Citations sur La rose de personne (41)
toi qu'au fond des temps,
dans le Rien d'une nuit,
j'ai dans la Non-nuit ren-
contrée, toi
Non-toi –
...
et parfois, quand
il n'y avait plus que le Rien entre nous,
nous nous trouvions
l'un l'autre tout à fait.
'RADIX, MATRIX', extrait, p. 63
& 'TANT D'ÉTOILES' / 'Soviel Gestirne', extrait, p. 21
S’il venait,
venait un homme,
venait un homme au monde, aujourd’hui, avec
la barbe de clarté
des patriarches : il devrait,
s’il parlait de ce
temps, il
devrait
bégayer seulement, bégayer,
toutoutoujours
bégayer.
Les soirs se creusent
sous ton œil. Recueillies
avec la lèvre, des syllabes – beau
cercle en silence –
guident l’étoile qui rampe
vers leur centre. La pierre,
autrefois proche des tempes, ici s’ouvre
ARBRES-AUX-LUEURS
Un mot,
pour lequel j’ai bien voulu te perdre :
le mot
jamais.
Il y avait,
de temps en temps tu le savais aussi,
il y avait
une liberté.
Nous nagions.
Sais-tu encore, que je chantais ?
Avec l’arbre-aux-lueurs, le gouvernail.
Nous nagions.
Sais-tu encore, que tu nageais ?
Ouverte tu étais devant moi,
tu étais, étais
devant moi,
devant l’a-
vancée de mon âme
Je nageais pour nous deux. Je ne nageais pas.
L’arbre-aux-lueurs nageait.
Nageait-il ? Il y avait
une mare autour. Il y avait l’étang sans fin.
Noir et sans fin, suspendu,
Suspendu, en aval du monde.
Sais-tu encore, que je chantais ?
Cette —
O cette dérive.
Jamais. Aval du monde. Je ne chantais pas. Ouverte
tu étais devant moi, devant
l’âme en voyage.
pp. 52-53
GEL, ÉDEN
Il y a un pays : Perdu,
où pousse une lune dans le roseau,
mort de froid avec nous,
il rayonne alentour et voit.
Il voit, alors il a des yeux,
qui sont de claires terres.
La nuit, la nuit, l'alcali.
Il voit, l'enfant-œil.
Il voit, il voit, nous voyons.
je te vois, tu vois.
Le gel ressuscitera
avant que l'heure se ferme.
p.35
ODEURS D'AUTOMNE, MUETTES. La
fleur-étoile, non brisée, passa
entre lieu natal et abîme à travers
ta mémoire.
Une perditude étrangère
avait pris corps, tu avais
failli
vivre.
... Elle est enfin la rose des vents, qui sert encore à s’orienter, au-delà du naufrage possible. Librement, sauvagement effeuillée :
frei,
entdeckerisch,
blühte die Windrose ab, blätterte
ab, em Weltmeer
blühte zuhauf and zutag, im Schwarzlicht
der Wildsteuerstriche […]
libre,
à la découverte,
la rose des vents s’épuisa en fleurs, s’effeuilla,
un océan
fleurit en masse et au jour, dans la lumière noire
de la déroute du gouvernail affolé [...]
(Die Silbe Schmerz / Les syllabes douleur)
Le verbe « abblühen », difficile à traduire, indique que la rose fleurit jusqu’à se défaire. C’est là son suprême accomplissement : il n’est pas du destin d’une rose de durer, mais plutôt de s’effeuiller, dans le vertige sans fin du don. (…) Le trajet du livre est bien un mouvement universalisant. La « rose » est passée de « Personne » à « personne » où « personne » trouve la possibilité qui l’égale à « tous ». (…) Au bout du livre, la rose se défait : plus de destin juif qui se sépare du destin moderne de l’homme.
Si la « rose » est un don, « personne » est son destinataire. (…) Le même mouvement entraîne la rose, dans « un tourbillon de métaphores, vers l’accomplissement de son destin, et le poème vers l’Interlocuteur providentiel...rose des vents : ce mouvement orienté que l’écriture produit, Celan le nomme « souffle » ou « direction » (Le Méridien).
Traduction et Postface de Martine Broda, pp. 184-185.
LE MOT D'ALLER-A-LA-PROFONDEUR,
celui que nous avons lu.
Les années, les mots depuis.
C'est toujours bien de nous.
Tu sais, l'espace est infini,
tu sais, tu n'as pas à voler,
tu sais, ce qui s'est inscrit dans ton oeil
approfondit pour nous la profondeur.
Un rien
nous étions, nous sommes, nous
resterons, en fleur :
la rose de rien, de
personne.
Et des nombres étaient
tissés dans l'innombrable. Un, mille, et ce qui
devant, derrière,
était plus grand que soi, pus petit, mené
à terme, puis dans une métamorphose
à rebours et suivie,
transformé en un
jamais germinant.