autres parties n'avaient qu'une fonction de cadrage. Mais à la réflexion, ce choc entre ces parties si dissemblables est assez malin, puisqu'il vient illustrer ce que Willa Cather nous explique dès le début avec le symbole qu'offre cette maison dont Godfrey St Peter ne veut finalement pas : les idéaux ne sont pas toujours faits pour se confronter à la réalité. Et on tombe souvent de haut quand on s'en rend compte, ce qui semble être le cas du professeur St Peter. Que valent la réussite, le rang social, quand on comprend que c'est du vent ?

À travers cette histoire de brevet, il y a aussi l'idée que trop d'argent pervertit même les choses les plus pures et belles : les relations de famille se distendent, comme le montrent les relations désormais difficiles entre Rosamond et Kathleen, des gens deviennent intéressés, à l'instar du professeur qui a aidé Tom Outland à accoucher de son brevet et qui, une fois qu'il rapportera de l'argent, voudra sa part d'un gâteau qu'il a longtemps dédaigné.

« La maison du professeur » est ma première rencontre avec Willa Cather, que je ne connaissais pas avant de m'inscrire au challenge solidaire et de lire il y a quelques mois « Un dernier été » d'Elin Hilderbrand (son personnage principal aimant tellement cette autrice qu'elle donna son prénom à l'une de ses filles). J'ai été séduite par cette plume certes classique, mais qui creuse de manière perspicace et pertinente ses personnages, pour proposer une intrigue beaucoup plus profonde que ce qu'elle avait l'air. Je poursuivrai donc ma lecture de cette autrice avec plaisir.
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Willa Cather écrit l'Amérique de son temps, celle des années 20, liée à l'Europe - ça m'avait déjà étonnée en lisant L'un des nôtres - les Etats-Unis de la prohibition, où l'on contourne les taxes en passant par Mexico, où les découvertes scientifiques sont faites par des idéalistes et exploitées par les matérialistes, où l'archéologie indienne (le site troglodyte Mesa Verde dont je n'avais jamais entendu parler) est méprisée, où la vie est très codifiée.
Voilà le contexte dans lequel se déroule l'histoire d'un universitaire professeur spécialiste des explorateurs espagnols, père de deux filles mariées faites avec une jolie épouse parfaite et aimée, vivant près du lac Michigan, qui devant un changement de statut (aisance financière, beau-père, ex-amant) s'interroge sur ce qu'il a choisi, les conventions suivies, ce qui le rend heureux...
Il y a des longueurs et des trucs qui manquent mais ça n'a pas eu tellement d'importance, au fond, pour mon plaisir de lecture.
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La Maison du professeur est composé de trois parties très contrastées, comme s'il comprenait en réalité au moins deux romans. La 1ère partie, « La famille », est à elle seule un roman très balzacien. Il s'agit de l'histoire de la famille St. Peter, dans laquelle les questions d'argent tiennent depuis peu une place centrale. La 2e partie très différente, « le Récit de Tom Outland », pourrait être une nouvelle publiée séparément. Dans cette partie, l'action ne se situe plus dans le Michigan mais dans les plaines du Sud-Ouest. Tom Outland n'est alors pas encore devenu l'étudiant de St. Peter. Orphelin condamné à des petits boulots, il est parti garder un troupeau au Nouveau-Mexique. A cette occasion, il a découvert une cité troglodytique autrefois habitée par des Indiens. Ce roman d'aventures et d'exploration est en fait le récit qu'aurait fait Tom Outland au professeur. Et c'est à l'issue de la 3e partie, « Le Professeur », sur le personnage de St. Peter que s'achève le roman.

Le personnage principal du roman est donc St. Peter, un professeur mais également un écrivain, derrière lequel on devine Willa Cather elle-même. St. Peter a en effet consacré une grande partie de sa vie à l'écriture d'un ouvrage d'histoire en huit volumes, qui lui a permis d'offrir à sa femme sa nouvelle maison. Dans la vie de St. Peter, ce temps consacré à l'écriture a tenu une place à part. Quand il parle de sa vie, au lieu d'opposer comme on le fait souvent la vie personnelle à la vie professionnelle, il oppose tout ce qui est relatif à la vie sociale (dont la vie familiale et la vie professionnelle) à cette autre vie passée dans la solitude de son bureau, occupé à écrire son oeuvre.

Sur l'université, il y a dans ce roman quelques passages amusants pour un lecteur d'aujourd'hui. Nous sommes aux États-Unis dans les années 20 et une nouvelle population d'étudiants issus de la campagne arrive à l'université. St. Peter et sa femme considèrent avec un peu de mépris ces nouveaux étudiants, fils de fermiers, qui ne savent « ni comment s'habiller ni comment s'exprimer ». St. Peter fait aussi partie de cette génération d'enseignants soucieux de maintenir une dimension culturelle à leur enseignement, s'opposant en cela au « commercialisme récemment mis à l'honneur, à cette idée qu'il fallait « obtenir des résultats » qui sapait l'éducation et la faisait vulgaire », autrement dit à tout ce qui contribue à « transformer l'université en école professionnelle ».

