Avec ce titre aux allures de slogan,
Florence Cestac se rangerait-elle aux côtés des anti mariage pour tous ? Bien au contraire ! Après avoir évoqué sa séparation, sa jeunesse en internat et même sa ménopause, l'autrice publie un nouvel opus autobiographique qui s'attache désormais à ses racines. Elle y démontre que le modèle de famille patriarcale de référence n'est peut-être pas la panacée pour créer des enfants et des adultes bien dans leur peau !
Elle a attendu longtemps pour composer cet album : son père est décédé il y a vingt ans, sa mère depuis dix ans. Était-ce parce qu'elle voulait les ménager ? ménager ses proches ? ou bien parce que malgré les années la blessure était toujours là ? En tout cas, c'est un album très drôle mais aussi très émouvant avec Florence dans le rôle du clown triste qui met du rythme, des dialogues percutants et des gros nez pour créer une distanciation.
Florence avait en effet tout pour être heureuse : un papa, une maman, une soeur et un frère, une existence aisée dans un milieu bourgeois où l'on n'avait pas de soucis matériels. Son enfance s'est d'ailleurs déroulée durant les trente glorieuses et la famille a intégré à plein le concept de société de consommation… Mais son père était un véritable tyran domestique qui rabrouait sa mère, l'humiliait parfois, et ne portait aucune attention à ses enfants (et encore moins à ses filles). D'ailleurs dans l'album, un détail ne trompe pas : Cestac appelle souvent sa mère « maman » et hormis dans le titre jamais son père « papa ». Elle raconte ses manques affectifs, ses souffrances de dyslexique hyper émotive et parle même des attouchements dont son frère et elle furent les victimes mais sans jamais s'appesantir et sans pathos.
L'autrice réalise finalement un très beau portrait d'elle en montrant comment elle s'est construite dans l'opposition faisant tout à l'envers des préceptes paternels : elle a vécu les événements de 68 en tant que militante et même été emprisonnée, n'a pas fait pas le beau mariage pour lequel elle était conditionnée et a choisi au contraire de travailler. Elle n'a pas eu un métier acceptable en allant au beaux-arts et même conçu même un enfant dans le péché ! Elle reparle également de l'aventure Futuropolis et de son parcours d'auteur de bd qui n'acquit jamais de légitimité aux yeux paternels. Au-delà de l'autobiographie, et du titre qui se révèle antiphrastique, l'album pose alors des questions au lecteur sur la famille, la construction de soi et rencontre des échos avec les combats sociétaux d'aujourd'hui (me too, balance ton porc et la cause féministe). Un album bien plus sérieux qu'il n'y paraît !
Je remercie lecteurs.com et les éditions Dargaud de m'avoir offert la possibilité de le lire