Le jour où le garçon a vu la fille. Le jour où elle l'a regardé. L'instant où elle lui a souri.
Le garçon c'était moi. La fille c'était elle. Depuis, elle hante mes rêves, et plus encore.
La chambre bascule et, pour la première fois depuis cette nuit-là, je distingue les traits de ma bien-aimée.
Elle est si belle.
Sa peau de marbre.
L'éclat de ses yeux.
La flamme au fond de ses pupilles vides.
Ses joues creusées.
Sa peau livide.
Ses cheveux qui s'effilochent et découvrent les os de son crâne.
Un hurlement nait dans ma poitrine,
Louise,
Veux tu me laisser vivre ?
Je t'en supplie.
De façon épisodique, il m'arrivait d'éprouver le sentiment - plutôt une certitude profonde - que je ne pouvais que rater ma vie. Les études, la musique. Les filles, aussi. Tout. Personne ne m'aimerait jamais. Personne ne s'intéresserait à moi
"De façon épisodique, il m'arrivait d'éprouver le sentiment plutôt une certitude profonde que je ne pouvais que rater ma vie. Les études, la musique les filles aussi tout."
Parfois, il y a pire qu'être incompris, moqué, rejeté : il y a être aimé par sa mère.
Je dis à ma mère que porter mon T-shirt me va très bien, merci. Qu'elle me laisse tranquille. Qu'elle cesse de s'occuper de ce que je porte, de ce que je ressens. Qu'elle arrête de s'inquiéter de mon existence, de m'accorder tant d'importance. De vérifier que je n'ai ni trop chaud ni trop froid, que je suis bien, heureux.
Car je ne suis ni l'un ni l'autre.
Louise,
Veux-tu me laisser vivre ?
Je t’en supplie.