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Gros coup de coeur pour le nouveau récit de Sorj Chalandon inspiré d'une histoire vraie .

Après avoir emprisonné les communards, le bagne de Haute Boulogne à Belle-Ile-en-Mer est devenue à partir de 1880 une colonie pénitentiaire pour enfants.
Y échouaient les garçons de 12 à 20 ans , les auteurs de larcins, les enfants errants, les orphelins et ceux dont personne ne voulait .
Les maltraitances sont le lot quotidien des colons que ce soit par les matons , souvent anciens combattants de la Première Guerre , vicieux , brutaux , alcooliques souvent ou les plus grands détenus , les caïds qui terrorisent les autres.
Châtiments corporels , agressions sexuelles, chantages ... Les cachots ou le "grand bal " pour les récalcitrants !

Dans la journée, les enfants travaillent dans un domaine agricole et les revenus sont perçus par le directeur ou sont employés comme apprentis-marins sur un bateau à terre ou dans la corderie.

"Éducation correctionnelle , comme ils disent. Ils veulent nous instruire, nous ramener au bien. Pour nous inculquer le sens de l'honneur ils nous redressent à coups de trique et de talons boueux. Ils nous insultent, ils nous maltraitent , ils nous punissent du cachot, une pièce noire, un placard étroit , une tombe."

Pas moyen de s'évader quand on est sur une île, Les rares qui l'ont tenté sont repris rapidement ou se sont noyés .

En 1934, l'ambiance est tendue et sur un incident qui nous semble si banal, une mutinerie se déclenche et 56 colons se retrouvent hors des murs .
La "chasse à l'enfant" , immortalisé par Jacques Prévert présent lors de cet événement et choqué par ce qui s'est passé , débute.
Chaque évadé repris valant sa pièce de 20 francs , tout le monde , touristes compris , s'improvise chasseur .

55 sont ramenés à Haute Boulogne , en reste un en liberté, jamais repris : Jules Bonneau est ce cinquante sixième. C'est dans sa peau que l'écrivain raconte ce qui pourrait être son histoire ...

Jules Bonneau , 20 ans au moment où commence ce récit est enfermé dans cette colonie depuis 7 ans pour avoir volé 3 oeufs parce qu'il avait faim, délaissé par ses grands parents , paysans mayennais pour qui il avait le même statut qu'un chien et encore...
Dès son arrivée , il est surnommé La Teigne, un enragé, habitué à ne pas baisser les yeux ni à se laisser faire , un enfant qui semble avoir effacé toute émotion, seul le petit Camille Loiseau lui soutire quelques sentiments amicaux et de grand frère .

Difficile , contrairement à Sorj Chalandon , de se mettre dans la tête de ce jeune homme , un écorché vif, où son surnom de la Teigne est toujours à l'affut, prêt à bondir toutes griffes dehors avec une enfance qui n'a jamais connu la tendresse ou l'amour et qui se méfie de toute main tendue .

Sorj Chalandon , en plus de faire connaitre ce lieu aberrant qui a fermé ses portes en 1977 , évoque la dure vie des marins , ici pécheurs de sardines, mais où la solidarité n'est pas un vain mot , la montée du nazisme , la guerre d'Espagne , les communistes et les Croix de feu ...

La présence de Sophie, l'infirmière qui travaille régulièrement au centre est une figure féminine forte, également engagée , elle a toute sa place au milieu de ces visages graves d'enfants martyrisés et ces gueules de marins .

Comment finir une telle histoire, c'est la question que je me suis posée au cours de ma plongée dans cet univers de cruauté adouci par quelques belles personnes , celle proposée par l'auteur apparait évidente.

Encore un témoignage poignant , cette fois-ci en France , sur des maltraitances d'enfants qui n'ont pas eu la chance d'être aimés , à qui personne n'avait tendu la main , enfermés loin des yeux du monde, dans un système éducatif dit de redressement ou de rééducation qui avait pour effet de les casser un peu plus.
"Dormez en paix braves gens , il est minuit et jusque là tout va bien ".
Les mêmes braves gens se regroupant dans la nuit pour attraper la vermine , la mauvaise engeance, les nuisibles pour une pièce de monnaie .

Autant vous dire que j'ai été bouleversée .
Un immense merci aux Éditions Grasset et à NetGalley

#LEnragé #NetGalleyFrance
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Sorj Chalandon en fait la preuve, les faits les plus sinistres peuvent nourrir les plus beaux romans ! J'ignorais que Belle-Île avait abrité un bagne pour enfants. Un lieu effroyable où échouaient les mineurs qui n'entraient pas dans le droit chemin ou même ceux dont on ne savait que faire.

