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4,15

sur 1720 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Mon premier roman de Sorj Chalandon. Une révélation. le style percutant et poétique de l'auteur m'a donné envie de découvrir toutes ses oeuvres (ce que j'ai fait avec délectation) et je n'ai jamais oublié ni ce moment, ni cette histoire. La violence subie, les illusions, les mystères autour du père, les "missions" d'agent secret...
Une claque qui fait du bien.
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L'histoire d'une admiration sans borne d'un fils à son père. Mais surtout l'histoire d'une violence physique et psychologique d'un homme envers sa famille, un homme fou, paranoïaque, raciste dont la raison a foutu le camp pour ne laisser place qu'à un esprit autoritaire et dénué de bon sens. Sorj Chalandon inspiré de sa propre enfance décrit, parfois, avec un humour décalé les sévices auquel il a été confronté et c'est là toute la force du roman, puisqu'à sa lecture on est assailli par différentes émotions; l'effarement, le rire, la peur mais aussi l'accablement.

Dans les années 60, André Choulans a tout fait dans sa vie: conseiller de Charles de Gaulle, footballeur, agent secret, prof de judo... Entrainant son fils, Emile, dans ses mensonges, il le manipule sans scrupules jusqu'à lui demander de participer à la l'Organisation de l'Armée Secrète (OAS) qui défend la présence française en Algérie suite à une intervention télévisuelle du président. Emile, narrateur d'une sensibilité et naïveté déconcertante est missionné par son père afin d'écrire sur les murs de la ville le sigle OAS. Comment ne pas croire son propre père? Figure paternel absolu, sacré et garant de la morale familiale? Ce jeune garçon sous influence est manipulé par les mots et surtout par les actes.

Au fil des pages, on découvre un homme violent qui réveille son fils en pleine nuit afin de façonner son corps au prix d'exercices physiques intenses, qui dès que les mauvais bulletins de notes arrivent déclenche la fureur, la violence et l'humiliation. Emile subit la tyrannie, le mépris et reproduit le même schéma envers un camarade de classe en l'entraînant dans la mythomanie paternel. Dans un dommage collatéral, ce fils va va s'enliser dans ses mensonges découvrant avec eux, ceux de son père jusqu'au point de non retour.

Dans l'ombre, un autre personnage subit également l'emprise de cet homme: sa femme. Cette femme, passive, soumise, est presque aussi coupable que lui par son inaction qui enrichit la parole de son mari par le silence. Protectrice inerte de son fils, elle représente la femme et la mère docile par excellence.

Par un style propre, le roman est d'abord porté par la voix d'un enfant, d'un adolescent puis d'un homme. le regard enfantin dédramatise et donne une touche de candeur et d'humour au texte qui par la suite, reste sur le fil du rasoir où l'on pressent une chute d'une intense brutalité. Il s'agit d'un roman vif, dense et tumultueux qui nous entraîne dans un tourbillon sombre où on se demande comment la manipulation a pu aller aussi loin. Pour adoucir ce roman intelligent qui ne tombe jamais dans le pathos, je vous suggère une madeleine nature pour l'enfance et le chocolat à la cannelle pour le côté épicé des saveurs.
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Tous les ans, au moment de la rentrée des classes, Emile doit remplir une feuille en indiquant notamment la profession du père.
Mais voilà, il ne sait pas quoi répondre à cette question et ses parents sont plutôt évasifs sur le sujet. Mais un jour, sur le ton de la confidence, son père lui explique qu'il est espion. Déçu par les décisions prises sur le statut de l'Algérie, il a décidé d'assassiner le Général de Gaulle. Il monte son équipe et demande à son fils de l'aider.
Nous sommes à la fin des années 50, dans une famille repliée sur elle-même, sans amis, sans connaissances, sans visiteurs, même les autres membres de la famille ont été écartés.
Ce père, autoritaire, au comportement parfois hystérique, suscite l'admiration de son fils et la résignation de sa femme.
Devenu adulte, Emile comprendra ce qu'il a toujours pressenti : son père est atteint d'un délire psychotique et sa mère d'un déni incommensurable, laissant les brimades s'accumuler, écartant un jour son fils de sa vie, restant prisonnière de ce couple car « elle ne veut pas d'ennuis ».
Le tour de force de ce roman est de présenter l'enfance de Emile, narrateur, comme normale puisqu'elle est vue à travers ses yeux. Puis en grandissant, sa capacité d'analyse se développe et le lecteur comprend très vite que sa perplexité est légitime.
Beaucoup de souffrance racontée sans pathos, sans jugement si ce n'est celui de la mère, l'auteur parvient même à faire de l'humour. C'est glaçant
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Emile Choulans exerce la profession de restaurateur de tableaux. Il nettoie, répare et rénove des peintures anciennes en veillant à conserver l’intention première de l‘auteur. Un samedi matin, il accompagne sa mère au crématorium. Son père repose au centre d'une salle grise dans un cercueil modeste, une simple caisse destinée à être incinérée. Personne d’autre n’est venu rendre un dernier hommage au défunt. Ce deuil va être l'occasion pour Choulans d'entamer un examen rétrospectif. Il va faire le récit de son enfance avec pudeur et minutie. Il va dessiner les portraits d’un père d’une mère peu ordinaires, peindre une époque, une atmosphère et une intimité familiale fermée sur elle-même dans leur justesse pour les rendre compréhensibles.

