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Mort à crédit tome 0 sur 3
EAN : 9782070376926
622 pages
Gallimard (24/09/1985)
4.28/5   1683 notes
Résumé :
Deuxième grand roman de Louis-Ferdinand Céline, "Mort à crédit", publié en 1936, raconte l'enfance du Bardamu de "Voyage au bout de la nuit", paru quatre ans auparavant. Après un prologue situant son présent, médecin dans les années trente, le héros narrateur, Ferdinand, se rappelle ses jeunes années, dans un milieu petit bourgeois, vers 1900. Il est fils unique, élevé dans un passage parisien entre une grand-mère éducatrice fine et intuitive, une mère sacrificielle... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (105) Voir plus Ajouter une critique
4,28

sur 1683 notes
Aujourd'hui, attention, danger ! Je m'en viens vous recauser du CAS CÉLINE et ça ne va jamais tout seul. Pour Céline, il y a les pro, farouchement pro, et les anti, farouchement anti. Au milieu, un maigre contingent de personnes qui se regardent en se grattant les tempes et en ne comprenant pas pourquoi au juste tout ce vacarme autour d'un homme, d'un écrivain, qui n'était pas fait pour les laisser indifférents et qui pourtant les laisse sans opinion.

J'ai exprimé dans une critique combien j'étais fan du Voyage au bout de la nuit. J'ai exprimé dans une autre critique sur l'un de ses pamphlets combien je ne souhaitais pas me tromper de cible, ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain mais dire tout de même combien me révulsait ce que ce livre avait de révulsant à mes yeux.

Or, de tout ça finalement, je me rends compte que le débat sur l'homme prend très souvent le pas sur les débats sur le littéraire. Alors pour tâcher de trancher là-dedans, je m'en viens brandir Marcel Proust, qui, en sa qualité de " juif, pédéraste et mondain " était l'exacte image, le vivant portrait de tout ce qu'exécrait le plus Louis-Ferdinand Céline. Que dit Marcel Proust dans sa critique de Sainte-Beuve ?

« L'oeuvre de Sainte-Beuve n'est pas une oeuvre profonde. La fameuse méthode, qui en fait, selon Taine, selon Paul Bourget et tant d'autres, le maître inégalable de la critique du XIXe, cette méthode, qui consiste à ne pas séparer l'homme et l'oeuvre, à considérer qu'il n'est pas indifférent pour juger l'auteur d'un livre, si ce livre n'est pas " un traité de géométrie pure ", d'avoir d'abord répondu aux questions qui paraissent les plus étrangères à son oeuvre (comment se comportait-il, etc.), à s'entourer de tous les renseignements possibles sur un écrivain, à collationner ses correspondances, à interroger les hommes qui l'ont connu, en causant avec eux s'ils vivent encore, en lisant ce qu'ils ont pu écrire sur lui s'ils sont morts, cette méthode méconnaît ce qu'une fréquentation un peu profonde avec nous-mêmes nous apprend : qu'un livre est le produit d'un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vices. Ce moi-là, si nous voulons essayer de le comprendre, c'est au fond de nous-mêmes, en essayant de le recréer en nous, que nous pouvons y parvenir. Rien ne peut nous dispenser de cet effort de notre coeur. Cette vérité, il nous faut la faire de toutes pièces et il est trop facile de croire qu'elle nous arrivera, un beau matin, dans notre courrier, sous forme d'une lettre inédite, qu'un bibliothécaire de nos amis nous communiquera, ou que nous la recueillerons de la bouche de quelqu'un, qui a beaucoup connu l'auteur. »

Je partage entièrement et j'applaudis chaleureusement l'analyse de M. Marcel Proust. Je suis de celles qui considèrent que si l'on a des choses à reprocher à la littérature de M. Louis-Ferdinand Céline — j'entends par là ses romans bien sûr et non ses pamphlets — si l'on a des choses à reprocher à la littérature de Céline, donc, il faut les lui reprocher sur le plan littéraire et non sur un quelconque autre plan. (Les pamphlets c'est tout à fait autre chose car ça se prétend développer quelque chose dans les idées et là, bien sûr, on peut et l'on doit cracher sur les idées quand elles ne nous conviennent pas.)

Je suis de celles qui admirent presque jusqu'à la sacralisation le Voyage au bout de la nuit, pourtant, j'ose prétendre que littérairement, Céline s'est trompé à de nombreuses reprises. Et c'est là-dessus qu'il convient de l'attaquer sur sa littérature si l'on souhaite l'attaquer, plutôt que sur tout autre aspect de sa personnalité.

Oui, Céline s'est trompé. Il a pensé qu'il suffisait d'un style pour faire un grand roman. Or non. le style est un ingrédient principal de la recette, essentiel même — comme la farine pour le pain — mais c'est loin d'être le seul en cause. Combien de baguettes ratées s'appuyant sur une farine d'exception ? Et même à supposer que tous les ingrédients soient parfaits, que la recette et la boulange soient admirables, il reste la cuisson, et, à elle seule, elle a le pouvoir de tout gâcher ou de tout magnifier.

Face au succès du Voyage, animé par un style il est vrai tout à fait nouveau pour l'époque et ô combien époustouflant, Céline a cru que cela suffisait or, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Aujourd'hui, 5 janvier 2018, sur Babelio : Voyage au bout de la nuit = 13871 lecteurs, Mort à crédit = 2648 (soit moins de 20 % du précédent), D'un Château l'autre = 710 (soit 5 % du Voyage), Casse-Pipe = 490 (soit 3,5 % du Voyage). Je m'arrête ici et je ne compte que les 4 romans les plus lus de l'auteur. Constat accablant : le style est toujours là mais pas le succès. Pourquoi ?

J'ai essayé d'analyser ce que j'aimais vraiment dans le Voyage. Les trois premiers " épisodes " sont pour moi et resteront un must. (Et je pense pour des siècles.) Ce que j'entends par les " trois premiers épisodes ", ce sont premièrement les réalités concrètes du front lors du début de la guerre de 1914. le deuxième concerne une colonie imaginaire et composite d'Afrique sub-saharienne. Enfin le troisième touche à, ce que j'appelle de façon simpliste, l'Amérique.

Entre ces trois épisodes on trouve des transitions plus ou moins longues, l'une d'elle, assez longue correspondant à la vie sur l'arrière pendant la Première guerre mondiale. Mais dès le retour d'Amérique et jusqu'à la fin, excepté un bref intermède à Toulouse, tout le reste n'est qu'un seul et même épisode couvrant plus de la moitié du roman, ayant lieu en proche banlieue parisienne et s'étalant sur une dizaine d'années (un peu plus, un peu moins, on ne sait pas trop).

Or, quand je parle un peu autour de moi, je m'aperçois que tous ou presque, parmi ceux qui ont apprécié le roman, gardent un souvenir ému des trois fameux premiers épisodes et que peu me parlent de la suite. (L'explosion du clapier à lapin, le meurtre de la vieille, les affaires de coeur de Robinson, etc.) Peut-être est-ce justement dû au fait que l'auteur a fait un effort de concision, de symbolisation plus marqué pour ces épisodes qui correspondaient à une réalité vécue par lui depuis plus longtemps.

Tandis que l'autre, la banlieue, il la vivait encore lors de l'écriture et ça se sent, ça se vit, ça s'éprouve… On sent le marasme, le gris, la noirceur, la suffocation du quotidien, plein la figure à longueur de pages. Peut-être a-t-il moins condensé cette partie, peut-être aurait-il dû, qui sait ? Peut-être Gaston Gallimard avait-il raison lorsqu'il a refusé le manuscrit prétextant qu'il fallait faire des coupes ?

