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EAN : 9791095772651
320 pages
Anamosa (04/04/2019)
4.07/5   7 notes
Résumé :
Christian Sarton du Jonchay, Ernest Wrentmore, Marina Yurlova, Rudolf Höss, Jack Cornwell… Ces jeunes français, américain, russe, allemand ou anglais sont nés entre 1899 et 1904 ; ce sont des combattants juvéniles, dont l’historienne Manon Pignot est allée chercher la trace dans les archives d’Europe et d’Amérique du Nord. Bien souvent camouflés, du fait du caractère illicite de leur engagement au sein des armées régulières, trouver ces « ado-combattants » relève d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Je suis reconnaissant à mon amie Doriane, Yaena sur Babelio, pour la découverte de cet ouvrage qui analyse un phénomène, les enfants et adolescents au front lors de la première boucherie mondiale, qui comme elle note très correctement "est peu abordé dans les livres d'Histoire". On peut d'ailleurs se poser la question : pourquoi ? Comme si ce n'est pas assez terrible de voir des galopins de 13 à 17 ans en uniforme muni d'un fusil à baïonnette au lieu de jouer paisiblement aux billes. D'autant plus que ces combattants juvéniles ont été très nombreux. Pour une guerre qu'au fond personne ne voulait.

Heureusement que nous avons Manon Pignot, maître de conférences en histoire contemporaine à l'université de Picardie Jules Verne à Amiens, (si elle n'a pas été promue récemment), pour se spécialiser dans ce sujet complexe. Et avec succès, puisque invitée à l'étranger à titre d'experte, comme ce fut le cas pour la conférence de Francfort en Allemagne sur la place des enfants dans la Première guerre mondiale, en 2014. Elle n'avait que 36 ans et avait déjà publié 4 ouvrages remarquables : "La guerre des crayons" en 2004, "L'enfant-soldat : XIXe-XXIe siècle" en 2012 et la même année "Allons enfants de la patrie" et "Paris dans la grande guerre" en 2014.
Comme quoi une grande intelligence et une grande beauté peuvent aller parfaitement ensemble.

La jeune scientifique, Manon Pignot, a bien sûr entièrement raison, lorsqu'elle note que "l'enjeu n'est pas d'arriver à de véritables données chiffrées - entreprise totalement illusoire compte tenu des modalités d'engagement largement clandestines". (page 35). Elle ajoute que les "ado-combattants" ont vraisemblablement représenté moins de 1 % des effectifs. Elle cite pourtant le chiffre des "underage soldiers" du corps expéditionnaire canadien à 16.300, ce qui n'est quand-même pas peu !

Les mobiles de l'enfant et/ou adolescent qui se porte volontaire sont essentiellement un patriotisme exacerbé et la vengeance ou la haine de l'ennemi. Il convient de signaler que la presse et la littérature de jeunesse ont sérieusement participé à cette mobilisation. Armand Vincent, dans son témoignage "L'itinéraire difficile" se rappelle : "Je me sentais tout vibrant de patriotisme, prêt à reprendre l'Alsace et la Lorraine..." Il avait 15 ans.

Un aspect important couvert par cet ouvrage a trait à l'augmentation de la délinquance juvénile. Selon l'auteure, elle ne démarre vraiment qu'en 1915, c-à-d un an après le début des hostilités. Elle avance comme explications majeures : l'absence, dans beaucoup de familles, du père parti au front ; la perturbation du système scolaire et le manque de travail. Facteurs qui font que les jeunes, en l'absence de surveillance, sont confrontés à l'oisiveté.
Les 2 principaux délits des jeunes sont le vol et le vagabondage.

Le vol doit, bien entendu, être situé dans un contexte de pénurie grandissante et la détérioration des conditions socio-économiques des familles. Un phénomène commun à tous les pays en guerre. En Allemagne des cas rares de bandes de 30 à 50 garçons, certains pas plus âgés que 12 ans, s'attaquaient aux trains de marchandises dans les gares ferroviaires.

Le vagabondage est une délinquance spécifique de guerre : les départs "souvent improvisés" vers la zone des combats. Par esprit d'aventure et par patriotisme, des galopins se mettent à suivre les troupes de passage. Ce fut notamment le cas de 4 gamins de Bourges, âgés 13/14 ans, arrêtés 250 kilomètres plus loin, à Saint-Ouen, pour vagabondage et remit par un juge au service de rapatriements. Les journaux russes rapportent des fugues de jeunes sur des distances à peine croyables.

La prostitution des jeunes filles et le racolage des jeunes garçons auprès des soldats inquiètent les autorités et se manifestent un peu partout. le juge allemand Albert Hellwig (1880-1950), dans un ouvrage déjà publié en 1916 relatif à la guerre et la criminalité juvénile, considère que "la prostitution précoce est le premier type de délinquance dont l'augmentation est provoquée par la guerre".

