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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Après le débarquement, Céline a quitté la France : sa situation était devenue intenable là-bas. Nord commence par la description d'un hôtel, où il s'est réfugié avec sa femme Lili et son chat Bébert, à Baden-Baden, véritable oasis de luxe (langoustes, pâtisseries, ...) dans un pays en perdition. Quelques jours plus tard, on l'évacue en direction de Berlin. La ville est en ruine, il ne reste que les façades debout. Quelques démêlés avec le bureau des visas, dans lequel il rencontrera l'acteur La Vigue qui l'accompagnera pour la suite des évènements, le mène dans un hôtel qui menace de s'effondrer à tout instant, et chez un pseudo-avocat à moitié fou qui a des hallucinations et voit Hitler rentrer à la Chancellerie tous les jours.

Il finira par rejoindre son ami médecin Harras, qui l'héberge quelques jours, avant de l'envoyer "au calme" à la campagne, à Zornhof. Détesté par les travailleurs obligatoires et les prisonniers pour son statut de collabo, devenu encombrant pour les allemands, il essayera de tirer son épingle du jeu à coups de cigarettes piochées dans les réserves d'Harras.

Dans un empire qui prend l'eau de toute part, dans les bombardements incessants, Céline décrit un univers où tout devient grotesque : le maître des lieux à moitié fou qui se fait fouetter par ses servantes, la "soupe à l'eau tiède" servie à tous les convives, alors que tout le monde a ses petites combines pour obtenir de la nourriture plus consistante, les crises d'hystérie, les complots ridicules... Le récit est coupé régulièrement par les plaintes de l'auteur, qui se lamente du sort qu'on lui a réservé après la guerre, et du nombre de gens qui réclament sa peau (ce qui est quand même gonflé de sa part, quand on connaît ses prises de position !). Son style est inimitable, et me séduit toujours autant.
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ISBN : 9782070368518

Alors, là, c'est du Grand Céline, avec quelque chose d'intégralement désespéré sous un espoir qui ne veut pourtant pas disparaître tout-à-fait; et dont je n'ai jamais entendu la voix jusqu'ici, pas même lorsqu'il évoquait ses années de prison dans sa "fosse" du Danemark. Ce livre-là, on pourrait le sous-titrer "Apocalypse pour l'Europe et les Européens" car, à l'époque et dans le monde qu'il nous décrit, personne ne croit plus en personne, personne ne croit plus en rien. Hormis nos trois mousquetaires qui, comme chacun le sait depuis Alexandre Dumas, étaient quatre - je vous laisse répartir les rôles d'Athos, Porthos, Aramis et d'Artagnan, dans l'ordre que vous voudrez, à Céline, à Lili, son épouse, à Robert Le Vigan et, bien entendu, à l'indispensable et toujours présent Bébert le Chat - tout le monde est persuadé que c'est la FIN - oui, m'sieurs-dames, avec un grand "F", s'y vous plaît - et que personne n'y échappera. Harras, le médecin-SS "ami" de Céline, capable de la plus froide dureté comme de la jovialité la plus ... hem ... oserai-je dire germanique ? ... serait le premier à ajouter : "Et en plus, tout le monde s'en fout ! ... ooah ! ..."

"Ooah !", ce n'est pas le "rire du sergent" que Michel Sardou chantera près de vingt-six ans plus tard, mais c'est un rire unique, avec quelque chose d'homérique, qui, malgré le côté sinistre du personnage et tout ce qu'il représente - l'image de Mort de la S. S. - le rend (oui, j'avoue ) parfois un tantinet sinon sympathique, en tous les cas humain. Ami de Céline, qu'il a connu à Paris du temps où tout était normal, il appelle notre Courbevoisien "Confrère ! Confrère !", terme que l'autre lui renvoie sans broncher, soucieux de ne pas se mettre à dos le pion qu'il avait gardé en réserve au cas où tout déraperait après "le Méréchal" et sa promenade quotidienne, à Siegmaringen (orthographe célinienne, rappelons-le).

Bien qu'on puisse compter sur lui - ce n'est pas pour rien que, en dépit de ses kilos superflus et de son type d'Européen tout à fait banal, il a réussi à se hisser à un rang important dans la S. S. - Harras ne semble prendre certaines choses au sérieux que parce qu'il le faut bien. Lui, il préfèrerait rire, bien manger, bien boire, partager avec autrui si les vivres étaient suffisantes et, finalement, que toute cette guerre prît fin et qu'on n'en parlât plus du tout. Céline ne nous dit pas - mais peut-être ne l'a-t-il jamais su - dans quels tourbillons de feu Harras a fini par sombrer et, malgré soi, l'on en conçoit une certaine frustration. On souhaite que ce n'est pas été trop terrible - oui, je sais, c'est un S. S. mais si l'on fait une fiche sur Céline, ce n'est pas pour mentir comme lui ne l'a jamais fait ) ; sans honte aucune, confiant dans l'instinct de conservation de son "confrère", il expédie celui-ci et toute son équipe (mais en lui confiant la clef d'une armoire à provisions pleine de coins et recoins) dans un trou perdu de la vaste plaine s'étendant entre l'Allemagne et la Russie et où pullulent betteraves, "réfugiés" russes, polonais et, de manière générale, slaves et y revient avec ni plus ni moins que le frère de Göring en personne avec qui il manque se disputer sur la fin quant à l'itinéraire suivi par les Français durant la Retraite de Russie.