Je ne suis pas capable de répondre, je ne fais que constater les effets de l'oeuvre sur ma propre jouissance de lecture et je constate qu'elle est superbe et maximale pour les trois épisodes en question et qu'elle a décliné par la suite, notamment dans le dernier quart du roman. C'est tout, rien de plus.

Toutefois, j'ai pu interpréter un peu mieux mon ressenti en lisant l'essai (assez ardu à lire, j'en conviens mais très intéressant) de Mikhaïl Bakhtine qui s'intitule Esthétique de la création verbale. Dans cet essai, le critique analyse le rapport de l'auteur à son héros et cela m'a permis de comprendre ce qui me plaisait moins dans la fin de roman et qui me semble différent dans les fameux trois épisodes.

Le personnage de Robinson, qui devient prépondérant justement dans cette fin de roman m'apparaît être une béquille maladroite. Il n'a aucune épaisseur, ce n'est qu'un dédoublement de Bardamu ayant pour unique fonction de permettre à Bardamu de continuer d'exprimer son jugement. Je dirais même que tout est un dédoublement de Bardamu dans la longue partie parisienne.

On voit Bardamu, on entend Bardamu, on parle Bardamu, on perçoit Bardamu et à propos de quoi ? de Robinson, qui n'est autre qu'une image affadie de Bardamu dans un miroir. Bardamu devient le castelet dans lequel les pantins jouent leurs scènes, or de pantins il n'y en a qu'un, et c'est Robinson. D'où mon manque d'intérêt dans cette partie et que j'ai revécu ici dans Mort à crédit même si Bardamu ne s'appelle plus Bardamu mais simplement Ferdinand.

Dans les trois épisodes sus-mentionnés, c'est Bardamu le pantin qui s'agite dans un décor donné et là c'est intéressant, captivant, même. Car au fond, le style de Céline fait des merveilles quand il veut dynamiter un système, c'est-à-dire quand il tient un propos résolument anarchiste. Par la suite, quand il essaie de devenir petit bourgeois (car qu'est-ce d'autre qu'un médecin dans la société d'alors ?), il y a dissonance selon moi.

C'est là qu'il s'est trompé, tel que je le comprends, sur ce qui faisait son succès. Il pensait que c'était son style or c'était une combinaison entre style et propos. Quand le propos change, qu'il cesse d'être anarchiste pour devenir un peu geignard, pour dire que tout est mal et que tout va mal et bien je m'ennuie. Ici, dans Mort à crédit, l'auteur a poussé son style jusqu'à l'outrance, dans le but de taper encore plus fort, de marquer encore plus les esprits mais, hormis les vrais aficionados de Céline, ça fait globalement flop ! car un roman c'est plus que ça, beaucoup plus que ça.

Alors quand ici, l'auteur essaie de nous intéresser à ses jeunes années, il n'y a pas vraiment de propos particulier, si ce n'est : « écoutez-moi vous parler de moi-même quand j'étais petit, comment je suis devenu l'extraordinaire moi-même, sordide parmi les sordides, tous plus sordides les uns que les autres dans mon petit théâtre sordide. » Les scènes pléthoriques de premières expériences professionno-sexuelles dans Paris, le voyage linguistique à Folkestone, les parents, le long passage avec le pseudo-journaliste pseudo-inventeur Courtial des Pereires (alias Henry de Graffigny dans la réalité), le chanoine, les patates en Picardie etc., etc., etc., etc. Quel ennui malgré le style : je n'en retire rien. Pas même franchement un plaisir à la lecture, malgré le style je le répète. C'était donc bien l'anarchisme du Voyage que j'aimais, pas le nihilisme glauque exubérant, ventripotent développé dans Mort à crédit.

Car ici, quant au style, y a rien à dire sur le style, rien à reprocher au style, c'est du Céline meilleur cru, c'est toujours aussi féroce, toujours aussi puissant, mais c'est sur l'organisation et les fins du roman que je m'interroge surtout. Ce n'est finalement rien beaucoup plus qu'une succession d'anecdotes creuses, plus ou moins réelles, plus ou moins retouchées, beaucoup retouchées même, dans le but d'être encore un peu plus glauques, encore un peu plus outrées, car Céline met toute la gomme, il pense que c'est là que réside son succès alors il en rajoute, il en fait des tonnes, devient baroque : ça lui suffit pas, il en remet un petit coup jusqu'à patauger franchement dans le rococo, la turgescence… et, pour moi, l'overdose.

Car voilà, ces successions d'anecdotes vraiment pas sensationnelles en soi, présentées à peu près de façon chronologique, en ayant délayé au maximum là où il aurait peut-être mieux valu faire réduire le potage pour n'en garder que la quinte essence, eh bien oui, malgré tout le respect que j'éprouve pour ses talents de maniement de la langue, je ne trouve pas ça très captivant, dès qu'on sort de l'examen du style, et encore.

Est-ce qu'un roman n'est qu'un exercice de style ? Les gens qui admirent l'Oulipo vous répondront peut-être que oui, mais moi en tout état de cause, je vous dis non. Et ma conclusion de tout ça, tout bien pesé, c'est que l'ami Céline fut sans doute sans le savoir le premier, tout premier représentant de l'Oulipo, sans le savoir, sans le vouloir, il aurait crié que non, surtout pas, mais en fait si.

Dans les trois épisodes du Voyage qui m'ont tant plu, il y avait une condensation, une synthèse, une digestion de l'information. Il ne s'étalait pas sur des pages et des pages d'une logorrhée basse densité. Tout était percussion, tout était impact et tout faisait mouche mais en fait, je crois que c'est un peu par hasard, parce qu'il voulait dire ça en passant avant d'arriver à sa conclusion. Or sa conclusion nous est égale et c'est le " en passant " qui nous captive. Dès qu'il ne fait plus du " en passant " (c'est-à-dire en synthétisant sa perception sur un phénomène plus vaste que lui-même), je m'y ennuie et ce malgré le style, malgré les fulgurances.

Bien entendu, ce n'est là qu'un avis, un simple petit avis, plus critiquable plus insignifiant peut-être que jamais. Pas grand-chose, soyez-en certains.
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L.F.Céline était il :
Un écrivain de génie ?
Un antisémite pathologique ?
Un anarchiste pacifiste ?
Un salaud geignard ?
Un humaniste amer ?
Vaste débat, jamais terminé.
A mon humble avis, il était un complexe mélange de tout cela.
Ce qui se ressent dans ses écrits.
"Mort à crédit", est mon roman préféré de Céline. On y trouve une sorte de synthèse du fameux style si particulier.
Dans ce roman, l'auteur raconte son enfance, sa prime jeunesse.
Cela donne lieu à quelques morceaux d'anthologie.
Et met en scène une galerie de personnages inoubliables, des parents de Céline, petits bourgeois besogneux toujours paniqués par l'avenir, à l'extravagant Henri de Graffigny, inventeur, éditeur, culturiste.
Tout ce monde, sous la plume exceptionnelle de Céline, s'agite contre vents et marées, dans une sorte de combat perdu d'avance.
J'ai la chance, de posséder l'édition illustrée par Tardi, publiée conjointement par Gallimard et Futuropolis en 1991, et vous savez quoi, si je ne devais conserver qu'un seul livre (choix déchirant !), je crois bien que ce serait celui là !
Ps :L.F Céline, a écrit sept versions de "Mort à crédit "avant de choisir la définitive, ses plus féroces détracteurs ne peuvent lui enlever ça :il n'était pas feignant.
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SBN : 9782070376926

Sur un plan purement technique et bien qu'il soit le second roman de son auteur, "Mort A Crédit" précède le "Voyage Au Bout de la Nuit." Tout simplement parce qu'il effectue un retour, sacrément pimenté, sur l'enfance et l'adolescence du jeune Louis - Ferdinand. Pimenté et sans pitié. L'essentiel de la haine que Céline portera en lui toute sa vie contre l'Autorité et toutes les figures qui la symboliseront, sa volonté farouche de provoquer, fût-ce parfois pas très intelligemment, tout ça y trouve ses racines, tordues, énormes, difformes même pour certaines. Mais les plantes qu'elles donnent sont si belles ...

