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4,15

sur 1713 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Sorj Chalandon est devenu en quelques années un auteur à la fois apprécié et reconnu. « Profession du père » confirme un talent qui ne faiblit pas d'un roman à l'autre.
Portrait touchant d'une famille qui vit recluse, terrifiée par un père manipulateur, mythomane, violent. Comment se construire dans une « prison » ou la liberté de parole, de choisir, de penser est à ce point confisquée ? Chalandon raconte le quotidien du jeune obéissant et contraint aux folies paternelles. Puis devenu adulte, la tentative de compréhension. C'est juste, c'est fort et émouvant. Encore un grand Chalandon, ça devient une habitude.
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Mais comment peut-on sortir sain d'esprit d'une telle enfance ?
Mais comment un homme aussi fou a-t-il pu passer sa vie en toute liberté, sans soins, imposant sa démence à son fils et à se femme ?
Un univers clos : le père, la mère, le fils. Jamais de visiteurs, jamais de visites
Le père : complètement mythomane, violent, tyrannique
La mère ; effacée, soumise, consentante
Le fils : plein de foi en son père, crédule, s'engageant par autorité paternelle dans ses délires, plein d'amour aussi malgré les coups qui pleuvent,
Quelle force de caractère pour s'en sortir indemne. Indemne au niveau du raisonnement et du comportement. Mais indemne au niveau du coeur et des émotions….. impossible.
Les angoisses du Petit Bonzi, qui bégayait, et ici celles d'Emile, qui est asthmatique, me font encore plus, si c'est possible, aimer et admirer l'homme qu'est devenu Sorj Chalandon.
Les rapports avec ses parents lorsqu'il est devenu adulte, sans haine ni reproches, avec malgré toujours de l'amour et une forme de respect en sont un fort témoignage.
Dans ce roman, tout semble trop pour être vrai. Mais, vrai, ou faux, ou exagéré, ou romancé, il représente avec force l'enfant blessé qui demeure toujours en nous.
Si tous les sujets traités par l'auteur sont durs et douloureux, il réussit à chaque fois, par la justesse de son écriture et la beauté de son esprit, à combler notre bonheur de lecteurs.
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Profession du père ?
Mytho
Schizo
Parano
Détraqué
Névrosé
Violent

Pauvre Emile.
Cent fois au long de ma lecture j'ai beuglé intérieurement…
« Fuis Emile ! »
« Ne l'écoute pas Emile ! »
« Et ta mère, Emile, elle dit quoi ta mère ?! »
« Bon sang mais casse-toi Emile ! »

Mais Emile est un enfant, à la fois terrifié, admiratif et confiant. Et comme d'autres avant lui, Emile subit, se disant que les parents sont ainsi.

Moi soudain je comprends que ce récit tient plus de l'autobiographie que de la pure fiction. Alors, abasourdie, je m'apitoie derechef et je compatis. Beaucoup.

L'adaptation ciné devrait (normalement) voir le jour en février, avec Benoît Poelvoorde dans le rôle-titre. Apparemment traité sous un angle tragi-comique plus léger, le film soulignera sans doute mieux le recul de l'auteur qu'il m'a été difficile de percevoir pour ma part, tant le sort de cet enfant malmené m'a glacée.


Lien : HTTP://MINIMALYKS.TUMBLR.COM/
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La petite musique de Sorj Chalandon a changé.

Ce ne sont plus les grandes envolées lyriques d'un opéra sanglant aux portes de Sabra et Chatila sur fond de tragédie antique, ni les violons irlandais désaccordés par la guerre civile: cette fois, il nous fait entendre sa musique à lui, intime, personnelle. Et infiniment triste.

Une petite musique de chambre. Une musique de placard, plutôt, essoufflée, asthmatique, anxieuse.

Un enfant, Emile, vit entre ses parents, et seulement ses parents, dans un huis clos étouffant, tapissé de mensonges, zébré de coups- une vie qui tient du film d'espionnage de série B et du roman de l'enfance martyre à la Dickens.

La micro-cellule familiale -qui mérite bien son nom: c'est une prison- est un théâtre permanent offert à la folie du père, mythomane pathétique, qui utilise son fils comme acteur de ses fantasmes et sa femme comme public silencieux ou acolyte complaisante, selon les cas.

Les mensonges du père - tour à tour pasteur pentecôtiste, résistant, membre de l'OAS, agent de la CIA, coureur automobile, aviateur, parachutiste...- sont autant de trames à des scénarios revanchards et haineux- nous sommes en pleine guerre d'Algérie- et l'enfant, manipulé et confiant croit à ce père omnipotent qui tire les ficelles, et n'a d'autre solution, s'il veut conserver son amour, que d'agir en bon petit soldat, malgré sa faible constitution physique,son asthme, les mauvais traitements et les coups. La mère, passive mais plus tendre, édulcore et console, mais se tait et refuse l'évidence.

