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4,15

sur 1721 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
On se dit encore un roman sur la relation père-fils...Erreur : celui-ci est passionnant : tout le monde n'a pas un père mythomane et brutal et tout le monde n'a pas l'écriture concise et juste de Sorj Chalandon. Une réussite !
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Cela faisait un petit moment que je lui tournais autour, à ce livre-là...
Le récit d'une enfance douloureuse avec la voix et les mots retrouvés du petit garçon lui-même... voilà qui ne pouvait manquer de m'évoquer quelque chose.
Et en effet, dès les tout premiers mots, ce texte m'a aussitôt rappelé le ton de L'Enfant de Jules Vallès, qui est pour moi un texte fondateur, puisque sa lecture marque ma rencontre avec l'écrivain auquel j'allais consacrer plusieurs années d'études. Autant dire que cela a été plus qu'un choc littéraire, un véritable coup de foudre.

Forcément, se trouver placé sous un tel patronage n'était pas des plus évidents... Et j'avoue n'avoir pas été immédiatement conquise, tant les mots et le style singulier de l'illustre écrivain me revenaient en mémoire, avec leur force inégalable.
Pourtant, Chalandon a peu à peu réussi à imposer sa propre voix.

Si l'on commence par être irrité par le comportement du père, qui apparaît tout d'abord pitoyable avec les invraisemblables récits qu'il sert sans cesse à son fils et à sa femme, on est vite gagné par un sentiment de révolte.
En effet cet insatiable besoin de se placer au premier plan et de s'attribuer un rôle capital à la moindre occasion ne fait qu'accentuer le caractère effroyablement étroit de la vie de cet homme, qui ne dépasse jamais le cadre de son trois-pièces et des quelques individus qui gravitent autour de lui - garagiste, coiffeur ou professeur de judo de son fils. Cette manie serait risible si elle ne s'accompagnait d'une extrême violence dont femme et enfant sont les premières - et seules - victimes. En découvrant la manière dont cet homme martyrise son enfant et l'écrase psychologiquement, on ne peut qu'être animé par un sentiment de colère. Une colère d'autant plus grande qu'on souhaiterait voir la mère réagir et défendre son fils. Mais, sous l'emprise elle-même de son mari, elle en est totalement incapable.

La force de ce roman est d'avoir dépeint cette pathologie à travers le regard du petit Emile. On en perçoit en effet d'autant plus le caractère dévastateur et dangereux. Mais il permet surtout de poser un regard candide sur le personnage et d'éviter ainsi, de la part du narrateur, toute forme de jugement. Car, au final, c'est bien l'histoire d'une maladie qui nous est comptée. Il me semble que le véritable personnage principal de ce roman n'est pas Emile, mais bien son père, et c'est là sans doute que Profession du père se distingue de L'Enfant de Vallès. Là où le récit de l'enfance du petit Jacques n'était que la première étape de la construction d'un individu qui allait se dresser contre toute forme d'autorité - celle du père dans L'Enfant, du système éducatif dans le Bachelier, puis de l'Etat dans L'Insurgé - Emile réussit quant à lui à se libérer de la tutelle paternelle - une libération qui se matérialise dans une scène qui est un véritable morceau de bravoure - pour malgré tout s'intégrer harmonieusement à la société et fonder à son tour une famille.
Dès lors, le style évolue, et l'enfant devenu adulte pose un regard plus distancié sur son père, un regard étonnamment pourvu d'une certaine forme de tendresse et d'indulgence. L'enjeu n'est plus la préservation de l'intégrité physique et mentale du fils, mais de celle du père. Une histoire qui n'appelle a priori pas de suite, puisqu'elle se clôt avec le décès du père (je ne révèle rien, elle nous est annoncée dès le premier chapitre !) et sur un ultime et savoureux pied de nez du destin, qui résume assez à lui seul la volonté de ne pas laisser place à la rancoeur...

