Mes pores gorgés de vie s'ouvraient, le sang murmurait dans mon cerveau, irriguant mes muscles d'une pluie d'étincelles.
Nos deux cœurs de vryks ne s’arrêteraient pas en mettant un terme prématurément au festin, comme ceux des humains.
Le Baron Samedi, loa des défunts et de la résurrection, protège cette maison, expliqua la Noire, triomphante. Il est le Papa Gédé. Tu es son enfant, même si tu n'en as pas conscience, ni mort ni vivant. Un gédé, un vampire, un vrykolakas, un strigoï, un cadaver sanguisugus, peu importe le nom que tu te donnes. Tu ne peux pas passer outre son interdiction sans payer le prix fort. Tu ne peux pas aller contre la volonté du Baron, oh non...
Je suis la mort, je suis l’excès. Je suis les travers des hommes. Je suis leurs addictions. Tu es à mon image. Ton irrépressible soif est un concentré de mes vices. De leurs vices.
Il avait des yeux pas nets, des yeux de salopard, des yeux de fou. Dans ses iris, je crus distinguer une autre dimension, faite de fractales infinies, de paysages gris ensevelis sous des couches de glace.
Je ne rêvais jamais. Mais cette fois-ci, je vis dans mon sommeil des chevaux écumants et hargneux sous le soleil. Des cavaliers aux yeux enragés qui frappaient et essayaient de faire tomber leurs adversaires ; des corps piétinés, celui d’un petit garçon. Son crâne cabossé, son visage aplati par les sabots. Il aurait pu être mon frère cadet.
Je serai tout pour toi. A présent, je suis ta seule famille. Je serai ton père et je serai ton enfant. Je serai ton esclave et ton maître, ton frère et ton amant…
J’aurais voulu lui dire que les genres et les sexes ne signifiaient plus rien pour moi, qu’il pouvait m’avoir quand il le voulait. Que je n’étais pas un ado superficiel qui s’arrêtait aux apparences, que sous la peau grasse ou le cuir maigre, le sang était le sang. J’aurais aimé l’entraîner dans les toilettes pour hommes, et lui montrer à quel point il pouvait être désirable. Mais les maudites règles m’en empêchaient. J’aurais fait deux heureux, pourtant. Même si l’un des deux serait ressorti dans un sac noir.
Le bonheur est éphémère.
L’odeur de gingivite m’emplit les narines. Le nouveau. Il m’avait suivie.
« Si j’étais toi, je retournerais en cours, Barbie. »
Je rétorquai du tac au tac en effectuant une torsion du poignet pour qu’il me lâche :
« Et si j’étais toi, je m’achèterai une brosse à dents ! »
Je l’avais scié. C’était bas, mais il l’avait mérité. De quoi se mêlait-il, ce con ?
J’étais si en colère que je mis bien dix secondes à réaliser qu’il m’avait appelée Barbie, et qu’il n’avait aucun moyen de connaître le surnom qu’Abe et mon père me donnaient.
Une fois que mes dents sont plantées et reliées au cœur, je perds le contrôle. Je ne suis plus la personne que vous voyez là, mais cette bête au désir irrépressible dont la terrible soif ne s’apaise qu’à la fin des pulsations.