Comme il le fera plus tard dans "Guignol's Band", pour lequel Denoël vint le voir en lui disant, accablé : "Mais on n'y comprend rien !", Céline déstabilise son lecteur dès le début en l'emportant dans une sorte de délire où se mélangent des bribes et des bribes - réelles ou rêvées ? - de sa vie. Si on n'avait peur de le vexer au Paradis des Ecrivains de Génie Les Plus Haïs Par Les Crétins Redondants, on évoquerait volontiers la tornade diabolique qui, dans le Kensas de Franz Baum, emporte la petite Dorothy au Pays d'Oz. Seulement, avec Céline, la petite Dorothy, c'est vous, c'est moi, c'est tout lecteur digne de ce nom, et le Pays d'Oz, bien sûr, c'est le Pays de Céline. Seul point commun entre les deux : s'il y a des monstres à Oz, il y en a aussi chez Céline mais alors, ceux-là, franchement, faut pas les faire voir à n'importe quelle petite tête blonde - même de nos jours, avec Internet, Hollande et Valls à la télé et tout ça ...

D'abord, y a les parents de Céline. le Père, le Géniteur. Raide, digne, ayant voué sa vie aux assurances (quel beau mot ! ) et aux comptes (quel beau mot aussi, pour certains ! ),trimant en vain pour une augmentation que pourrait lui apporter la maîtrise de le technique, toute neuve, de la dactylographie - maîtrise que, bien entendu, il n'arrive pas à acquérir. Les descriptions du père Destouches, Le Normand, face à cette foutue machine à écrire dernier cri (et à l'époque, croyez-moi, c'était encore pire que les toutes dernières épaves à frappe mécanique qu'il nous arrivait encore de dénicher, dans les années quatre-vingt, dans telle ou telle antique officine, chez les huissiers par exemple, ces monstres qui, par ailleurs, avaient le mérite de vous faire des doigts d'acier, dignes de Robocop en personne ), peintes par l'encre empoisonnée de son rejeton, sont tout simplement épiques. Surtout que le type est plutôt costaud, la machine aussi et qu'ils finissent par en arriver tous les deux aux ... ma foi, comment dire ? ... aux mains et aux touches ! Et tout cela, bien sûr, par la faute de notre Ferdinand qui fait rien qu'énerver son père, ce fils indignement dégénéré !

J'ai eu la chance - si l'on peut dire - de connaître un père du même modèle dont le plaisir le plus merveilleux était, outre de "corriger" son fils à la ceinture (parfois pour rien de valable, d'ailleurs), de l'insulter, de le traiter de tous les noms, de lui prédire un avenir de poubelle, bref, de le rabaisser systématiquement et en le piétinant avec frénésie pour faire bonne mesure. Ce genre de choses - ce type de pères met d'ailleurs un temps incroyable à le comprendre - ça ne peut pas durer éternellement. le jour arrive où le "petit", brusquement devenu aussi grand et aussi costaud, vous rend la politesse avec tous les raffinements du genre. C'est le jour, fameux entre tous, où le Fils "tue" le Père - le jour où, dans "Mort A Crédit", Céline "tue" enfin son Géniteur.

Mais il a beau être Céline, il est comme tous les ados, comme tous les enfants que nous avons été : il "tue", oui, mais il le fait autant par légitime défense que par vengeance et si la rage lui vrille le coeur, ce même coeur verse aussi ses ultimes larmes sur le Père qui aurait pu être - et qui n'a pas été, qui ne sera jamais. Cela se passe au dernier tiers du livre et c'est d'une beauté, d'une grandeur, ça véhicule une émotion si intense que l'on ne parvient pratiquement pas à en dire plus.

Et puis, comme l'eût chanté Brel, et puis, il y a la mère. Bretonne, elle et "calancheuse." On ne sait pas très bien ce qui est à l'origine de sa boiterie mais une chose est sûre : cette femme est de la race de ces mères, bretonnes ou pas, qui sont plus des épouses que des mères. Oh ! Elle n'est pas dure avec son fils, elle l'aime, à sa manière. C'est-à-dire qu'il doit s'incliner devant le Père-Roi, le Père-Qui-Sait-Tout, le Père-Brutal, le Père-Monarque-du-Ceinturon, qui envoie valdinguer la mère autant qu'il envoie valdinguer son fils mais qui est "le Chef", l'"Autorité." Mme Destouches appartient aussi à l'espèce, si dérangeante et qui m'a toujours donné envie de vomir (oui, des mères comme ça, j'en ai bien connu aussi, toutes les chances, on vous dit !) de ces femmes qui donnent toujours, en pleurnichotant bien fort, tort à leurs enfants et raison à leur mari (ou compagnon). Si le jeune Céline se fait battre, même pour pas grand chose et dans des proportions que ne mérite pas la sottise qu'il vient de faire, c'est sa faute. Son père le bat, son père l'insulte, son père le rabaisse, son père le serpilliérise, son père le piétine, son père lui fendrait la colonne vertébrale, oui, bien sûr mais attention : POUR SON BIEN.

C'est beau, quand même, l'amour d'une femme pour son époux, hein ?

Et puis, Mme Destouches, elle adore faire toujours plus qu'elle ne devrait en faire - notamment à cause de sa jambe. Est-elle née avec une mentalité de martyre ou est-ce un acquis de l'existence ? Perso, je dirai un mélange des deux - et c'est incurable . le spectacle est outrancier, pitoyable, émouvant, on a pitié d'elle tout en ayant envie de lui flanquer des rafales de gifles et de la ligoter sur son lit pour qu'elle se repose enfin, et cet amour qu'elle a pour SA souffrance, SON statut d'épouse et de mère parfaites (du moins le croit-elle), franchement, ça m'a donné je ne sais trop combien de fois l'envie de gerber.

Petits bourgeois sans grande intelligence et sans un seul atome d'imagination, momifiés vivants dans leurs certitudes que la terre est plate et que le Soleil tourne autour, convaincus, à chaque mois qui passe, qu'ils ont donné le jour à un enfant quasi démoniaque ou qui, en tous cas, causera leur perte, jamais ils n'essaient de comprendre le phénomène que, pénomènes eux-mêmes, ils ont mis au monde. Ferdinand a toujours tort, Ferdinand est un misérable, Ferdinand ne sait plus quoi inventer, Ferdinand est impossible, Ferdinand finira, qui sait ? sur l'échafaud. (C'est très bien : comme ça, pour une fois, il donnera enfin raison à ses parents. ) Pour le petit garçon, ça allait un peu mieux du temps de la grand-mère Caroline - sa grand-mère maternelle - la seule, avec l'oncle Edouard, le frère, lui, du côté là encore maternel, non seulement à vouer à l'enfant une affection sincère mais toujours prêts à le faire vivre et à le laisser vivre tout en lui indiquant les garde-fous nécessaires. Mais grand-mère Caroline meurt trop tôt.

