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Citations sur La famille de Pascal Duarte (45)

Les choses ne sont jamais ce que nous les imaginons à première vue; il suffit parfois de les voir de près, de commencer à y travailler, pour y découvrir des aspects si étranges, si inconnus même, qu'ils nous font perdre jusqu'au souvenir de notre idée première. (p.95).
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Il y a des circonstances où mieux vaudrait s'effacer comme un mort, disparaître d'un coup comme avalé par la terre, s'évanouir dans l'air comme un flocon de fumée.
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[...] ... Mes parents s'entendaient mal. Ils n'avaient guère d'éducation mais moins encore de vertus et n'observaient pas les commandements de Dieu - tous défauts que, pour mon malheur, j'héritai - aussi se souciaient-ils fort peu d'appliquer des principes ou de réfréner leurs instincts, et il suffisait d'un rien pour déchaîner une tempête, qui se prolongeait ensuite des jours et des jours, sans qu'on en vît la fin. En général, je ne prenais pas parti car, pour moi, c'était pareil de les voir l'un ou l'autre écoper ; quelquefois je me réjouissais parce que mon père cognait, d'autres fois parce que c'était ma mère mais jamais je n'en fis une affaire d'Etat.

Ma mère ne savait ni lire, ni écrire ; mon père, oui, et il en était si fier qu'il le lui jetait à la figure à tout bout de champ et l'appelait sans cesse, avec ou sans raison, pauvre ignorante, injure très grave pour ma mère, qui devenait comme un dragon. Quelquefois mon père s'en venait l'après-midi à la maison, un papier à la main, et, bon gré, mal gré, nous faisait asseoir tous les deux dans la cuisine pour nous lire les nouvelles ; il les commentait ensuite et je me mettais à trembler, car ainsi commençaient les disputes. Ma mère, pour l'offenser, prétendait qu'il n'y avait rien de tout cela sur le papier et que mon père inventait tout ce qu'il disait ; en l'entendant, celui-ci perdait la tête, il hurlait comme un fou, la traitait de sorcière, d'ignorante et finalement criait que, s'il avait su inventer le contenu des papiers, il n'aurait jamais eu l'idée de l'épouser. C'en était trop. A son tour, elle le traitait d'ours mal léché, l'appelait mendigot et portugais ; lui, comme s'il n'avait entendu que ce mot pour la frapper, enlevait sa ceinture et la poursuivait jusqu'à n'en plus pouvoir tout autour de la cuisine. Au début, j'attrapais par-ci, par-là un coup de ceinture, mais, avec le temps, je compris que la seule manière de ne pas se mouiller était de ne pas être sous la pluie et, quand je voyais les choses tourner mal, je les laissais seuls et m'en allais. Tant pis pour eux.

En vérité, la vie dans ma famille n'avait rien de drôle, mais nous n'avons pas le choix et parfois nous ne sommes pas nés que notre route est déjà tracée ; je m'efforçais donc d'accepter mon sort, c'était la seule façon de ne pas désespérer ... Tout petit, à cet âge où la volonté de l'homme est le plus maniable, on m'envoya quelque temps à l'école ; la lutte pour la vie, disait mon père, était très dure et il fallait se préparer à l'aborder avec les seules armes capables de nous faire triompher, les armes de l'intelligence. Il me disait tout cela d'un trait, comme de mémoire, et sa voix me semblait alors se voiler et prendre des nuances que je ne lui connaissais pas. Il se remettait bientôt et, se mettant à rire bruyamment, finissait toujours par me dire, avec une sorte d'affection :

- "Ne fais pas attention, mon garçon ... Je me fais vieux !"

Et il restait pensif, répétant à voix basse et par deux fois :

- "Je me fais vieux ! ... Je me fais vieux ! ..." ... [...]
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Celui qui fuit son ennemi n'a rien d'un homme.
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Le temps passé nous semble bon, lui que nous avions trouvé si dur; faute d'avoir vu pire. Mystère de la conduite des mortels, qui détestent tellement ce qu'ils doivent ensuite regretter! (p.32).
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Je vais poursuivre mon récit ; il est triste, je le sais bien, mais moins triste pourtant que toutes ces pensées philosophiques que ne supporte pas mon coeur ;mon coeur, cette machine à fabriquer le sang qui jaillit sous le couteau...
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[...] ... Elle était là, étendue sous le drap, le visage tout contre l'oreiller. Je n'avais qu'à me jeter sur son corps, la frapper. Elle ne bougerait pas, elle ne pousserait pas un seul cri ; je ne lui en laisserais pas le temps ... Elle était déjà à ma portée, profondément endormie, ne se doutant de rien. Dieu, que les gens que l'on tue se doutent peu de leur sort ! Je voulais me décider mais n'y parvenais pas ; il dut m'arriver plusieurs fois de lever le bras et de le laisser retomber le long du corps.

Je pensai fermer les yeux et frapper. Impossible. Frapper les yeux fermés revient à ne pas frapper du tout, tant on risque de manquer son coup ... Je devais frapper, les yeux bien ouverts, de toutes mes forces. Je devais garder mon calme, retrouver mon calme, qui me semblait déjà compromis par la vue du corps de ma mère ... Le temps passait et je restais là, immobile et figé comme une statue, incapable d'en finir. Je n'osais pas ; après tout, c'était ma mère, la femme qui m'avait donné le jour et méritait pour cela d'être pardonnée ... Pourtant non, je ne pouvais lui pardonner parce qu'elle m'avait mis au monde. Elle ne m'avait fait là aucun faveur, absolument aucune ... Il n'y avait plus de temps à perdre. Il fallait se décider une bonne fois ... Un long moment, je restai debout, comme endormi, mon couteau à la main, image même du crime ... J'essayais de me dominer, de récupérer des forces de les concentrer. Je brûlais du désir d'en finir vite, vite, et de sortir en courant, pour aller quelque part m'écrouler à bout de souffle. Je m'épuisais ; voilà une bonne heure que j'étais près d'elle, que je semblais la garder, veiller sur son sommeil. Et j'étais venu pour la tuer, pour la faire disparaître, arracher sa vie à coups de poignard ! ...

Peut-être une autre heure allait-elle passer. Non, définitivement, non. Je ne pouvais pas, cela dépassait mes forces, faisait refluer mon sang. Je pensai fuir. J'allais peut-être faire du bruit en m'en allant ! Elle s'éveillerait, me reconnaîtrait. Non, je ne pouvais pas fuir non plus ; j'étais perdu de toute façon ... Je n'avais d'autre solution que de frapper, frapper sans pitié, rapidement, pour le plus vite possible en finir. Mais je ne pouvais pas non plus frapper ... J'étais tombé dans un bourbier où je m'enfonçais peu à peu, sans possible salut, sans issue possible ... La boue m'enserrait déjà le cou; J'allais mourir noyé comme un chat ... Je ne pouvais tuer ; j'étais comme paralysé ... [...]
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Jamais les pensées qui nous bouleversent n'arrivent brusquement: la soudaineté reste l'apanage de ce qui nous étouffe un instant, mais nous laisse, en s'en allant, de longues années à vivre. (p.132).
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Chinchilla est un méchant bourg, comme tous ceux de la Manche, écrasé par une profonde peine grise et terne comme tous les villages où les gens ne mettent pas le nez dehors. (p.117).
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Il est pénible de penser que, pour avoir la paix, il faut être craint. (p.107).
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