L'enfant n'a pas d'autre issue que de renchérir sur la mythomanie du père en tentant d'y entraîner un camarade. Espérant sans doute inconsciemment être arrêté dans cette escalade par l'Autre, celui qui n'est pas du sérail, pas du clan. Objectiver le mensonge, c'est le faire éclater. La rupture recherchée ouvrira-t-elle sur une libération ou sur un nouveau drame?

Le récit déroule ses péripéties implacables: le mensonge est décidément un grand metteur en scène...qui laisse des traces indélébiles dans la vie du petit Emile devenu grand, et devenu père à son tour...

Mais depuis l'enfance, il a son jardin secret, un seul talent bien à lui qui lui permet d'échapper à l'emprise paternelle, de mettre à distance la névrose familiale: le dessin. Inlassablement, il croque, il peint, il va voir au musée le Saint François de Zurbaràn sous sa robe de bure et de tristesse, et il apprend à en voir la beauté. Son père , ironiquement, l'a surnommé "Picasso".

Derrière la comédie parfois cocasse du mensonge, derrière la tragédie toujours âpre de la maltraitance, il y a aussi une surprise: l'amour.

Oui, l'amour. Emile est aimé de son fou de père. Aimé aussi de cette mère lâche et aveugle. Aimé, malgré la pression, la répression, la rétorsion, la rétention. Aimé malgré l'abandon.

Moi, c'est cet amour qui m' a fait le plus mal. J'aurais préféré je crois une révolte, une rébellion.

Mais Sorj Chalandon a choisi d'autres armes pour survivre après une telle enfance: l'amour des siens -sa femme, son fils- et l'art de ses pinceaux. le petit Picasso en herbe est devenu restaurateur de tableaux.

Réparateur de beauté,.

Ce pourrait être une fonction du récit autobiographique lui-même: réparer la beauté.

Retrouver les couleurs de l'amour et de la tendresse derrière les couches successives d'humiliation et les taches sombres des brimades, derrière les crevasses du chagrin et le glacis vernissé de la solitude.





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Le petit Emile Choulans grandit dans un huis clôt terrifiant.
Coincé entre son père paranoïaque, mythomane, violent, pour tout dire un fou furieux qui prétend avoir exercé toutes sortes de métier dont chanteur, parachutiste, espion, etc ... mais qui traîne toujours à la maison en pantoufles quand ce n'est pas carrément en pyjama, et une mère lâche, molle comme une carpette et qui ne sait dire à l'enfant après chaque séance de brutalités : " tu sais comment est ton père ..."

Battu pour rien, privé de manger très souvent, enfermé dan "la maison de correction" c'est-à-dire nu, à genoux dans l'armoire de ses parents durant des nuits entières, cet enfant aime cependant ses parents et ferait n'importe quoi pour que son père soit fier de lui. Et il va le faire, croire que son père était le bras droit du général De Gaulle qu'il faut maintenant tuer car il a perdu l'Algérie française, se croire un agent de l'OAS, croire à un mystérieux parrain américain qu'il n'a jamais vu, un certain "Ted" qui rampait sur le coffre de la voiture quand J.F.K a été assassiné ( pour sauver Jackie) ...

Tant de bobards, de folies que l'enfant va croire pour tenter de se frayer un chemin jusqu'au coeur de son père, allant même jusqu'à recruter un petit compagnon de classe (dont la famille a fui l'Algérie) pour lui confier des "missions" dont l'une d'entre elles est de tuer De Gaulle.

Chez les Choulans, jamais de visite même pas les grands-parents, un trio modelé, affolé, terrifié par la folie du père dont personne ne semble prendre conscience. Des gens fous et médiocres entre lesquels la petite pousse de vie qu'est Emile doit se faufiler pour tenter d'évoluer vers des cieux plus cléments. Clément est le prénom qu'Emile donnera à son fils lorsque, marié, il sera devenu père.

Il s'en sortira, Emile, de ce bourbier, véritable marécage, bouillon de culture d'injustice, de violences, de mythomanie, de folie en un mot.

Il s'en sortira mais au prix de combien d'années à avoir pataugé dans ce cloaque ...

Un livre magistral, violent comme les gifles que reçoit Emile, fou comme le père et énervant comme la mère et son déni de la maladie mentale de son mari.