L'ouvrage compte de très nombreuses photos. Ce qui n'est pas dû au hasard, comme l'explique Manon Pignot. Pour brosser un portrait aussi précis que possible de ces ado-combattants les photographies sont essentielles : "elles permettent d'identifier des individus et, si par chance un nom les accompagne, de retracer des parcours".

Il s'agit d'un ouvrage important sur un sujet complexe et difficile par une historienne qui a épluché un nombre gigantesque de documents, tant des fonds d'archives que des sources imprimées (pédagogiques, médicales et judiciaires) et des sources secondaires, telles les biographies, témoignages et la littérature. le livre de Manon Pignot est également exceptionnellement riche et couvre, en l'espace de 319 pages, des éléments surprenants de cette question des combattants juvéniles de la Grande Guerre. Il en résulte que son ouvrage requiert de la part des lectrices et lecteurs une certaine dose de concentration.

En août 1914, le jeune Alfie Knight écrivait au ministre de la guerre britannique, lord Kitchener (1850-1916), : "Je suis un garçon irlandais de 9 ans et je veux aller au front. Je sais rouler vite sur mon vélo et je pourrais partir en tant qu'estafette.... Je suis un bon tireur avec un revolver et je tuerais un bon nombre d'Allemands...." La réponse fût bien sûr : "Lord Kitchener me demande de vous remercier...mais il craint que vous ne soyez pas assez vieux pour aller au front en tant qu'estafette. Cordialement, H.J. Creedy, secrétaire particulier ". (page 83).
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Le thème des enfants soldats durant la première guerre mondiale est peu abordé dans les livres d'Histoire. Les informations sur le sujet sont éparses. Dans L'appel de la guerre, des adolescents au combat 1914-1918 Manon Pignot a recoupé toutes ces informations les a étudié et les a structuré afin d'en faire un ouvrage à la fois sociologique et historique. J'imagine que le travail de recherche a dû être titanesque. le sujet est abordé sous différents angles et décortiqué de manière quasi chirurgicale. L'auteur va même jusqu'à proposer des pistes supplémentaires d'approfondissement à la fin de l'ouvrage. Pistes qu'elle n'a pu explorer elle même faute de matière mais sur lesquelles elle s'interroge.

Pour commencer Manon Pignot replace les choses dans leur contexte historique, l'ambiance d'alors baignant dans un patriotisme exacerbé relayé auprès des enfants par la littérature jeunesse et les histoires racontées par les combattants. Sans oublier la recrudescence de la délinquance juvénile qui a (solution de facilité) était imputée à la faiblesse des femmes qui n'avaient, soit disant, pas assez de poigne pour élever seules des enfants dont les pères étaient partis à la guerre. Théorie réfutée par l'auteur (quand même! depuis cette histoire de péché originelle on a un peu tendance à tout mettre sur le dos de la gente féminine...) qui rappelle que le vagabondage et le vol en tant de guerre ont une fâcheuse tendance à augmenter. Elle étudie ensuite comment ces enfants ont réussi à aller combattre au front alors même que certains n'avaient que 14 ans voire 12 pour les plus jeunes. Évidemment sans une certaine complicité du système et de l'armé cela eut été impossible. Même si aujourd'hui cela nous parait invraisemblable à l'époque le contexte et la situation permettent d'expliquer (et non pas de justifier ou d'excuser) cet état de fait. L'objectif de l'auteur est de nous permettre de comprendre pourquoi ces enfants avaient un tel désir de combattre. Au delà du patriotisme qui les animait il ne faut pas oublier que certains étaient simplement sans le sous et que d'autres étaient orphelins et que l'armée leur offrait le couvert et une famille de substitution.
L'auteur nous explique également que pour certains la guerre fut une sorte de rite initiatique marquant le passage à l'age adulte. L'épreuve du feu fut une épreuve déterminante pour ces enfants de la même manière qu'elle le fut pour tous les poilus. Car ces enfants n'étaient pas des ersatz de soldats mais bien des combattants à part entière qui ont tué, blessé, ont été blessés ou sont morts au champs d'honneur ,pour certains dans l'anonymat le plus total puisque pour s'engager ils avaient menti sur leur identité. Quand on sait les dégâts causés par la guerre sur la santé mentale d'hommes adultes on imagine sans peine que l'impact a dû être terrible sur la santé mentale de ces adolescents en pleine construction.

Tant qu'à aborder les sujets qui fâchent Manon Pignot va jusqu'au bout et nous parle de la sexualité de ces enfants jetés trop tôt dans un univers très masculin et violent. Homosexualité, hétérosexualité, rapports consentis, viols, rapports sexuels entre femmes adultes et adolescents prépubères, l'auteur aborde ces sujets tabous sans détours. Elle consacre également une partie de son ouvrage aux jeunes filles elles aussi adolescentes qui ont combattu. Un phénomène très peu connus et peu abordé quand on parle de la Première Guerre Mondiale. J'ai ainsi découvert qu'il existait des bataillons exclusivement féminins.