Lien : http://delphine-olympe.blogs..
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C'est un roman très personnel que nous livre Sorj Chalandon avec Profession du père. La recherche d'une reconnaissance paternelle, un amour démesuré, la tristesse et l'incompréhension d'un enfant face à la maladie et à la folie d'un homme. Autant de thèmes, terribles mais habilement portés par une écriture fine et précise, souvent poétique.
Le début, marqué par la démesure du père et son comportement condamnable rendent parfois difficile la lecture du roman, le lecteur étant tour à tour témoin et complice du calvaire familial vécu dans ce petit foyer. Un huis clos familial souvent étouffant, qui s'installe progressivement et qui révolte aussi parce qu'il est raconté du point de vue de l'enfant qui le vit.
En réalité, le roman prend une nouvelle dimension sur sa fin, lorsque le petit Emile grandit pour devenir l'alter ego de son auteur. Une distance bienvenue, salutaire, qui replace les éléments dans un contexte d'analyse et redonne au lecteur sa juste place.
C'est pour cette fin, puissante et riche, que le roman prend toute sa saveur ; finalement, comme souvent chez Sorj Chalandon, quand l'adulte parle au lecteur et à ce petit garçon qu'il incarnait.
L'oeuvre évoque en réalité une quête perpétuelle d'amour, et interroge sur ce qui fait de nous des êtres humains : le rêve, l'ambition, la crainte, le rapport à l'autre, la solitude ?
Un roman terrible, percutant, qui vaut pour la dimension personnelle que lui confère l'auteur mais qui laisse le lecteur souvent révolté face aux mots et à la folie d'un homme.
Lien : http://leblogdeyuko.wordpres..
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Totalement détraqué, pervers narcissique, violent, manipulateur, dangereux. Mais aussi, traumatisé par la guerre d'Algérie, celle d'Indochine, l'horreur vue, subie, pratiquée aussi. Tel est le père du jeune Choulans qui s'annonce pasteur, aviateur, membre de l'OAS (quand elle est dissoute depuis longtemps!), circassien, que sais-je encore ! Son fils lui non plus ne sait plus très bien qui est son père. C'est comme ça qu'il portera la mention « sans profession » sur sa fiche de renseignement au collège. Attention, pas « chômeur », c'est très différent.

Pour qui a lu « Enfant de salaud », il y a une continuité dans la folie, la violence contre les autres. Femme et enfant battus, enfant manipulé à la mode fasciste combattant (exercices militaires nocturnes, à 10 ans!), bourrage de crâne. Et jamais de regrets, jamais de retour à la réalité. Empathie, zéro. Tout lui est hostile, tout lui est ennemi. Un cinglé, mais un cinglé dangereux, qui fait entrer ses idées fascistes dans l'esprit de son fils.

On ne peut que compatir au sort de Sorj Chalandon, qui n'en finit plus de digérer son enfance, et qui, c'est simple et évident, aime son père. Tout comme sa mère , rabaissée, humiliée, battue, semble trouver normal ce comportement : « Tu sais comment est ton père », répète-t-elle à l'infini.

Tout cela est navrant, révoltant, on ne parvient même pas à avoir un peu de compassion pour ce père. Désolant.
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Un roman magnifique, une histoire brutale, dérangeante. Une histoire d'amour d'un fils pour son père atteint de troubles psychiatriques non diagnostiqués. Un fils brutalisé par son père, mais un fils qui veut juste que son père l'aime et souhaite lui pardonner malgré toute la souffrance subie.
L'histoire dérangeante d'une famille sous le joug d'un tyran qui veut sa vie par procuration, à travers les grands évènements de son époque
Un style minimaliste, épuré. Des mots précis qui vous glacent le sang. Un roman qui ne laisse pas indifférent.
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Je venais de sortir de lectures témoignages très forts : Je vous écris d'Anny Duperey (suite du Voile Noir) et de Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan qui m'avaient tous deux émue, touchée profondément. Pour rester dans cette atmosphère confidentielle j'ai enchainé avec Profession du père. Serais-je aussi ébranlée ?

Il est une nouvelle fois question d'un enfant et de sa relation à ses parents, à son père plus précisément ici. Un père abusif, colérique, incohérent, tétanisant que j'ai détesté dès les premières lignes me faisant écho à un passé familial (pas le mien) et à ce que peut ressentir un enfant face à tant d'insécurité face à un être qui devrait être pour lui un pilier, une épaule, des bras réconfortants.
Une mère passive qui subit et laisse subir (là aussi écho).