Raconter Harras est aussi impossible que de raconter un roman de Céline. Après un début où des événements très désagréables viennent de les jeter à la rue, dans un Berlin qui n'est plus que ruines, Céline entraîne tout son petit monde dans un hôtel miteux où la méfiance règne des fondations jusqu'aux combles, où la Police secrète semble enquêter partout et nulle part (Cf. le curieux personnage de Pretorius) et se trouve en outre en cheville avec les personnages les plus serviables et les mieux au courant des tarifs du marché noir. Ayant absolument besoin de papiers d'identité en règle, Céline décide de recourir à son "homme providentiel" : Harras, qui l'accueille comme un frère dans son espèce de bunker où, entre deux braillements dans son téléphone de campagne, il vit le plus souvent en peignoir de bain - il aime bien les peignoirs de bain.

Mais les lois de la guerre ne pardonnent pas. Rappelé d'urgence à Berlin, Harras envoie Céline et sa petite colonie (dont un Le Vigan au zénith de son narcissisme, toujours occupé à demander s'"il a été bien") près de Königsberg, chez les von Leyden. Il a une chance pour qu'il sauve la vie à son "Confrère". Le S. S. a la mentalité d'un joueur de poker : il la saisit ... et il gagnera, nous le savons.

Alors, voyons un peu, dans la famille von Leyden, qu'avons-nous ?

Le père, un vieil officier qui ne manque pas d'un certain panache mais qui laisse son chien, Iago, un dogue, mourir pratiquement de faim (ce à quoi, mi par pitié, mi par nécessité stratégique, rémédient dès qu'ils le peuvent Le Vigan et Céline) et qui, par ailleurs, cultive sa santé physique en se faisant fouetter par de (très jeunes) mineures polonaises ou russes qui font de lui leur cheval et, quand il le désire, pousse la complaisance jusqu'à lui uriner dessus. (On n'est pas chez Pasolini, dans "Salo" mais enfin ...)

La mère, me direz-vous ? Morte depuis longtemps et c'est tant mieux pour elle, la malheureuse. Elle a laissé un fils, que la Guerre - elle, encore et toujours - a fort mal traité en le rendant cul-de-jatte mais qui a épousé une très belle jeune fille, Isis, fille adoptive d'une princesse au nom qui ressemble plus ou moins à un éternuement mais qui compte pour le moins ses dix ou douze quartiers. Tempérament ardent et opportuniste, Isis couche avec tout mâle qui peu lui rapporter quelque chose (dont Harras par exemple quand il lui arrive de passer, et même l'horrible Landrat, espèce de gouverneur politique de la ville qui ne pense qu'à organiser des exécutions et encore des exécutions auxquelles il se fait un point d'honneur d'assister.) Elle fera même des avances à Céline - qui nous assure que ça ne dépassera pas le simple baiser et quelques caresses.

A ce stade, je ne saurais plus vous dire si ce couple étrange formé par les Von Leyden Fils a eu au moins un enfant - quand on est pris dans l'immense et flamboyant tourbillon célinien, il est parfois des détails qui vous restent en mémoire mais qui disparaissent épisodiquement avant de revenir quand vous vous y attendez le moins . Tout ce dont je suis sûre, c'est que le Rittmeister von Leyden - le vieil officier à demi-gâteux - qui se met en tête, à la fin, de partir tout seul faire la guerre à l'Armée rouge toute proche, a une soeur, Marie-Thérèse, qui prétend parler le français mieux que Harras (dont c'est le dada : - "N'est-ce pas, Confrère, que mon français est parfait ?"), survivante de la société wilhelminienne et dont les meilleurs souvenirs datent évidemment de cette "Belle Epoque" qu'ont chantée tant d'écrivains, toutes ethnies confondues.

Il y a aussi deux STO français, Léonard et Joseph, tantôt relativement aimables, tantôt radicalement hostiles - mais force est de reconnaître que, le jour où ils assassineront le fils von Leyden, ils se débrouilleront pour que ce sale collabo de Céline ne soit pas impliqué - tout un méli-mélo de Slaves, nous l'avons dit, hostiles ou pas, ça dépend, d'autres prisonniers français qui ont élu leur QG ... dans le bistrot du coin et qui crachent (de loin) sur les collabos, Bleuette, la pauvre et belle demi-sang de Von Leyden Père, qui sera assassinée à coups de pioches par des prostituées de Berlin rassemblées là en troupeau pour refaire la voierie et qui s'en prendront aussi au vieillard, Kracht, homme de confiance de Harras, avec qui Céline entretient parfois des rapports assez réconfortants car Kracht, au milieu de tout ce bourbier, conserve la tête sur les épaules ... Enfin, il essaie et c'est déjà pas mal.