Son père n’a jamais travaillé. Il passait ses journées à mystifier son entourage, à s'inventer des destins : héros de la Seconde Guerre mondiale, ancien compagnon de la chanson, pasteur évangélique, agent des services secrets, membre de l’OAS, conseiller officieux d’hommes d’Etat, etc. La famille ne reçoit jamais personne, ni amis, ni famille, et ne rend jamais de visite. C’est une vie de français modestes, en huis-clos, basée sur le mensonge et la soumission. L’auteur compare cette famille à une secte minuscule. Seule l’actualité politique et internationale influe sur le cours de ces existences. Le père exerce une forte emprise sur son épouse, femme passive et soumise, et sur son fils. Il sait se faire craindre. Les brimades sont nombreuses, qu’elles soient physiques ou psychologiques. Le père entraine son fils dans les voies du mensonge, dans le prestige d’une vie imaginaire, tant et si bien que ce dernier parviendra à manipuler un camarade de classe en l’introduisant dans ces mirages familiaux. La mère subit et ne contrarie jamais son époux, elle est à la fois victime et complice, incapable d’exprimer une quelconque empathie pour son fils. Il n’y a aucune tendresse dans cette famille, on ne s’embrasse pas. Le narrateur est coincé entre la tyrannie de son père et la froideur de sa mère.

La force de ce récit tient dans ce que le narrateur ne fait à aucun moment le procès de ses parents. Tout est rendu avec justesse, les faits sont là, terribles, mais ils sont restitués sans haine. Il a patienté plusieurs années pour dresser un tableau dépassionné de ce passé douloureux, pour tenter de comprendre. Comprendre pour se sauver. Personne n’est condamné mais il est important de dire, de crever l’abcès des mensonges, comme lors de ce face à face avec les médecins. Un roman poignant, au ton très juste.
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Ce livre , qui débute par l'enterrement du père du narrateur, nous transporte en grande partie au début des années 60 dans une famille où le père, violent, crée un monde "parallèle" dans lequel il plonge son fils et accessoirement sa femme. Ce père a tout fait , tout vu, est copain avec De Gaulle tout en étant un des membres incontournables de l'OAS. le sort du monde en serait presque suspendu à ces actes.
La force du livre est la relation d'amour liant ce père et son fils, relation qui extérieurement apparait comme impossible . Pourtant, à sa façon , le narrateur n'abandonnera jamais ses parents, pas plus son père fou que sa mère soumise.
Le tout est extrêmement bien écrit et captive le lecteur dans cette histoire "revisitée" en livrant peu à peu les secrets de cette famille
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Lecteur vous allez être sous le choc d'un enfant confronté à la violence physique et surtout psychologique de son père, à l'incompréhension, l'effacement de sa mère. Un livre difficile j'ai même failli arrêter au milieu de la lecture, et bien il ne faut pas car tout le roman prend son ampleur à la fin, même si c'est difficile il faut poursuivre.
Le livre débute à la mort du père, Emile accompagne sa mère au crématorium et se replonge dans son enfance
Rentrée scolaire comme tous les ans il faut remplir la case profession du père que répondre, Agent secret ? Parachutiste ? Professeur de judo ?...Emile ne sait jamais quoi répondre.
Émile a 12 ans, son père l'embarque dans un « jeu » particulier, ils sont « membres de l'OAS » et ils ont diverses missions à accomplir, le problème c'est qu'il entraînera un de ses camarades de classe.
L'auteur ne juge pas, il dévoile intimement la manipulation, la maltraitance physique et morale, un roman fort, dérangeant, révoltant.
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De l'Irlande au Liban, les livres de Sorj Chalandon évoquent le plus souvent des conflits et combats fratricides. A priori, Profession du père se situe sur un autre registre mais en vérité il y est aussi question de guerre : psychologique celle-ci et d'autant plus terrible qu'elle concerne l'ascendant d'un père sur son fils, l'histoire d'une énorme série de mensonges qui ont duré des années avec toute la monstrueuse perversité qu'elle suppose. L'écrivain ne cache pas dans ses interviews la part autobiographique de ce récit et la nécessité d'écrire enfin pour exorciser cette période de sa vie, mais seulement après la mort du géniteur : "C'était important pour moi qu'il ne puisse pas le lire pour que je me sente absolument libre." le livre est très ancré dans le début des années 60 alors que De Gaulle apparaît comme un traître aux yeux des partisans de l'Algérie française. Ce qui est fort dans le livre est la façon dont Chalandon décrit cette manipulation par un tyran domestique d'un garçon de 12/13 ans, avec une écriture à hauteur d'enfant, oscillant entre la comédie d'aventures (c'est excitant de jouer à l'agent secret) et le drame (la violence physique et mentale). le personnage de la mère, ambigu, à la fois soumise, complice et victime d'un mari paranoïaque, est très marquant. Son attitude après la mort de ce dernier permet au livre de se terminer sur une note presque absurde, drôle en tous cas, quoique terrible également. C'est cette ambivalence qui fait la valeur de ce roman (et le fait respirer) avec aussi la constatation que d'une enfance blessée et martyrisée, on peut se relever et construire sa propre existence avec une attention d'autant plus aigüe envers les autres et une sensibilité exacerbée.
Lien : http://cin-phile-m-----tait-..
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Sorj Chalandon n'est pas connu pour la légèreté des sujets qu'il aborde, même si son écriture s'avère toujours d'une pudeur remarquable. Et dans la gravité, on atteint ici des profondeurs assez terrifiantes, avec l'histoire de cet enfant, Emile Choulans, trop peu aimé de ses parents, et emporté dans les délires de son père violent qui dérive vers une dangereuse mythomanie.