Le livre débute par les obsèques de ce père tyrannique et délirant. Il s'ouvre sur une scène qui n'a rien d'anodin : « Il pleuvait. le crématorium, le parc, des arbres de circonstance, des fleurs tombales, un jardin de cimetière bordant une pièce d'eau. Tout empestait le souvenir.
- On va voir s'il y a un poisson ?
Ma mère m'a regardé. Elle a hoché la tête.
- Si tu veux.
Nous avons marché jusqu'au bassin. (…) Il y avait un poisson. Une carpe dorée entre les nénuphars.
- Je ne le vois pas.
Elle ne voyait rien ma mère. Jamais, elle n'avait vu.
(…) Elle était perdue. Elle avait le visage sans rien. Pas un éclat, pas une lumière. Ses yeux très bleus ne disaient que le silence. Ses lèvres tremblaient. Elle ouvrait une bouche de carpe. »

Je n'ai pas été émue par cette histoire. En fait, la colère a supplanté tout le long la douleur de cet (ex-) enfant abimé. J'ai eu mal pour lui mais plus encore, j'ai eu envie de bousculer cette mère inerte, de combattre ce père tyrannique. Comme quoi la lecture est subjective. On lit avec ce que l'on est. Avec ses sensibilités particulières. En fait, je n'ai pas trouvé comment pardonner, pour Émile, l'enfant qui deviendra une fois adulte, restaurateur de tableaux. Comme on restaure une image. Comme on « répare » une personne des violences et des silences.

Une lecture qui m'a remuée donc, mais pas comme je l'aurais cru…
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J'envie le lecteur qui découvre Sorj Chalandon. D'une part, il marche dans les méandres de l'âme humaine, tordue et retorse, dans les paradoxes de notre civilisation, malsaine et hypocrite... mais, d'autre part, il découvre aussi la beauté de l'Homme et l'espoir dans l'Autre.

Les romans de Sorj Chalandon sont profondément humains. Celui-ci ne fait pas exception.

Avec Profession du Père, il nous concocte un breuvage mêlant l'adolescence du personnage principal et la quête de repères qui l'accompagne, une figure paternelle forte, violente, alliant folie mythomane et envie du regard de l'autre, une mère effacée, entre résignation et amour protecteur, le tout sur fond de guerre d'Algérie.

C'est fort, puissant, déstabilisant... j'oserai dite "comme chaque fois".

L'écriture est dure et efficace. Mais Chalandon ne cache pas sa tendresse, sa compréhension, sa compassion, son pardon pour les fautes. Au moment où on s'y attend le moins, il met de l'humour, une touche décalée, pour décompresser.

Oui, j'envie le lecteur qui découvre Sorj Chalandon, car c'est un moment magique. Ensuite, il est condamné à attendre le roman suivant, mais l'attente tue un peu la magie. J'ai vibré, souri, frémi... mais moins que pour les romans précédents. Comme si j'étais à la poursuite de mes émotions passées.
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Devant un roman d'une telle puissance les mots manquent.

Émile est un petit garçon éperdu d'admiration pour son père. Il faut dire qu'il a eu mille vie, le paternel : chanteur, footballeur, parachutiste, espion, et même conseiller du Général de Gaulle. Et puis il a un ami américain super classe, Ted.
Sauf que ce père adulé est un affabulateur pathologique. Et que la mère n'ose pas le contredire, répétant « tu connais ton père... » à Émile, sans cesse, comme un mantra.
Sauf que ce père de plus en plus délirant devient dangereux, il maltraite son fils, avec la complicité de sa mère qui ne dit rien.
Devenu adulte, autonome et père de famille, Émile aura toute les peines du monde à se défaire de cette emprise néfaste.