C'est le lot des bonnes grands-mères. Vous avez connu, vous aussi ? Elles font ce qu'elles peuvent pour vous et puis, elles sont obligées de partir et de vous laisser au milieu des monstres du Pays d'Oz - ou du Pays de Céline ... ou de votre propre Pays. N'empêche : elles vous insufflent l'une de ces forces morales qui jamais, quelque piège que vous tendent vos chers parents, ne vous quittera ... Merci à vous, grands-mères ! ;o)

Vous décrire la mort de la grand-mère Caroline, les si belles pages que Céline le Cynique, l'Affreux, le Collabo, le Calomnié, le Haï, le Génie, dédie à cette femme, serait inutile : pour mieux comprendre un tout petit morceau du puzzle Céline, mais un morceau décisif, il vous FAUT les lire.

Heureusement qu'il reste l'oncle Edouard. L'oncle Edouard aime sa soeur (en toute justice, le jeune Ferdinand lui aussi préfère sa mère à son père car il voit bien l'état lamentable dans laquelle elle se met, poussée à la fois par sa triste existence et aussi par les failles de son caractère, et puis, une mère, on n'en a qu'une : c'est bien ça, le problème ! Et un foutu problème de merde ! Lâchons-nous, oui : vous verrez, si vous ne l'avez déjà expérimenté et si vous êtes un minimum au-dessus de la moyenne : le seul Véritable Problème qu'on a dans Sa Vie, c'est sa Mère : bonne, on s'effondre quand elle n'est plus là et tout n'est plus que douleur ; mauvaise, on s'effondre aussi car ses coups et les affrontements, verbaux ou physiques, avec elle, vous manquent tout aussi douloureusement - fin de l'aparté, les potes, on passe à autre chose ou on essaie, capice ? ) mais il aime aussi son neveu dont il devine la sensibilité, l'originalité profonde et l'intelligence non moins réelle d'enfant probablement surdoué sous ses airs de cancre buté.

Après l'"héneaurme" bagarre avec le Père-Géniteur, l'Oncle Edouard confie son neveu comme apprenti à l'un de ses amis, un drôle de type, à vrai dire, le Courtial des Pereires, une véritable encyclopédie vivante, qui joue aux courses, mène une vie de bâton de chaises, dirige une revue, "Le Génitron", traitant de toutes les inventions possibles et imaginables, prône le plus léger que l'air, fait des excursions, tout à fait accablantes en ballon et qui, peu à peu, sans que l'un ou l'autre en ait pleinement conscience, devient, en quelque sorte, le "Père spirituel" de Ferdinand.

Oui, ça aussi, on a connu. Enfin, les plus chanceux d'entre nous. Là aussi, j'en étais (Eh ! Quand on s'est farci tous les autres, on a tout de même le droit d'avoir un père spirituel, non ? ). Vu mes repères personnels, je ne puis dire que Courtial des Péreires - dont ce n'était d'ailleurs pas le vrai nom - était un saint, pas même un exemple fabuleux à suivre. Mais il avait ce truc ... Ce truc merveilleux : l'imagination, le rêve, ce désir de s'allonger dans l'herbe et de contempler les étoiles, la curiosité de savoir ce qu'il y avait au-delà ... Voilà : il voulait toujours apprendre, toujours en savoir plus. Sur l'univers, sur soi même - pas sur ses voisins.

L'influence, sur Céline, de cet homme à la fois si brillant et si exaspérant, si irresponsable et si égoïste envers sa femme et pourtant si aimant et si aimable, sera si décisive que son décès (ou plutôt son suicide) poussera le tout jeune homme à s'engager. L'Oncle Edouard lui conseille bien de ne pas agir sur un coup de tête mais ce n'est pas possible. D'ailleurs, nous sommes encore en 1911 et personne ne peut savoir que, trois ans plus tard ...

Les trois coups vont sonner pour le "Voyage au Bout de la Nuit", pour la vie d'homme de Louis-Ferdinand Destouches, dit Céline. Il a "tué" son Géniteur qui, d'ailleurs, ne l'aimait pas et même, redoutait son étrangeté, tout ce qui ne cadrait pas avec sa raideur, avec ses certitudes d'homme bien-pensant. Et son Père spirituel, lui, s'est tué parce qu'il n'en pouvait plus. La Vie n'est pas tendre, elle est cynique, elle aime ça, le cynisme ... et pourtant, avec tout son cynisme et ses grimaces affreuses, avec toutes ses douleurs et ses injustices apparentes, elle nous apprend tant de choses. Si elle ne nous brise pas, elle nous fortifie à jamais.

C'est ce qu'elle a fait pour Céline. Dans le fond, Céline, la Vie l'a beaucoup aimé. Mais quand il a saisi la comédie qu'elle lui avait jouée, il était entré dans une autre Vie. Sûr, qu'il a dû être vachement étonné. Sûr aussi qu'il a dû s'en payer une sacrée tranche en comprenant l'astuce. Faites comme lui : lisez "Mort A Crédit" et, par pitié, réservez toute une étagère à son auteur. Oubliez les libelles où il aurait mieux fait de fermer sa grande gueule et ne prêtez l'oreille qu'à l'écrivain qui pense, réfléchit et se dit quand même : "Non, arrête, Ferdinand : là, t'es plus Céline. Alors, écris et fais pas de la politique. Surtout que, si, question écriture, tu sais sacrément bien tricher, question politique, t'es fin nul.";o)
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J'hésitais à relire « le voyage », j'ai ouvert « mort à crédit » en édition Folio. Mais que c'est écrit petit...! Comme le texte déjà concentré est dense ! Alors j'ai recherché la version illustrée par Tardi, avec des dessins du même charbon que le texte.

Céline, son enfance, il la raconte grise avec un soleil si moche qu'on l'éclipse, son humanité est sombrement décrite.

Quelle densité dans le texte avec sa foultitude de vomissures de mots à lire à voix haute. Je l'ai lu doucement comme on déguste un petit Lu par ses 4 oreilles avant ses 48 dents, sachant que de scénario point.
Quelle logorrhée ! Comme Coltrane, à l'Olympia en mars 1960, débutait le free jazz et se faisait siffler, Céline fait dans la free littérature.
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Attention chef d'oeuvre !

Après le Voyage au Bout de la Nuit, Louis-Ferdinand Céline abandonnait Bardamu mais gardait Ferdinand pour nous accompagner dans les recoins sombres du Paris et du Londres de son enfance. Il affirmait son style décapant et imagé pour nous délivrer ce fruit d'un labeur de plusieurs années qui reste une de ses toutes meilleures productions.

Si vous n'avez jamais ouvert un livre de Céline (il vaut mieux en laisser certains fermés) les premières pages de Mort à Crédit vous diront tout de suite à quel génie vous avez à faire. Les réflexions sur la mort de Madame Bérenge comptent parmi les plus belles pages de la littérature française.
Vous suivrez ensuite les péripéties de Ferdinand, de son enfance au passage Choiseul jusqu'à son désir de rentrer dans l'armée. Ce livre devait constituer le début d'une trilogie "Mort à Crédit - Casse-Pipe - Guignol's Band" dont le second volet n'a jamais été terminé. Je vous invite à lire, si vous souhaitez en savoir plus sur l'auteur, sa vie, ses choix, l'excellent "Céline", d'Henri Godard.

Sans rentrer dans le détail des mésaventures de Ferdinand, j'insisterai sur le sentiment jouissif que procure la lecture de ce livre et sur l'étendue du talent de son auteur. Céline sait se faire drôle, haletant, émouvant, profond, ordurier... On ne sait jamais vers quelle rive il va nous emporter avec sa galerie de personnages et d'aventures.

