Pas facile d'être le descendant du célèbre Dr Watson, fidèle compagnon de
Sherlock Holmes. Pire encore, lorsque grâce à une bourse d'étude James Watson se retrouve envoyé dans un lycée aux USA, il se dit que le monde s'acharne contre lui. le hasard n'a pas fini de le surprendre puisque là-bas il rencontre Charlotte Holmes, arrière-petite-fille du célèbre détective qui n'a rien à envier à son aïeul. Les deux lycéens sont loin de s'entendre mais le meurtre d'un camarade et les accusations qui pèsent contre eux vont les obliger à collaborer.
Si vous traînez sur ce blog depuis longtemps, vous savez déjà la passion que je voue à
Sherlock Holmes et à son univers. Je suis passée par pas mal d'adaptations, de réécritures et autres, et malheureusement je n'ai que très peu souvent été convaincue du résultat. Quand sera-t-il des aventures de Charlotte Holmes ?
Je l'admets, cette lecture commençait plutôt mal. Partir du principe que John Watson et
Sherlock Holmes ont réellement existé et que
Conan Doyle n'a jamais vu le jour est on ne peut plus grisant. du moins pour moi ! Mais ce que l'auteur en a fait m'a fait quelques fois tiquer. Je l'admets, l'idée même que Sherlock ait pu concevoir un enfant m'est étrange. Non pas qu'il n'aime pas les femmes, mais en trouver une qui lui plaise (non pas physiquement mais mentalement) relève de l'impossible. Donc fonder une famille ? Difficile à admettre. Un peu comme le fait que le Dr Watson ait vendu les droits de ses histoires pour éponger ses dettes de jeu. Certes il a toujours eu ce vice mais lui faire abandonner ses récits pour le profit me semble être un sacrilège. Que voulez-vous, je n'ai jamais aimé qu'on touche à ces deux-là.
Comme avec son aïeul, le récit se fait du point de vue de James Watson. J'apprécie beaucoup ce personnage. Pas aussi intelligent qu'un Holmes bien évidemment, mais pas non plus un benêt ou un simple faire valoir. Encore moins un simple tas de muscles, même s'il a une grande facilité à jouer des poings qui lui attirera quelques ennuis. J'aime aussi la relation compliquée qu'il a avec son père. Ce dernier est d'ailleurs un personnage très intéressant que je regrette de ne pas avoir côtoyé plus longuement. Ce qui est franchement agaçant en revanche ce sont les sentiments de James pour Charlotte. Je veux dire bien évidemment que je m'attendais à une romance (sinon
Brittany Cavallaro n'aurait pas pris soin de faire de l'un d'eux une fille) mais je n'en voulais pas. J'aurais préféré une amitié tendre, un peu floue, qui laisse présager mais qui ne dit rien. J'aurais préféré de la subtilité, des sous-entendus semés grâce au choix des mots. La détresse de James face à la réticence de Charlotte m'aurait plus touché s'il avait été question d'amitié. Et puis James tombe amoureux trop vite et trop violemment. J'ai même eu l'impression qu'il était amoureux avant même de rencontrer Charlotte. Il a passé une partie de son enfance à imaginer ce que ce serait de vivre de passionnantes aventures avec elle, du coup j'ai vraiment eu le sentiment qu'il était amoureux de l'image qu'il s'était construit d'elle. Certes on sent bien qu'il est aussi amoureux de la vraie Charlotte mais les sentiments entre ces deux-là me poseront toujours problème. Peut-être parce que Charlotte a justement trop de sentiments. Elle est censée être une Holmes, après tout. Pas juste une machine qui résout des crimes et est incapable de ressentir quoi que ce soit non plus, mais je ne l'imaginais pas du tout comme elle est dans cette histoire. Certes
Brittany Cavallaro a repris les codes de Holmes en faisant de Charlotte une surdouée addict aux sciences et à la drogue, virtuose du violon, inadaptée en société et incapable de garder pour elle ce qu'elle pense, mais elle dégage trop d'émotion. Certains mettront ça sur le fait que ce soit non seulement une fille mais surtout une adolescente de 16 ans, ce à quoi je répondrais que dans ce cas elle n'est plus qu'un cliché, une parodie d'héroïne. Trouvez-moi bizarre si ça vous chante mais je ne la juge pas digne d'être une Holmes, surtout lorsqu'elle se laisse aveugler par ses sentiments pour son ancien précepteur.