C'est une histoire très dure. Simple, sans fard ni fioritures, insoutenable par moments.
J'ai lu que l'auteur s'était inspiré de son enfance pour l'écrire. Je ne peux que compatir pour son passé, et l'admirer pour sa belle plume mais surtout son incroyable capacité de résilience.
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Oppressant, lourd, pesant mais aussi très fort…
C'est un peu le double sentiment que m'a inspiré la lecture de Profession du père.
J'ai lu ce livre en apnée tellement le témoignage de Sorj Chalendon sur son enfance m'a dérangé. Ce n'est que dans les dernières pages où l'auteur, plus âgé, est sorti de l'emprise de son père, que j'ai pu reprendre mon souffle et plus de plaisir à la lecture de ce livre. Avant, c'était trop douloureux.
Pourtant j'ai déjà lu des histoires vraies pas franchement rigolotes mais ce qui, je pense, est le plus pénible dans ce récit c'est la solitude d'Emile Choulans, le jeune garçon de 13 ans, mais aussi de toute la famille qui vit dans un huit clos extrêmement pesant. Rien ni personne ne peut les sortir de la prison dans laquelle ils vivent.
C'est aussi un témoignage très fort, d'autant plus fort qu'il est vu au travers des yeux du jeune garçon et qu'il n'y a donc pas la distance que pourrait apporter un récit à la 3ème personne du singulier.
Même si j'avoue avoir été soulagé d'être arrivé à la fin de ce livre j'en ai aussi gardé des images fortes qui resteront certainement longtemps. j'ai aussi apprécié le style fait de phrases courtes.
Bref, ce n'est pas un roman de tout repos mais il vaut le malaise retentit lors de sa lecture. Il m'a également donné envie de découvrir les autres livres de Sorj Chalendon
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Profession du père est un roman qui hante, qui dérange et qui choque. Ce roman bouleversant met en scène un enfant : Emile Choulans, douze ans. Il aime le dessin -on le surnomme d'ailleurs Picasso-. Il vit avec son père : violent, mythomane qui prétend connaitre tout et tout le monde -il s'agira de remarquer que finalement le seul moment où celui-ci est sincère, est quand il somme son fils d'écrire sur sa feuille de renseignements à l'école que son père est « sans profession » ; et sa mère : personnage qu'on penserait presque naïf et faible, mais qui souhaite avant tout « éviter les ennuis ».

D'autres personnages gravitent autour d'eux mais ce triangle (on saura, sans nul doute, évoquer le mysticisme du chiffre trois) est bien la base du roman. Il s'agit presque d'un huis-clos puisque toute relation sociale extérieure est prohibée : jamais d'invités.

Emile Choulant raconte alors son histoire. Il est un enfant dépouillé de visites, d'amis, de dîners souvent, violenté par son père qui n'hésite pas s'il le déçoit à l'enfermer dans un placard. Si des passages font sourires, tendrement ; ce n'est pas sans oublier la dureté des gestes et des mots. La force du roman se tient dans le fait que l'auteur, sans tomber dans le pathos, déroule les faits, tout en choisissant les mots avec soin et rend les images poétiques « le printemps n'entrait pas ici. La lumière restait à la porte, épuisée par les volets clos ».

En décor de fond, et fil d'Ariane du roman : la guerre d'Algérie et le Général de Gaulle. Son père, du côté de l'Algérie Française, déplore alors que l'Algérie ait été rendue aux Algériens.

Emile est un garçon à la fois fasciné et apeuré. Son père entretient une relation dominante par laquelle il fait de lui son espion. Par la force de la peur, il l'oblige à effectuer ses missions : écrire à la craie sur les murs « OAS », délivrer des lettres de menace au député, tuer le Général de Gaulle. Dans ce climat de terreur, Emile réussit même à enrôler un de ses camarades de classe qui sera finalement le symbole du courage, mais aussi et surtout de l'endoctrinement. C'est finalement une sorte de cercle de la terreur où le plus grand s'en prend au plus faible, qui lui-même s'en prend à plus faible que lui etc… La relation paternelle est toujours difficile à appréhender du seul fait que le fils essaie juste d'être envers son père, l'homme qu'il attend qu'il soit, sans se soucier des conséquences. Les sentiments d'Emile sont complexes, ce dernier partagé entre l'admiration et la crainte.

Puis, le temps passe et tout le monde grandit. Tout le monde et toute chose puisque cet univers familial dérangé grandit lui aussi pour finalement laisser la folie du père l'emporter. le fils comprend tout, il a du mal à respirer, et nous aussi. A mesure qu'il panse ses plaies d'enfance en les regardant en face, qu'il retrouve son souffle, nous guérissons avec lui.

Lien : http://littecritiques.blogsp..
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