La Méhon qui colle son papier sur la vitrine de la boutique du passage Choiseul lorsque le père raconte ses histoires à un public de plus en plus dense, Courtial qui disparaît des jours dans sa cave pour échapper aux créanciers, Madame Divonne qui, de commerce en commerce, vient pleurer sur les proches décédés des commerçants dans l'espoir d'avoir un peu plus de nouilles, et bien d'autres personnages tout à la fois désespérément humains et hors du commun vous accompagneront au long des six cents et quelques pages de ce monument joyeux, cynique, et volontiers ordurier.

Il faut lire Céline comme on goûte une petite tasse de thé bien chaud, parfois brûlant, au coin d'une cheminée, par petites gorgées. Ou pas. Mais il faut lire Céline.
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Citations et extraits (227) Voir plus Ajouter une citation
On nous fait monter au salon. La belle Madame Pinaise et son mari étaient présents… ils nous attendaient. Ils nous reçoivent de façon aimable. Ma mère, tout ce suite étale son bazar, devant eux… sur le tapis. Elle se met à genoux, c'est plus commode. Elle s'égosille, elle en fout un vaillant coup. Ils traînent, ils se décideront pas, ils font des mines et des chichis.
En peignoir enrubanné, elle se prélasse Madame Pinaise, sur le divan. Lui il me fait passer par-derrière, il me donne des petites claques d'amitié, il me pelote un peu… Ma mère, par terre, elle s'évertue, elle brasse, elle brandit la camelote… Dans l'effort son chignon trisse, sa figure ruisselle. Elle est affreuse à regarder. Elle s'essouffle ! elle s'affole, elle rattrape ses bas, son chignon chahute… lui retombe dans les yeux.
Madame Pinaise se rapproche. Ils s'amusent à m'agacer, tous les deux. Ma mère parle toujours. Ses boniments servent à rien. Je vais jouir dans mon froc… Un éclair, j'ai vu la Pinaise. Elle a fauché un mouchoir. Il est pincé dans ses nichons. « Je vous fais mon compliment ! Vous avez vraiment Madame un bien gentil petit garçon !… » C'était pour la frime, ils avaient plus envie de rien. On a refait vite nos paquets. Elle suait à grosses gouttes maman, elle souriait quand même. Elle voulait pas froisser personne… « Ça sera pour une autre fois !… qu'elle s'excusait bien poliment. Je suis désolée de n'avoir pu vous séduire !… »
Dans la rue, devant le portique, elle m'a demandé chuchotante, si je l'avais pas vue moi le piquer le mouchoir dans le corset. J'ai répondu non.
« Ton père en fera une maladie ! C'est un mouchoir à condition ! Un " ajouré Valenciennes " ! Il est aux Grégués ! Il est pas à nous ! Mais pense ! Si je le lui avais repris, nous la perdions comme cliente !… Et toutes ses amies avec !… C'était un scandale !… » « Clémence t'as des mèches. T'en as plein les yeux ! Tu es verte ma pauvre ! Et décomposée ! Tu vas crever avec tes courses !… »
C'est les premiers mots qu'il a dits comme on arrivait.
Pour pas perdre de vue sa montre il l'accrochait dans la cuisine au-dessus des nouilles. Il regardait encore ma mère. « Tu es livide, Clémence, positivement ! » La montre c'était pour qu'on en finisse, des œufs, du rata, des pâtes… de toute la fatigue et l'avenir. Il en voulait plus.
« Je vais faire la cuisine » qu'elle propose. Il voulait pas qu'elle touche à rien… Qu'elle manipule la bouteille ça le dégoûtait encore plus… « Tu as les mains sales ! Voyons ! Tu es éreintée ! » Elle alors mettait la table. Elle foutait une assiette en l'air. Il s'emportait, se ruait au secours. C'était si petit dans notre piaule qu'on butait partout. Y avait jamais de place pour un furieux dans son genre. La table elle carambolait, les chaises entraient dans la valse. C'était une pagaye affreuse. Ils trébuchaient l'un dans l'autre. Ils se relevaient pleins de ramponneaux. On retournait aux poireaux à l'huile. C'était le moment des aveux…
« En somme, tu n'as rien vendu ?… Tout ce mal c'était pour des prunes ?… Ma pauvre amie !… »
Il poussait des sacrés soupirs. Il la prenait en pitié. Il voyait l'avenir à la merde, qu'on en sortirait jamais…
Alors, elle lui lâche d'un coup tout le morceau entier… Qu'on s'est fait rafler un mouchoir… et les circonstances…
« Comment ? Il comprenait plus ! Tu n'as pas crié au voleur ! tu te laisses ainsi filouter ! Le produit de notre travail ?! » Il s'en faisait péter les contours, tellement qu'il était en furie… Son veston craquait de partout… « C'est atroce ! » qu'il vociférait. Ma mère glapissait tout de même des espèces d'excuses… Il écoute plus… Il empoigne alors son couteau, il le plante en plein dans l'assiette, le fond pète, le jus des nouilles s'écoule partout. « Non ! non ! je n'y tiens plus ! » Il circule, il se démène encore, il ébranle le petit buffet, le Henri III. Il le secoue comme un prunier. C'est une avalanche de vaisselle.
[…]
On me laissera pas voir. « Monte dans ta chambre, petit saligaud !… Va te coucher ! Fais ta prière !… »
Il mugit, il fonce, il explose, il va bombarder la cuistance. Après les clous il reste plus rien… Toute la quincaillerie est en bombe… ça fuse… ça gicle… ça résonne… Ma mère à genoux implore le pardon du Ciel… La table il la catapulte d'un seul grand coup de pompe… Elle se renverse sur elle…
« Sauve-toi Ferdinand ! » qu'elle a encore le temps de me crier. Je bondis. Je passe à travers une cascade de verre et de débris… Il carambole le piano, le gage d'une cliente… Il se connaît plus. Il rentre dedans au talon, le clavier éclate… C'est le tour de ma mère, c'est elle qui prend à présent… De ma chambre je l'entend qui hurle…
« Auguste ! Auguste ! Laisse-moi !… » et puis des brefs étouffements…
Je redescends un peu pour voir… Il la traîne la long de la rampe. Elle se raccroche. Elle l'enserre au cou. C'est ça qui la sauve. C'est lui qui se dégage… Il la renverse. Elle culbute… Elle fait des bonds dans l'étage… Des bonds mous… Elle se relève en bas… Il se barre alors lui… Il se tire par le magasin… Il s'en va dehors. Elle arrive à se remettre debout… Elle remonte dans la cuisine. Elle a du sang dans les cheveux. Elle se lave sur l'évier… Elle pleure… Elle suffoque… Elle rebalaye toute la casse… Il rentre très tard dans ces cas-là… C'est redevenu tout tranquille…
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Sur le bateau, on est arrivés en avance… On était bien aux plus petites places, juste sur l'étrave… On voyait tout l'horizon admirablement… Je devais signaler moi le premier la côte étrangère… Le temps était pas mauvais, mais quand même dès qu'on s'est éloignés un peu, qu'on a perdu de vue les phares, on a commencé à mouiller… Ça devenait une balançoire et de la vraie navigation… Ma mère alors s'est résorbée dans l'abri pour les ceintures… C'est elle la première qu'a vomi à travers le pont et dans les troisièmes… Ça a fait le vide un instant…
« Occupe-toi de l'enfant, Auguste ! » qu'elle a eu le temps juste de glapir… Y avait pas mieux pour l'excéder…
D'autres personnes alors s'y sont mises à faire des efforts inouïs… par-dessus bord et bastingages… Dans le balancier, contre le mouvement, on dégueulait sans manière, au petit bonheur… Y avait qu'un seul cabinet au coin de la coursive… Il était déjà rempli par quatre vomitiques affalés, coincés à bras-le-corps… La mer gonflait à mesure… À chaque houle, à la remontée, un bon rendu… À la descente au moins douze bien plus opulents, plus compacts… Ma mère sa voilette, la rafale la lui arrache, trempée… elle va plaquer sur la bouche d'une dame à l'autre extrémité… mourante de renvois… Plus de résistance ! Sur l'horizon des confitures… la salade… le marengo… le café-crème… tout le ragoût… tout dégorge !…
À même les planches, ma mère à genoux, s'efforce et sourit sublime, la bave lui découle…
— Tu vois qu'elle me remarque, à contre-tangage… horrible… Tu vois toi aussi Ferdinand il t'est resté sur l'estomac le thon !… Nous refaisons l'effort ensemble. Bouah !… et Bouah !… Elle s'était trompée ! c'est les crêpes !… Je crois que je pourrais produire des frites… en me donnant plus de mal encore… En me retournant toute la tripaille en l'extirpant là sur le pont… J'essaye… je me démène… Je me renforce… Un embrun féroce fonce dans la rambarde, claque, surmonte, gicle, retombe, balaye l'entre-pont… L'écume emporte, mousse, brasse, tournoye entre nous toutes les ordures… On en ravale… On s'y remet… À chaque plongée l'âme s'échappe… on la reprend à la montée dans un reflux de glaires et d'odeurs… Il en suinte encore par le nez, salées. C'est trop !… Un passager implore pardon… Il hurle au ciel qu'il est vide !… Il s'évertue !… Il lui revient quand même une framboise !… Il la reluque avec épouvante… Il en louche… Il a vraiment plus rien du tout !… Il voudrait vomir ses deux yeux… Il fait des efforts pour ça… Il s'arc-boute à la mâture… Il essaye qu'ils lui sortent des trous… Maman elle, va s'écrouler sur la rampe… Elle se revomit complètement… Il lui est remonté une carotte… un morceau de gras… et la queue entière d'un rouget…
Là-haut près du capitaine, les gens des premières, des secondes ils penchaient pour aller au refile, ça cascadait jusque sur nous… À chaque coup de lame dans les douches on ramasse des repas entiers… on est fouettés par les détritus, par les barbaques en filoches… Ça monte là-haut par bourrasques… garnissant les haubans… Ça mugit la mer autour, c'est la bataille des écumes… Papa en casquette jugulaire, il patronne nos évanouissements… il pavoise, il a de la veine lui, il a le cœur marin !… Il nous donne des bons conseils, il veut qu'on se prosterne davantage… qu'on rampe encore un peu plus… Une passagère débouline… Elle vadrouille jusque sur maman… elle se cale pour mieux dégueuler… Un petit clebs aussi rapplique, rendu si malade qu'il en foire dans les jupons… Il se retourne, il nous montre son ventre… Des chiots on pousse des cris horribles… C'est les quatre personnes qui sont bouclées qui peuvent plus vomir du tout, ni pisser… ni chiader non plus… Elles se forcent maintenant sur la lunette… Elles implorent qu'on les assassine… Et le rafiot cabre encore plus… toujours plus raide, il replonge… il se renfonce dans l'abîme… dans le vert foncé… Il rebascule tout entier… Il vous ressoulève, l'infect, tout le creux du bide…
Un trapu, un vrai insolent, devant aide à dégueuler son épouse dans un petit baquet… Il lui donnait du courage…
« Vas-y Léonie !… Ne t'empêche pas !… Je suis là !… Je te tiens. » Elle se retourne alors toute la tête d'un seul coup dans le sens du vent… Tout le mironton qui lui glougloutait dans la trappe elle me le refile en plein cassis… J'en prends plein les dents, des haricots, de la tomate… moi qu'avais plus rien à vomir !… M'en revoilà précisément… Je goûte un peu… la tripe remonte. Courage au fond !… Ça débloque !… Tout un paquet me tire sur la langue… Je vais lui retourner moi tous mes boyaux dans la bouche. À tâtons je me rapproche… On rampe tout doucement tous les deux… On se cramponne… On se prosterne… On s'étreint… on se dégueule alors l'un dans l'autre. Mon bon papa, son mari, ils essayent de nous séparer… Ils tirent chacun par un bout… Ils comprennent jamais les choses…
Voguent les vilains ressentiments ! Bouah !… Ce mari c'est un butor, un buté !… Tiens le mignon on va le dégueuler ensemble !… Je lui repasse à sa toute belle tout un écheveau parfait de nouilles… avec le jus de la tomate… Un cidre de trois jours… Elle me redonne de son gruyère… Je suce dans ses filaments… Ma mère empaquetée dans les cordes… rampe à la suite de ses glaviots… Elle traîne le petit chien dans ses jupes… On s'est tortillés tous ensemble avec la femme du costaud… Ils me tiraillent férocement… Pour m'éloigner de son étreinte, il me truffe le cul à grands coups de grolles… C'était le genre " gros boxeur "… Mon père a voulu l'amadouer… À peine qu'il avait dit deux mots, l'autre lui branlait un tel coup de boule en plein buffet qu'il allait se répandre sur le treuil… Et c'était pas encore fini !… Le mastard lui ressaute sur le râble… Il lui ravage toute la gueule… Il s'accroupit pour le finir… Il saignait papa à pleine pipe… Ça dégoulinait dans le vomi… Il a vacillé le long du mât… Il a fini par s'écrouler…
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Incipit :