L'horreur des lieux et la rage toujours sur le point d'éclater placent d'entrée ce roman sous tension. J'ai lu presque en apnée le quotidien du jeune Jules Bonneau, alias « la teigne », entre les murs de la colonie, appris à connaître les détenus et à craindre les geôliers, redoutant le drame au détour de chaque page. Puis un jour de 1934, tout dérape et une soixantaine de prisonniers prennent le large – enfin le large, c'est vite dit puisque le bagne se trouve sur une île. Les autorités en sont convaincues, les fuyards n'iront pas loin…

Quelle lecture intense ! Les enjeux de la fuite sont maximaux, les péripéties rocambolesques, le danger omniprésent. le personnage de Jules est irrésistiblement attachant malgré la rage accumulée, la teigne qui sourd en lui. L'auteur a bien fait de ne pas faire de son protagoniste un personnage vulnérable cantonné au statut de victime. Jules est un naufragé de la vie, il a fini par s'approprier la haine qu'on n'a cessé de lui prêter, il la porte rageusement de ses petits poings serrés qu'il montre à qui veut les voir. Évidemment, on espère qu'il finira par parvenir à les desserrer et à s'ouvrir, mais l'image de « la teigne » lui colle à la peau…

Ce qui est fascinant, c'est la manière dont l'évasion de la colonie permet de brosser une fresque humaine à l'orée des années 1930. L'affaire fait la une des journaux et agite l'île entière, poussant chacun à se positionner – faire la chasse à l'enfant pour une pièce d'argent ou entrer en résistance contre un système inhumain. C'est toute la montée des clivages sociaux et politiques de l'époque qui se condense dans cette histoire. La société est à la croisée des chemins et les différentes voies possibles sont incarnées par des personnages inoubliables parmi lesquels Jules tente de se frayer un chemin vers une existence vivable.

Comment ne pas être bouleversée en apprenant que lors de l'évasion de 1934, un prisonnier – un seul ! – ne fut jamais retrouvé ?

Un roman incandescent, captivant et rayonnant d'humanité.
Lien : http://ileauxtresors.blog/20..
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Un magnifique livre de Sorj Chalandon, l'enragé, un roman tendre et effrayant, d'une humanité débordante, dénonçant les humiliations et les souffrances que l'homme fait endurer à ses semblables, en l'occurrence ici à des adolescents .
L'aventure et la vie quotidienne de Jules-et les autres- ses peurs, ses rêves, ses colères, sa force et sa faiblesse, dans la colonie pénitentiaire pour jeunes mineurs de Belle Île en Mer, en France en 1932.
Un roman vif et tempétueux animé par une belle écriture franche et juste, où le courage et la révolte s'unissent contre le mal et l'injustice. Universel non?
Un très beau-très grand-livre qui nous surprend à chaque page jusqu'à la dernière … qui nous surprend encore!!!
A lire vraiment !
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Depuis quelque temps je vois sans arrêt ce livre passer devant mes yeux.
Comme j'adore les écrits de Sorj Chalandon, je me devais de le lire.

Ce n'est pas un enragé, c'est un cri, une fureur, une rage et un combat.

Pendant la lecture de l'ouvrage, Jules Bonneau (le personnage principal du livre) rencontre Jacques Prévert, qui fait un poème de son histoire. Tout y est dit (ou presque).

Je vous laisse déguster chaque mot et…
Bonne lecture !


La Chasse à l'enfant

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Au-dessus de l'île
On voit des oiseaux
Tout autour de l'île
Il y a de l'eau

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Qu'est-ce que c'est que ces hurlements
Bandit ! Voyou ! Voyou ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Il avait dit « J'en ai assez de la maison de redressement »
Et les gardiens, à coup de clefs, lui avaient brisé les dents
Et puis, ils l'avaient laissé étendu sur le ciment

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Maintenant, il s'est sauvé
Et comme une bête traquée
Il galope dans la nuit
Et tous galopent après lui
Les gendarmes, les touristes, les rentiers, les artistes

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Pour chasser l'enfant, pas besoin de permis
Tous les braves gens s'y sont mis
Qui est-ce qui nage dans la nuit ?
Quels sont ces éclairs, ces bruits ?
C'est un enfant qui s'enfuit
On tire sur lui à coups de fusil Bandit !

Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Tous ces messieurs sur le rivage
Sont bredouilles et verts de rage
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Rejoindras-tu le continent ? Rejoindras-tu le continent ?

Au-dessus de l'île
On voit des oiseaux
Tout autour de l'île
Il y a de l'eau

Jacques Prévert
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Belle-Île en Mer… le nom fait rêver. Pourtant, Sorj Chalandon nous livre ici un roman glaçant. En effet, il s'appuie sur une histoire particulière : à la fin du XIXe siècle, le bagne a été transformé en colonie pénitentiaire pour enfants. Bien évidemment, il recevait les petits délinquants mais également les orphelins… bref, tous ceux dont on ne savait que faire.

Je le disais, le récit est glaçant. L'auteur se met à la place d'un des personnages, Jules Bonneau, dit La Teigne, alias l'enragé. Coups, violence, rébellion, évasion… tout un programme !

C'est le deuxième livre que je lis de Sorj Chalandon. Je n'avais pas accroché à "Profession du père", mais ce n'était peut-être pas le bon moment pour le lire. J'avais abandonné au bout d'une cinquantaine de pages. Mais là, j'ai vraiment été emportée dans son tourbillon. L'écriture est âpre, servant avec excellence le récit. Cela me réconcilie avec ce romancier. Je vais certainement tenter de lire ses autres romans.

Un grand merci à Netgalley et aux Éditions Grasset pour cette très belle découverte.
Lien : https://promenadesculturelle..
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16 mai 1927, Jules Bonneau dit la Teigne, 13 ans, est enfermé à la colonie pénitentiaire de Haute-Boulogne à Belle-Île-en-mer. À sept ans, tiraillé par la faim, il avait volé trois oeufs, le début d'un engrenage.
Ses compagnons de bagne s'appellent, Moisan, L'Abeille, Petit Malo, Soudars le Caïd, Brillat L'Andouille, Loiseau surnommé Mademoiselle. Ce sont des oisillons tombés trop tôt du nid, des déchets d'orphelinat, des raclures de l'Assistance publique, des bouches en trop à nourrir, des gamins difficiles dont on se débarrasse comme on abandonne un chien.
Ici, les cogneurs en uniforme, veulent les instruire, ramener au bien cette mauvaise herbe, cette vermine, le pire de l'humanité, avec des insultes, des maltraitances et des coups de triques et de talons.
On ne s'évade pas d'une île même si certains ont tenté le coup. Et pourtant la Teigne et 55 de ses camarades vont profiter d'une émeute pour se faire la belle.

Une fois de plus l'écriture de Sorj Chalandon m'a emporté. Dans ce récit basé sur la mutinerie des enfants emprisonnés dans le bagne de Belle-Île-en-Mer, tous les sentiments se mélangent. La Teigne c'est l'histoire de la violence, les corvées, les punitions, les corrections, la crasse, la faim ; l'histoire de ceux qui tombent malades ou deviennent fous, des matons qui visitent les petits dans leur lit. Des enfants loués aux fermes alentours au bénéfice de la colonie qui touche leurs salaires. Sorj Chalandon nous entraine dans une effroyable battue, où matons, habitants de l'île et touristes espèrent percevoir la prime de 20 francs or pour chaque évadé capturé. Comme si ces enfants étaient des nuisibles. Une battue immortalisée par le poème de Jacques Prévert « Chasse à l'enfant ».
Et quand La Teigne redevient Jules Bonneau, Sorj Chalandon nous raconte la vie d'un port de pêche, la difficulté de survivre, les secrets de famille, les forts caractères qui parfois s'opposent mais la solidarité sans faille des marins.
Ce récit est ancré dans l'Histoire ; la guerre civile espagnole, la montée du nazisme et des croix-de-feu en France.
Un roman où le pire côtoie le meilleur. Les personnages secondaires sont saisissants de vérité : Ronan, le patron de pêche et sa femme Sophie et Camille Loiseau.
Sorj Chalandon trouve les mots justes qui percutent ou nuancent, une écriture sensible faite de courtes phrases, une plongée dans l'âme humaine, dans ce qu'elle a de plus noble et aussi de plus sombre. Vous l'aurez compris ce roman est un gros coup de coeur, j'espère que les fées des prix littéraires se poseront sur « l'enragé » il le mérite vraiment.
Merci aux éditions Grasset de leur confiance.
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Sorj CHALANDON prend la plume pour nous parler d'un pan de l'Histoire de France peu reluisant : les bagnes pour enfants. Cela m'a ramené à une autre de mes lectures, L'appel de la guerre, ou l'autrice (Manon PIGNOT )parle des enfants soldats de la première guerre mondiale mais aussi de la recrudescence de la délinquance juvénile après la guerre. Une des « solutions» à cette délinquance a été l'ouverture de lieux où les enfants étaient placés. Qu'ils soient orphelins, voleurs de pains affamés, petites frappes tentant de survivre, pas de disctinction, ce sont les mômes à redresser pour en faire de bons français.