Epouse douce et dévouée de Céline, Lili est fidèle a elle-même et transbahute avec elle partout son Bébert qui, en greffier philosophe et digne chat d'écrivain génial, se nourrit comme il peut. Robert Le Vigan a ses "crises", où il confond réalité et rêve mais durant lesquelles il conserve cette faculté insolente de pouvoir "entrer" dans la peau de n'importe quel personnage qui fait l'Acteur Total, et Céline ...

... Céline fait ce qu'il fait d'habitude, ce qu'il était né pour faire (même s'il ne le savait sans doute pas dans le passage de Courbevoie où il fut élevé) : il chronique, il raconte. Depuis le "Voyage ...", le lecteur a eu le temps de s'y faire : Sancho Pança résigné et conscient du génie de l'Ecrivain, il suit, passant sans broncher d'une belle route toute droite à des méandres bourrés d'ornières, s'agripant, aussi têtu que Bébert, à la montagne qu'on devine au loin, s'affairant entre le passé et le présent et même le futur si Céline-Don Quichotte le lui demande. Oh ! il n'est pas devenu Céline : il se contente du rôle, d'ailleurs terriblement exigeant, de celui d'aficionado, un aficionado que le génie de l'auteur illumine et pétrifie de bonheur mais qui le navre d'autant plus quand il le voit s'abaisser au salut hitlérien et aux "heil, heil !" de circonstances à l'un ou à l'autre.

Pourtant, Céline ne les aimait guère, les Allemands. Alors pourquoi faisait-il ça ?

Vient le moment - enfin, il vient très vite, bien avant "Nord" mais c'est dans "Nord" qu'il se rappelle brutalement à nous - où le lecteur ne se pose plus la question. Céline, c'est Céline. Sans doute, pour une raison qu'il ignorait lui-même et que nous, qui sommes restés après lui, ignorons encore, n'aurait-il jamais été Céline l'Ecrivain de Génie, cette Gloire de la Littérature française et mondiale, s'il n'avait accepté d'être aussi Céline l'Homme, imparfait, râleur, bourré à craquer de haine et de colère, qui détourna la tête quand il ne le fallait pas mais qui eut, au moins, le courage de l'admettre.

En tous cas, Céline ne fut jamais l'un de ces "résistants de la 25ème Heure" comme tant de ses "confrères" en écriture ...

Et c'est pour cela, et aussi pour cette prose furieuse, tempétueuse et dorée, qui transforme le Soleil en Nuit et la Nuit en Espoir, cette prose à la fois pince-sans-rire et apocalyptique toute empreinte des encens les plus précieux du Paradis et de l'Enfer, cette prose qui caractérise ce que l'on nomme ses "romans", que, finalement, notre Céline, nous l'aimons.

Tout simplement. ;o)
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Second volet de la "trilogie allemande", dernier opus publié du vivant de Céline, Nord trouve les accents les plus justes, les plus cocasses, la même verve mais plus apaisée, que ces premiers romans foisonnants. Un grand ouvrage. Pour presque finir.
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Un des meilleurs livres de Céline que j'ai eu l'occasion de lire. Sitôt que l'on se fait, à son style d'écriture, on rentre dans une histoire incroyable. La tension n'en finit pas de monter sur plus de six cents pages. Ponctuée par les bombardements. Il va bien finir par se passer quelque chose, mais quoi ? Céline qui se méfie de tout, au bord de la paranoïa, le Vigan qui finit par craquer, Lucienne qui suit tant bien que mal...
Ce livre donne un autre éclairage sur la guerre. Une autre petite musique que le "bien et le mal", "les résistants, les collabos", "les français, les allemands", etc.
La société est bien plus complexe. Les salopards, les abrutis, les profiteurs ne sont pas tous dans le même camp. Entre allemands on peut se détester et se déchirer, entre français aussi. Et pas que pour des questions idéologiques ! le meilleur ennemi de l'homme c'est bien son semblable, qu'il dise"Heil Hitler !" ou "Vive de Gaulle !"
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Le meilleur de Céline.
Une vision hallucinée du périple de l'auteur en compagnie de sa femme Lucette, de son fidèle chat Bébert, et de "La Vigue" (l'acteur Robert le Vigan) à travers l'Allemagne en feu, croulant sous les bombes, dans une atmosphère crépusculaire qui ressemble à une fin du monde.
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1ère partie de son exil en Allemagne après la guerre avec Lili, La Vigue et Bébert dans une ferme non loin de Berlin. Une écriture qui vous conquiert... on se retrouve à la fin du livre sans s'en apercevoir !...
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