Nous voici encore seuls. Tout cela est si lent, si lourd, si triste… Bientôt je serai vieux. Et ce sera enfin fini. Il est venu tant de monde dans ma chambre. Ils ont dit des choses. Ils ne m'ont pas dit grand-chose. Ils sont partis. Ils sont devenus vieux, misérables et lents chacun dans un coin du monde.

Hier à huit heures Madame Bérange, la concierge, est morte. Une grande tempête s'élève de la nuit. Tout en haut, où nous sommes, la maison tremble. C'était une douce et gentille fidèle amie. Demain on l'enterre rue des Saules. Elle était vraiment vieille, tout au bout de la vieillesse. Je lui ai dit dès le premier jour quand elle a toussé : "Ne vous allongez pas, surtout !… Restez assise dans votre lit !" Je me méfiais. Et puis voilà… Et puis tant pis.

Je n'ai pas toujours pratiqué la médecine, cette merde. Je vais leur écrire qu'elle est morte Madame Bérange à ceux qui l'ont connue. Où sont-ils ?
Je voudrais que la tempête fasse encore bien plus de boucan, que les toits s'écroulent, que le printemps ne revienne plus, que notre maison disparaisse.
Elle savait Madame Bérange que tous les chagrins viennent dans les lettres. Je ne sais plus à qui écrire… Tous ces gens sont loin… Ils ont changé d'âme pour mieux trahir, mieux oublier, parler d'autre chose…

Vieille Madame Bérange, son chien qui louche on le prendra, on l'emmènera…

Tout le chagrin des lettres, depuis vingt ans bientôt, s'est arrêté chez elle. Il est là, dans l'odeur de la mort récente, l'incroyable aigre goût… Il vient d'éclore… Il est là… Il rôde… Il nous connaît, nous le connaissons à présent. Il ne s'en ira plus jamais. Il faut éteindre le feu dans la loge. À qui vais-je écrire ? Je n'ai plus personne. Plus un être pour recueillir doucement l'esprit gentil des morts… pour parler après ça plus doucement aux choses… Courage pour soi tout seul !