Sorj CHALANDON pousse les portes de la colonie pénitentiaire pour mineurs de Belle-Île-en-Mer et nous laisse entrevoir l'horreur et l'inhumanité de ce qu'on subit ces enfants. Des enfants qui n'en ont que le nom. Jetés en pâture à des matons le plus souvent cruels, la plupart n'ont jamais connu que la loi du talion et celle du plus fort. Recevant des coups, de la souffrance, de l'humiliation, sans jamais connaître d'amour de respect ou même de reconnaissance de leur statut d'être humain. Traités comme des esclaves ils sont contraints d'abandonner toute humanité pour tenter de survivre. Leur vrai crime est leur existence même. On n'a pas besoin de gosses des rues, de pauvres.

Quand enfin la révolte gronde un petit groupe s'échappe mais un seul restera libre, les autres seront rattrapés par les braves gens. Cette société bien comme il faut, fière d'avoir livrer des gosses contre 20 francs. Bouffie d'orgueil d'avoir accompli son devoir en renvoyant des mioches en enfer. Mais un seul leur a échappé : Jules Bonneau dit La Teigne. Saisissant les rares mains tendues, Jules est tiraillé entre sa nature profonde et celle créée par des années de bagne qui a révélé la part la plus sombre de lui même : La Teigne, un être taillé pour la survie, rempli de haine et dénué d'empathie. L'auteur a construit finement ce personnage. Un gosse meurtri qui voudrait vivre comme monsieur tou le monde, qui essaie, qui lutte constamment contre lui même.

Si j'ai aimé cette dénonciation de cette partie de l'Histoire de France que certains seraient tentés de cacher sous le tapis, je suis tout de même restée un peu sur le quai. J'ai eu du mal à avoir de l'empathie pour Jules qui ne m'a pas touchée autant que je m'y serais attendue. J'ai eu l'impression d'un monde très manichéen ou les gentils et les méchants le sont à l'excès. Je m'étais attendue à plus de nuance, de subtilité de la part de cet auteur dont j'ai tant entendu parlé. Il en va de même pour les communistes et les fachistes qui ont tout de l'image d'épinal. Les personnages sont tous d'une seule pièce, rendant leurs réactions prévisibles et parfois peu crédibles.

Toutefois j'ai passé un bon moment de lecture avec ce livre qui se lit tout seul. La plume est particulièrement fluide et il y a aussi des moments de grâce. Mais je reste sur cette impression d'avoir commandé un expresso avec un carré de chocolat noir et d'avoir eu un allongé avec du chocolat au lait.
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Certains romans de Sorj Chalandon nous restent à jamais en mémoire, « Le jour d'avant », sur la catastrophe de Liévin, « Le quatrième mur », sur une pièce de théâtre en 1982 au Liban avec des acteurs de confessions différentes, interrompue par la guerre.
Celui-ci s'ajoutera à la liste.

Depuis le 19è siècle, des « colonies pénitentiaires » d'enfants existent en France, sorte de maisons de redressement pour des jeunes délinquants mais aussi des orphelins.
Cellle de Belle-Ile est l'un des plus connues et la mutinerie de 1934 est restée dans les annales.
Cet « enragé », c'est Jules Bonneau, un jeune garçon qui n'a pas eu de modèle parental ni d'éducation et qui, en intégrant ce « bagne », va encore plus se révolter contre la société.
Car l'éducation et le redressement promis dans ces maisons sont en réalité des privations, des humiliations, de la violence et de la maltraitance.
Le premier tiers du récit est difficilement soutenable, et il faudra attendre la mutinerie pour que quelques lueurs d'espoir apparaissent, notamment dans la personne d'un « Jean Valjean »...