Le récit de cette soirée de Noël 1962 (si mes souvenirs sont exacts quant à la date) me restera longtemps en tête par sa tristesse insondable. Et pourtant, Chalandon ne creuse pas le sillon du pathos, ce qui rend cette histoire tout à fait supportable, et encore une fois pudique - malgré le fait qu'elle soit largement inspiré de l'enfance de l'auteur. On ne plaint pas le petit Choulans, on grandit avec lui, on comprend qui il va devenir et pourquoi, et surtout, même si notre enfance a été bien plus heureuse que la sienne, on se reconnaît en lui.

C'est là toute la puissance de la littérature, que de nous faire vivre toutes les vies que nous n'avons pas vécues et ne vivrons jamais, et la force d'un écrivain décidément très talentueux.
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Après "Les loyautés" de De Vigan, quel meilleur choix que ce Chalandon?

En effet, je quitte la vie glauque et triste de Théo pour retrouver celle d'Emile, gamin de 13 ans confronté aux élucubrations et à la violence de son père.

L'écriture est magnifique, tout en pudeur pour raconter le quotidien (horrible) de ce huis-clos en famille (le père, la mère et l'enfant). Chalandon parvient magnifiquement (ou horriblement), en donnant la parole à Emile, à nous faire vivre le quotidien de ce père qui fabule et à qui son fils voue une admiration sans borne.

L'on perçoit, sans effort, cette chape de plomb que le père fait peser sur la maison et sur les siens, les coupant du monde extérieur et les entraînant, de manière pernicieuse, dans sa folie.

Un thème interpellant et une splendide écriture font de ce livre un Grand livre.

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Ce livre c'est une paire de claque retentissante que j'ai pris en plein visage, j'ai ressenti d'autres coups encore et encore, des coups terribles comme ceux que recevaient le petit Emile dit « Picasso » et sa mère Denise.
Des coups assénés par André Choulans, (Choulans/Chalandon, même racine qui en dit long ) un homme, un père, un époux violent, furieux, affabulateur mythomane, des punitions infligées sans aucune mesure avec les fautes supposées.
Un petit garçon pris comme otage d'une folie destructrice, qui quelque fois a conscience de se faire bassement manipulé, mais qui, par amour filial, acquiesce aux mensonges du père et n'y veut voir que vérité parce que celle-ci s'accompagne souvent d'aventures extraordinaires où Emile entend jouer un rôle important, et pourquoi pas, celui du héros pour se valoriser, enfin, aux yeux paternels.
L'incipit du roman démarre par un enterrement, celui du père le 23 avril 2011. Seuls le fils et la mère assistent à l'incinération. Puis, par le jeu de l'analepse, nous nous retrouvons cinquante ans en arrière, le 23 avril 1961 , jour du putsch d'Alger , initiés par « un quarteron de généraux en retraite.» (De Gaulle discours du même jour)

Un roman qui taraude, où l' on sent, et cela fait d'autant plus mal, la part d'autobiographie, où se confondent des faits historiques douloureux et les éléments poignants de l'histoire familiale.


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