Sur la fin ma vieille bignolle, elle ne pouvait plus rien dire. Elle étouffait, elle me retenait par la main… Le facteur est entré. Il l'a vue mourir. Un petit hoquet. C'est tout. Bien des gens sont venus chez elle autrefois pour me demander. Ils sont partis loin, très loin, se chercher une âme. Le facteur a ôté son képi. Je pourrais moi dire toute ma haine. Je sais. Je le ferai plus tard s'ils ne reviennent pas. J'aime mieux raconter des histoires. J'en raconterai de telles qu'ils reviendront, exprès, pour me tuer, des quatre coins du monde. Alors ce sera fini et je serai bien content.
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Dès juillet 1940, Céline s’attèle à la rédaction des Beaux Draps, son dernier pamphlet, qui sera p:ublié début 1941. Dans ce texte, nettement moins antisémite que les précédents, Céline donne son avis sur la « Révolution nationale » qui doit régénérer la France, et sur son Maréchal que Céline qualifie aimablement de « Prétartarin des nécropoles ». Au fond de lui-même, Céline ne croit pas au régime de Vichy, dirigé par un vieillard octogénaire et une clique d’arrivistes. Pour Céline, la reconstruction nationale passe par une pédagogie épanouissante pour l’enfant, une sécurité de l’emploi pour les travailleurs (tous fonctionnaires !) et l’instauration d’un « communisme à la française » qui ferait des Français un pays de propriétaires… L’on est très loin du « Travail Famille Patrie » des hiérarques de Vichy, et le pamphlet de Céline est interdit de vente en zone Libre. Cette déconvenue sera sans grande conséquence pour Céline. Protégé par ses relations, Céline peut vivre et écrire comme bon lui semble.
Certes on pourra lui reprocher une attitude prudente ou ambiguë vis-à-vis des autorités allemandes. Si Céline fréquente quelques hiérarques nazis, il ne partage ni leur cause, ni leur combat. Céline se considère comme le seul véritable antisémite au détriment de tous les autres. Pire, il n’hésite pas à se montrer défaitiste. Céline annonce (dès 1941) la victoire des Russes et prédit l’arrivée des chars soviétiques à Paris… Mais s’il n’aime pas particulièrement les Allemands, Céline ne s’engage pas pour autant dans la Résistance, même si il soigne quelques résistants qui sortent amochés des interrogatoires de la Gestapo. Avec les collaborateurs, Céline adopte également une attitude ambiguë. Céline connaît la plupart des journalistes pro-allemands, et entretient des relations épistolaires avec eux. Certaines de ces lettres seront publiées en « une » de leur journal. Céline laisse faire, mais refuse de toucher un centime de leur part… Au final Céline traverse sans encombre l’Occupation, soigne ses malades à Bezons, et rentre chez lui, à Montmartre, pour écrire ses romans. De cette époque troublée naîtront deux textes, Guignol’s band qui relate ses années à Londres en 1915, et une magnifique préface à Bezons à travers les âges, un livre écrit par Albert Serouille, historien de Bezons, que Céline prit en amitié. Seuls changements notables dans la vie privée de l’écrivain, son mariage avec Lucette Almanzor, et sa relation amicale avec Arletty, sa « payse » de Courbevoie.
Sixième vie : 1944-1951
Dès l’annonce du débarquement alliée en juin 1944, Céline, accompagné de sa femme et du chat Bébert, prennent la direction de l’Allemagne. Céline sait bien ce qu’il risque si les armées alliées libèrent Paris, et préfère prendre les devants… L’objectif de Céline est de rejoindre le Danemark, où il avait caché son or avant la guerre. Ce voyage à travers le Troisième Reich sera épique. D’abord réfugié à Baden-Baden (« Bains-Bains » ironisera-t-il plus tard) avec le gotha de la collaboration en déroute, Céline intrigue pour se rapprocher de la frontière danoise. Les Destouches échoueront en Prusse, dans un manoir occupé par des aristocrates allemands hostiles… L’expérience durera peu, et Les Destouches migrent pour Sigmaringen, ou les Allemands ont regroupé le gouvernement de Vichy et leurs obligés qui ont préféré fuir avant l’arrivée des armées alliées. De la fin 1944 jusqu’en mars 1945, les Destouches croupissent à Sigmaringen dans l’attente d’un visa pour le Danemark qui arrivera in extremis. Profitant du passage d’un train (où de ce qu’il en reste), ils s’embarquent pour le nord. Après un voyage apocalyptique de trois jours, les Destouches arrivent à Flensburg, dernier poste frontière avant le Danemark. Quelques heures plus tard, ils débarquent à Copenhague.
Arrivés sains et saufs dans la capitale danoise, Céline et Lucette s’installent dans un appartement mis à disposition par une amie danoise de l’écrivain et mènent une vie très discrète. Mais en France, l’Épuration bat son plein et l’auteur de Bagatelles pour un massacre est activement recherché pour être traduit devant la justice. Fin 1945, c’est presque par hasard que Céline est découvert par les autorités françaises. À la demande de l’ambassadeur de France à Copenhague, Céline est arrêté et est menacé d’extradition. Pour les avocats danois de Céline, une course contre la montre est engagée. Si, sur le principe, le Danemark ne s’oppose pas à l’extradition de l’écrivain, les juristes danois demandent des précisions sur les faits reprochés. Le but des avocats de Céline est de garder Céline le plus possible au Danemark et attendre que les passions s’apaisent en France. Cette stratégie s’avèrera payante. L’ambassade de France se heurte au pointillisme juridique des Danois, et finalement, les accusations s’étiolent, battues en brèche pas les avocats de l’écrivain. Pendant ce temps-là, Céline croupit en prison et clame son innocence. En 1947, il est libéré, mais reste prisonnier sur parole et ne doit pas quitter le Danemark. Les Destouches s’installent alors à Korsør, petit village à une centaine de kilomètres à l’ouest de Copenhague, où leur avocat met à leur disposition sa résidence secondaire. De 1947 à 1951 c’est dans ce cadre bucolique que Céline poursuivra la rédaction de son œuvre, préparera à distance sa défense, et ne cessera de correspondre avec ses amis parisiens pour ne pas être oublié.
En 1950 le procès par contumace de Céline s’ouvre à Paris. L’écrivain est condamné à 1 an de prison, à la confiscation de la moitié de ses biens, et à l’indignité nationale. D’un point de vue strictement juridique, Céline s’en sort plutôt bien. Mais il n’en demeure pas moins condamné. Aux yeux de Céline, qui clame toujours son innocence et qui ne comprend pas ce qu’on peut lui reprocher, c’est l’amnistie ou rien. Dès lors, l’écrivain change d’avocat et confie son dossier au sulfureux Jean-Louis Tixier-Vignancour, le spécialiste des causes perdues… L’avocat béarnais va bénéficier d’une nouvelle disposition juridique destinée à solder les derniers contentieux liés à l’Épuration, et présente son client sous le nom de « Louis Destouches ». Officiellement, personne ne fait le rapprochement entre « Louis Destouches » et l’écrivain Louis-Ferdinand Céline. Après ce tour de passe-passe juridique, Céline est amnistié, à la grande fureur d’une partie du gouvernement et de l’opinion publique. Nous sommes en 1951, Céline peut désormais rentrer en France. Libre.
Dernière vie : 1951-1961