Sans juger l'auteur tente de comprendre quels sont les mécanismes qui ont poussés ces gosses sur les champs de bataille et ce quelle que soit leur nationalité (français, allemands, russes...). Elle étudie, décortique, analyse avec minutie et le résultat n'est absolument pas barbant ou rébarbatif mais très agréable à lire. D'autant que le livre est agrémenté d'extraits de lettres de ces «combattants juvéniles» ou d'extraits de leurs biographies ce qui donne une dimension plus humaine à cette étude historique. J'ai d'ailleurs noté quelques titres de livres intéressant notamment sur la vie de Marina Yurlova.

Je remercie beaucoup Babelio pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une masse critique car ce fut une belle découverte très instructive.
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Un travail universitaire sur un sujet mal connu: "l'engagement" d'adolescents non mobilisables devenus combattants malgré leur (très) jeune âge. L'auteur le traite avec rigueur. Si on comprend que le propos de l'historien doit rester neutre, un minimum de sentiment aurait été cependant bienvenu. On peut regretter également le nombre restreint de jeunes garçons et filles cités, nécessité pour le plan de l'étude mais frustrant pour qui veut en savoir plus. Malgré tout, intéressant car ouvrant un pan oublié de la Grande Guerre.Ouvrage des éditions Anamosa, reçu dans le cadre de la Masse Critique
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Tout d abord il s agit d un tres bel objet. Un livre qui s ouvre comme un "coffret" avec un papier epais et une multitude de photographies. Ensuite un contenu intrigant :les ados combattants. l'auteur, à travers un travail de recherche incroyable nous explique les motivations de ces jeunes qui ont fait le choix d une part active dans cette guerre (leurs motivations, leurs envies,...) pour ma part j ai découvert une partie de cette guerre que je ne connaissais pas, dont on parle peu voir jamais. Un travail d enquete dans les archives pour mettre le doigt sur un fait historique peu connu. Passionnant
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Le sujet est intéressant, il est dommage que cette publication ait conservée son aspect universitaire, elle manque "d'humanité". Cependant, elle reste informative.
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critiques presse (2)
Liberation
11 juillet 2019
Retracer une telle histoire était évidemment délicat : peu d’archives, des souvenirs reconstruits après coup, des exemples magnifiés par la mythologie combattante. Mais Manon Pignot a tenu bon, reconstitué une soixantaine d’itinéraires de ces «ados-combattants» et tenté d’éclairer leurs parcours.
Lire la critique sur le site : Liberation
LeMonde
27 juin 2019
A partir de mémoires de guerre et de photographies, l’historienne Manon Pignot interroge, dans L’Appel de la guerre, l’engagement d’adolescents en 14-18, angle mort de l’historiographie.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Loin d'être de simples caisses de résonance pour les directives gouvernementales, la presse et la littérature jeunesse participent délibérément à cette entreprise de mobilisation des esprits, considérée comme le pendant civil et moral de la mobilisation des combattants.
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Videos de Manon Pignot (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Manon Pignot
Avec Eric Alary, Manon Pignot, Régine Sirota, Florent Georgesco
A l'occasion de la publication des ouvrages : Éric Alary, Histoire des enfants. Des années 1890 à nos jours (Passés Composés); Manon Pignot, L'Appel de la guerre. Des adolescents au combat, 1914-1918 (Anamosa) ; Régine Sirota, Inégalités culturelles : retour en enfance (Coédition Les Presses Sciences Po/Ministère de la Culture)
Comment les évolutions de la société française ont-elles façonné la figure de l'enfant, telle que nous la connaissons aujourd'hui ? Par quels processus les enfants ont-ils commencé à exister pour eux-mêmes, voire, de plus en plus, par eux-mêmes, comme une catégorie neuve au sein de la société ? L'Histoire des enfants (Éditions Passés Composés) d'Éric Alary, les livres de Manon Pignot sur les enfants dans la Grande Guerre, de la Guerre des crayons à L'Appel de la guerre (Éditions Anamosa), et les études sociologiques de Régine Sirota, qui a dirigé le classique Éléments pour une sociologie de l'enfance (Presses universitaires de Rennes), représentent des étapes importantes dans la prise de conscience de la place unique et mouvante qu'occupent les enfants dans nos sociétés depuis la fin du XIXe siècle. L'enfance constitue un objet difficile à saisir pour l'historien, confronté à des archives rares, témoignages souvent indirects de l'expérience enfantine, comme pour le sociologue, pour qui elle était encore, il n'y a pas si longtemps, une terra incognita. Nous raconterons la manière dont les chercheurs s'en sont progressivement emparé, tout en récapitulant avec les trois auteurs les apports essentiels de ces travaux pionniers.
Florent Georgesco
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