Mais le thème de l'université n'est qu'un thème parmi bien d'autres thèmes abordés dans La Maison du professeur. Ce n'est pas à proprement parler un roman de campus, même s'il est souvent considéré comme un des précurseurs du genre. A dire vrai, à l'issue de cette lecture je ne suis pas vraiment en mesure d'analyser ce roman, ni même de le résumer simplement. Peut-être est-ce une critique du matérialisme, de la course à la richesse, de la quête du confort de la jolie maison, à laquelle le professeur St. Peter préfère son modeste bureau et surtout l'espace intérieur de ses pensées et ses rêveries. Mais c'est aussi un constat assez pessimiste sur le mariage, avec par-ci par-là une petite pointe de misogynie d'autant plus surprenante que l'auteur est une femme. Enfin c'est également une réflexion sur la vie qui passe, sur ce qui persiste en nous de l'enfant que l'on était alors que la vie s'achève. C'est en tous cas un excellent roman, pour moi plein de mystère. Mais sans doute que j'y verrai plus clair quand j'aurai fait plus ample connaissance avec Willa Cather
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C'est un livre d'une grande qualité littéraire. Ce qui m'a un peu gêné, c'est la deuxième partie qui bien qu'ayant un lien avec l'histoire, ne trouve pas sa place dans ce livre.
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Il se dégage de ce livre une petite musique nostalgique, désuète tout en étant intemporelle dans son propos... comme une écriture qui met sur le même plan l'important, et le factuel, le personnel et l'universel, l'intime et le privé. Néanmoins je n'ai pas trouvé assez fouillé la psychologie des personnages et le livre de Tom Outland m'a un peu laissée de côté.
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Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
"Dans leurs plus grands malheurs," se dit-il, "les gens ont envie d'être seuls. Et ils en ont le droit. Et ce sont les malheurs qui arrivent à l'intérieur de soi qui sont les plus grands. Il est sûr que la chose la plus triste au monde c'est de cesser d'aimer - pour peu qu'on ait jamais commencé."
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De la pièce, qu'il contemplait au travers de la vitre, se dégageait une profonde et intense atmosphère automnale, quelque chose qui lui représentait le mois d'octobre de manière infiniment plus vive et douce que les érables bariolés et les chemins bordés de marguerites qu'il avait suivis pour rentrer. Il fut frappé par cette manière qu'ont parfois les saisons de gagner à pénétrer dans les maisons, tout comme elles gagnent à s'intégrer à des peintures, et à la poésie. L'audace et la méticulosité de la main qui choisit et dispose -c'était là que résidait toute la différence. La nature, elle,ne connaît pas ces choix.
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Lorsqu'il se rappelait son enfance, c'était d'eau bleue qu'il se souvenait. (...)
Mais l'élément le plus important de sa vie, évasion toujours possible de l'ennui de l'existence, c'était le lac. Le soleil s'y levait, c'était là que le jour commençait; porte ouverte que nul ne pouvait refermer. La terre et toutes ses mornes lourdeurs étaient incapables de se refermer sur vous. Il suffisait de regarder le lac pour savoir que vous seriez bientôt libre. c'était la première chose que l'on voyait le matin, de l'autre côté du pâturage inégal parsemé de pins hirsutes, et elle traversait les journées à l'instar du temps qu'il faisait; ce n'était rien à quoi on pensât mais une partie intégrante de la conscience même.
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Mais notes, archives et idées le ramenaient toujours à cette pièce. c'était ici qu'elles étaient digérées et triées, intégrées là où il le fallait dans son histoire.
Tout bien considéré, la salle de couture était le bureau le plus malcommode qu'un homme pût avoir mais c'était le seul endroit de la maison où il parvînt à s'isoler, à se protéger du drame prenant de la vie domestique. Personne ne piétinait au-dessus de sa tête, et seule lui parvenait par l'étroit escalier une impression diffuse, généralement agréable, de ce qui se passait au-dessous. C'étaient vraiment là ses seuls avantages.
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De la fenêtre il apercevait, au loin, juste à l'horizon, une vague tache allongée, bleue, embrumée - le lac Michigan, la mer intérieure de son enfance. Dès qu'il se sentait fatigué, sans énergie, lorsque les pages blanches qu'il avait sous les yeux s'obstinaient à le demeurer, ou qu'elles se couvraient de phrases biffées, il quittait son bureau, prenait le train jusqu'à une petite gare distante d'une quinzaine de kilomètres et passait la journée sur le lac, à bord de son bateau à voiles; il sautait à l'eau pour nager, faisait la planche à côté de son embarcation, puis regrimpait à bord.
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Video de Willa Cather (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Willa Cather

Mathieu Lindon "Ce qu'aimer veut dire"
Mathieu Lindon "Ce qu'aimer veut dire" - Où il est question notamment de Michel Foucault et d'Hervé Guibert, de Jérôme Lindon, de Samuel Beckett, Marguerite du ras, Alain Robbe-Grillet, Claude Simon, Robert Pinget, Pierre Bourdieu et de Gilles Deleuze, d'un père et d'un fils et de filiation, d'amitié et d'amour, de littérature, de la rue de Vaugirad et de LSD et d'opium, d'impudeur et d'indiscrétion,de rencontres, de Willa Cather et de Caroline Flaubert, , et aussi des larmes aux yeux, à l'occasion de la parution de "Ce qu'aimer veut dire" de Mathieu Lindon aux éditions POL, à Paris le 13 janvier 2011
+ Lire la suite
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