Pour écrire ce livre, Chalandon s'est servi d'un abondante documentation, sur ces colonies, mais aussi sur le contexte historique.
En Espagne c'est la guerre civile, en France le Front populaire, et chez ces marins bretons, il y a de nombreux révoltés !
Mais cette rage qui anime son héros est aussi la sienne.
Victime de violences et d'humiliations dans son enfance (il l'a raconté dans d'autres livres), il fait sienne cette rage face à la vie.
Aujourd'hui journaliste et écrivain, il se sert de sa plume pour combattre les injustices et les violences et ce livre est un récit historique mais aussi personnel sur l'enfance meurtrie et sur la violence du monde.
Et si je devais mettre un bémol sur ce livre (4 étoiles au lieu de 5), ce serait peut-être un trop-plein de documentation et de thématiques au détriment du personnage principal.

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Je me répète et persiste à dire que Chalandon est le meilleur auteur contemporain français. Une sensibilité à fleur de peau qui ne peut qu'émouvoir la lectrice que je suis. D'autant que cette histoire me parle sur de nombreux points. Je choisis de ne révéler que le fait est qu'il se passe dans mon département de naissance. Même ma ville native est écrite. Voici la biographie de Jules Bonnot surnommé La Teigne qui fera parti des 56 évadés du "bagne". Seulement comment prendre le large quand ce centre est sur une île ? L'auteur a retransmis avec justesse le sort de ses enfants abandonnés ou placés que la populace regarde d'un sale oeil. Ces pauvres minots sont tous catalogués comme des lépreux, voleurs, violeurs, etc. Populace prête à les dénoncer contre rançon. Jules sera le seul à ne pas être repris car hébergé par un pêcheur et sa femme. Il y apprendra les vrais valeurs mais difficile pour lui d'oublier les tortures et sévices subis dans cet établissement géré par l'état. La rencontre avec le grand poète me restera inoubliable. J'ai envie de décrire tous les sujets abordés. Mais non ! Faut laisser la découverte aux autres lecteurs. En tout cas une grande claque pour moi. Merci à vous Monsieur Chalandon de toujours nous surprendre.

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Dans les années trente, la colonie pénitentiaire de Belle-Île était chargée de “redresser” leurs comportements par des insultes, brimades, vexations, humiliations, punitions, coups.. qui ne pouvaient qu'exacerber leur rage.
Eux, ils étaient sans famille, vagabonds ou petits voleurs de pain, d'oeufs ou de poules.
Il fallait les extraire de la société car on leur reprochait de pouvoir un jour être nuisibles.
Jules Bonneau était l'un d'eux, orphelin à cinq ans, il luttera contre “la teigne” en lui : “Avec un nom comme ça tu ne pouvais que mal tourner !”

Sorj Chalandon n'en fait pas un héros, les traces d'enragement sont dans son corps et dans sa mentalité et quand il se retrouve seul dans la maison de celui qui lui a porté secours, il cherche ce qu'il peut lui voler !

Voilà le cadre posé et je me dois de ne pas trop en dire. J'avais entendu des commentaires qui parlaient des conditions affreuses de la colonie pénitentiaire, mais le roman est bien plus que cela.
Il développe une fiction aux personnages attachants, qui pourrait devenir un scénario.

Et pourtant, il y a encore de l'autobiographie dans ce roman, puisqu'en interview, l'auteur nous livre qu'il a été un enfant battu, menacé de la maison de redressement ou de correction par son père.
Chalandon est un journaliste et il ne peut inventer entièrement, aussi son récit s'inscrit-il dans un cadre “vrai”. le centre d'Éducation Surveillée de Belle-Île sera fermé en 1977; les gardiens bouffis d'alcool étaient aussi des héros de la guerre 14-18 ; 56 gamins s'échappèrent le 26 août 1934 après une rébellion, 55 furent retrouvés après une chasse aux enfants… (je ne divulgache pas, la quatrième de couverture vous le dit)... Prévert était présent et en fera un poème (voir citation).

Bon sang que ce livre ébranle !
Il bouleverse d'autant plus que l'on apprend en quoi la propre histoire du romancier est à l'origine de ”l'enragé” !
Je conseille à cet effet de regarder l'interview sur Youtube, faite à la librairie Mollat à Bordeaux, qui ajoute une force dramatique à ce roman, même s'il n'en avait pas besoin.

J'ai pris un énorme coup de poing à la lecture de cette histoire investie, transcendée par une écriture vive.

Pourquoi diable ce livre n'était-il pas dans la sélection des 15 goncourables ?
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