Après un court passage par Menton, Céline, Lucette, trois chats et le berger allemand Bessy s’installent chez Paul Marteau, riche industriel admirateur de l’écrivain, qui l’héberge dans son luxueux hôtel particulier de Neuilly-sur-Seine. Un changement radical par rapport au Danemark… Au même moment, la situation matérielle de Céline s’arrange. À peine rentré en France, Céline signe un contrat avantageux avec Gaston Gallimard, qui souhaite réparer l’erreur de 1932. À partir de cette date, toute l’œuvre de Céline, à l’exception des pamphlets, sera rééditée par les éditions Gallimard, ainsi que les prochains romans. Une originale relation se nouera entre le puissant éditeur parisien et l’anachorète misanthrope, qui sera scandée par une correspondance pour le moins inhabituelle dans le milieu de l’édition… À la fin de l’année, les Destouches se portent acquéreurs d’un pavillon à Meudon, en banlieue parisienne, et peuvent commencer à vivre normalement.
Céline se remet à l’écriture, reprend son activité de médecin, tandis que sa femme donne des leçons de danse. En 1952 Céline opère son retour en littérature avec la publication de Féerie pour une autre fois. Un roman assez extraordinaire, très curieux pour l’époque, sans début ni fin, et qui sera un retentissant échec commercial… Deux ans plus tard, en 1954 c’est au tour de Normance (la suite de Féerie pour une autre fois) d’être publié par les éditions Gallimard, et de subir le même sort. Malgré ces déboires, Céline poursuit la rédaction de son œuvre. En 1957, Céline abandonne le roman pour se faire « chroniqueur » en publiant D’un château l’autre. Le sujet central du livre (les mois passés à Sigmaringen) fait scandale, et Céline lui-même, en rajoute une couche. Discret lors du lancement des deux précédents romans, Céline s’investit dans la promotion et accepte de recevoir des journalistes qui ne seront pas déçus du voyage à Meudon. Ceux qui espèrent une repentance, des excuses, pour ses écrits passés, en seront pour leurs frais. Au mieux, Céline reconnaît qu’il aurait dû se taire. Au pire, il n’hésite pas à dire que les juifs devraient le remercier pour le mal qu’il aurait pu leur faire… En 1957, Céline fait scandale, mais les ventes et la critique suivent. Sur sa lancée, Céline poursuit la rédaction de son œuvre et publie Nord, en 1960, qui relate sa fuite à travers un IIIe Reich déliquescent. La critique, enthousiaste, salue un très grand roman et le retour de Céline au sommet de la littérature.
Mais la santé de Céline se dégrade rapidement. Loin de se ménager, l’écrivain travaille à parachever sa « trilogie allemande » en rédigeant Rigodon. Céline achève son manuscrit le 30 juin 1961 et prévient Gaston Gallimard. Le 1er juillet, Louis-Ferdinand Destouches, plus connu en littérature sous le nom de Louis-Ferdinand Céline, meurt, suite à une rupture d’anévrisme. Pour éviter des débordements, Lucette Destouches annoncera le décès trois jours plus tard, une fois son mari enterré au cimetière des Longs Réages de Meudon, où il repose toujours.
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Le dimanche matin, c'est elle qui venait nous chercher pour qu'on parte ensemble au cimetière. Le nôtre c'était le Père-Lachaise, la 43e division. Mon père il y entrait jamais. […]
Le caveau de Grand-mère il était très bien entretenu. […] Caroline était pas loin là-dessous… Je pensais à Asnières toujours… À la façon qu'on s'était décarcassé là-bas pour les locataires. Je la revoyais pour ainsi dire. Ça avait beau être reluisant et relavé tous les dimanches, il montait quand même du fond une drôle de petite odeur… une poivrée, subtile, aigrelette, bien insinuante… quand on l'a sentie une fois… on la sent après partout… malgré les fleurs… dans le parfum même… après soi… Ça vous tourne… ça vient du trou… on croit qu'on l'a pas sentie. Et puis la revoilà !… […] Moi du coup l'idée me montait de tout dégueuler sur place… Je pensais plus à rien qu'à vomir… Je pensais à la galantine… À la tête qu'elle devait avoir là-dessous, maintenant Caroline… à tous les vers, les bien gras… des gros qu'ont des pattes… qui devaient ronger… grouiller dedans… Tout le pourri… des millions dans tout ce pus gonflé, le vent qui pue…
Papa était là… Il a juste eu le temps de me raccrocher après l'arbre… j'ai tout, tout dégueulé dans la grille… Mon père il a fait qu'un bond… Il a pas tout esquivé…
« Ah ! saligaud !… » qu'il a crié… Il avait en plein écopé sur son pantalon… Les gens nous regardaient. Il avait très honte.
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Vidéo de Louis-Ferdinand Céline
CHAPITRES : 0:00 - Titre
F : 0:06 - FLATTERIE - Madame de Sévigné 0:15 - FOU - Delphine Gay 0:25 - FOULE - George Sand
G : 0:34 - GAIETÉ - Robert Poulet 0:46 - GOUVERNEMENT - Marmontel
H : 0:58 - HABITUDE - Pierre-Adrien Decourcelle 1:09 - HOMME - Victor Hugo 1:19 - HOMME ET FEMME - Alphonse Karr 1:32 - HONNÊTES GENS - Anatole France 1:46 - HORLOGE - Alphonse Allais 1:56 - HUMOUR - Louis Scutenaire
I : 2:06 - IDÉAL - Marcel Pagnol 2:17 - IDÉE - Anne Barratin 2:29 - IGNORANCE - Charles Duclos 2:42 - IMBÉCILE - Louis-Ferdinand Céline 2:55 - IMMORTEL - Jean Richepin 3:05 - INJURE - Vauvenargues 3:14 - INTELLECTUEL - Alexandre Breffort 3:25 - INTELLIGENCE - Alain 3:35 - INTÉRÊT - Albert Willemetz
J : 3:46 - JEUNES ET VIEUX - Decoly 3:56 - JEUNESSE - Jean-Bernard 4:09 - JOIE - Martin Lemesle 4:22 - JOUISSANCE - John Petit-Senn
L : 4:33 - LARME - Georges Courteline 4:46 - LIBERTÉ - Henri Jeanson 4:57 - LIT - Paul Éluard
M : 5:05 - MALADIE - Boris Vian 5:18 - MARIAGE - Édouard Pailleron
5:31 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Madame de Sévigné : https://www.linternaute.fr/biographie/litterature/1775498-madame-de-sevigne-biographie-courte-dates-citations/ Delphine Gay : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/5e/Delphine_de_Girardin_1853_side.jpg George Sand : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/09/George_Sand_%281804-1876%29_M.jpg Robert Poulet : https://www.belgiumwwii.be/belgique-en-guerre/personnalites/poulet-robert.html Jean-François Marmontel : https://www.posterazzi.com/jean-francois-marmontel-n-1723-1799-french-writer-stipple-engraving-french-c1800-poster-print-by-granger-collection-item-vargrc0085347/ Pierre-Adrien Decourcelle : https://www.mediastorehouse.co.uk/fine-art-finder/artists/henri-la-blanchere/adrien-decourcelle-1821-1892-39-boulevard-des-25144380.html Victor Hugo : https://www.maxicours.com/se/cours/les-funerailles-nationales-de-victor-hugo/ Alphonse Karr : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9c/Personnalités_des_arts_et_des_lettres_-_Alphonse_Karr_%28Nadar%29.jpg Anatole France : https://rickrozoff.files.wordpress.com/2013/01/anatolefrance.jp Alphonse Allais : https://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/alphonse-allais-faits-divers.html Louis Scutenaire : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Scutenaire#/media/Fichier:Louis_Scutenaire,_rue_de_la_Luzerze.jpg Marcel Pagnol : https://www.aubagne.fr/actualites-109/marcel-pagnol-celebre-dans-sa-ville-natale-2243.html?cHash=50a5923217d5e6fe7d35d35f1ce29d72#gallery-id-4994 Anne Barratin : https://www.babelio.com/auteur/Anne-Barratin/302855 Charles Pinot Duclos
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