Deux autres points m'ont fait tiquer mais c'est la sherlockienne en moi qui se révolte donc vous ne ressentirez probablement pas la même chose lors de votre lecture. Premièrement : ça va vous sembler stupide mais je ne comprends pas pourquoi notre héros s'appelle James. le plus grand ennemi de
Sherlock Holmes s'appelle James Moriarty. Vous trouvez ça logique de donner à votre fils le même prénom que le plus grand ennemi du meilleur ami de votre ancêtre ? Moi non. Sur ce coup là je ne comprends vraiment pas le choix de l'auteur, surtout qu'elle a pris soin de faire du père de James un fan des aventures de
Sherlock Holmes. Jamais il n'aurait pu faire une chose pareille. Deuxièmement : c'est quoi cette histoire entre Charlotte et August Moriarty ?! (descendant de James Moriarty, je précise). Je n'ai pas pu m'empêcher d'y voir l'intrusion du fantasme d'une fangirl. Une Holmes et un Moriarty ? Yeurk. le pire est lorsque, aveuglée par ses sentiments pour lui, Charlotte en devient stupide et refuse de voir ce qu'il y a pourtant juste en face d'elle.
J'ai passé les premiers chapitres à grogner dans mon coin avant de changer de tactique : oublier complètement le lien entre ce nouveau duo et l'originel afin de me concentrer exclusivement sur l'histoire. J'ai eu du mal mais j'y suis arrivée. Et j'en suis heureuse parce que ce livre est loin d'être mauvais. Certes on voit venir certaines choses de loin et Charlotte est un peu trop passive dans ses investigations à mon goût mais les derniers chapitres nous offrent plusieurs rebondissements successifs qui ne sont pas pour me déplaire. Rien ne nous permet vraiment de mener notre propre enquête et de dénicher le coupable mais on suit James avec plaisir (tout en se retenant de frapper Holmes pour refuser d'ouvrir les yeux) dans ses déductions et ses hypothèses. Tout comme lui je n'avais pas vu venir cette autre « menace » certes de moindre importance comparée à cette accusation de meurtre qui plane sur lui, et j'ai été véritablement surprise d'apprendre que certains personnages ne faisaient que jouer la comédie. Surprise mais triste aussi parce que finalement en dehors de Charlotte, James n'a pas grand monde sur qui compter. Sa déception m'a fait mal, je ne peux pas le nier. Autre point fort des aventures de Charlotte Holmes : le grand méchant de cette histoire reprend les modus operandi des criminels qu'a rencontrés Sherlock au cours de sa carrière. Voir les références et retrouver les histoires concernées (avant que James ou Charlotte ne nous les dévoile) était un petit plaisir très agréable. Sans oublier que l'amitié entre nos deux protagonistes se construit lentement, avec logique, et ne nous tombe pas dessus en un battement de paupières, ce qui fait qu'on n'a aucun mal à y croire.
Pour résumer une lecture en demie teinte en ce qui me concerne mais ça ne sera probablement pas votre cas si vous ne vous intéressez pas plus que ça à
Sherlock Holmes. C'est toujours un risque de reprendre des personnages ayant déjà une certaine stature, et ça l'est tout autant de vouloir jouer avec leurs descendants. J'ai eu énormément de mal avec Charlotte (trop émotionnelle à mon goût) mais j'aime beaucoup James. Il est dommage que l'intrigue soit cependant parfois reléguée au second plan pour laisser place à des moments plus innocents. Tout cela manquait un peu de folie, je dirais même de grandeur. Et paradoxalement certaines choses sont un peu trop faciles. Mais ça reste un roman jeunesse, donc on pardonne. Ceci dit je me demande vraiment ce que l'auteur va pouvoir nous dénicher pour les deux autres tomes prévus. En rester là ne m'aurait pas dérangé, il ne me reste aucune question en suspens. Nous verrons bien ce que donnera la suite !
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