Une très belle écriture qui prend aux tripes et ne vous laisse plus comme avant ...
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Dans ce roman (ou autobiographie), Sorj Chalandon raconte son enfance avec beaucoup de pudeur, à travers Emile, le petit garçon du livre. Il trouvera à chaque fois des excuses à son père qui le maltraite, le frappe, et lui raconte des cracs depuis qu'il est né. Il faut dire que celui-ci relève de la psychiatrie. Il lui fait croire qu'il est agent secret de l'OAS, entre autre, il invente, ment à longueur de temps. Emile croira à ces histoires. Comment ne pas y croire lorsque l'on est un petit enfant à qui son père martèle sans cesse ses mensonges jour après jour. Un enfant a besoin d'admirer son père.

Et que dire de sa mère : inexistante, qui se contente de vivre sans faire de vague, surtout pas de vague, sans se battre pour exister, soumise à son mari, qui ne comprendra pas que l'état de son mari relève de la médecine, que son fils est malheureux et n'a rien d'une enfance idyllique, et pour laquelle il a de la tendresse.

Ils vivent en huis-clos, dans un tout petit appartement où les volets sont fermés toute la journée, sans amis, sans famille autour d'eux.

Une fois adulte, il retournera chez ses parents deux ou trois fois. Ses visites seront à chaque fois sinistres. Ses parents ne l'inviteront pas à rester déjeuner ou dîner, ne prendront pas leur petit-fils dans leur bras…

Il espérera toute sa vie des traces d'amour de la part de ses parents. Son père laissera des cassettes pour son fils, que sa mère lui remettra après son décès. Mais…

Comment a-t-il pu s'en sortir et devenir ce qu'il est devenu ? Quelle est la part de roman et la part d'autobiographie ? Qu'est devenu Luca Biglioni ?

J'ai bien aimé ce roman de Sorj Chalandon qui se dévoile. Mais qui nous laisse plein d'interrogation.
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Une fois de plus, je suis époustouflé par la capacité de Sorj Chalandon à changer de registre d'un livre à l'autre, tout en gardant cette écriture simple, juste, touchante et sensible, que j'apprécie particulièrement.

Profession du père n'échappe pas à cette règle. Aux frontières de l'autobiographie, Chalandon nous relate son enfance, dans les années 60, sur fond d'Algérie française, de haine gaulliste et d'OAS. Émile traverse cette période dans l'ombre d'un père névrosé, affabulateur, qui rêve sa vie autant qu'il l'invente, chaque jour, à chaque instant, se nourrissant de chaque nouvelle information entendue pour la faire sienne. Une vie de papier qu'il impose à son fils qui, à 10 ans, se voit devenir agent secret, membre de la CIA comme de l'OAS, se préparant dans le plus grand secret à participer à l'assassinat de De Gaulle. Un monde de rêve pour un gamin justifiant toutes les incohérences de son père par la vénération qu'il lui porte.

Mais la névrose a son revers : la violence, l'injustice, les coups, l'impossibilité de témoigner de la moindre marque d'amour filial. Et dans son malheur, Émile ne peut compter sur sa mère, spectatrice affligée mais quasi-impassible de la détresse de son enfant. Et qui ira plus tard jusqu'à participer à son "abandon" (la scène du déménagement...).

Et puis adulte, la difficulté de comprendre, les tentatives de "vivre avec", une forme d'amour toujours présente. Car ce qui est incroyable dans ce texte, dans ces mots toujours à fleur de peau, c'est que du début à la fin, l'amour filial ne cesse d'être présent. Certes, pas le classique amour d'un fils envers ses parents. Non. Autre chose. Différent. Forgé dans l'incompréhension. Dans la douleur. Mais aussi dans l'espoir.

L'espoir que malgré tout, il n'est jamais trop tard. Que jusqu'au bout, il faut essayer de maintenir ce lien. Même insuffisamment partagé. Même sans retour. Et petit à petit, "réparer son propre tableau". Pour se construire et avancer.
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"Tout le monde n'a pas la chance d'être orphelin"' comme l'écrivait Jules Renard dans "Poil de carotte"...
"Profession du père" prend place aux côtés, notamment, d' "Un pedigree" de Patrick Modiano, de "Il a jamais tué personne, mon papa" de Jean-Louis Fournier et de "Chère madame ma fille cadette" de Raphaëlle-Marie Billetdoux dans la (très) longue liste de ces romans autobiographiques qui sont autant d'évocations de pères, à la fois monstrueux et pitoyables, qui ont fait de l' enfance un carrefour de tous les dangers.
Le prix à payer, peut-être, pour devenir écrivain... Résilience, vous avez dit résilience ?
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Je comprends que l'on puisse trouver ce livre déconcertant. Je ne sais pas quelle aurait été ma réaction si je l'avais lu sans avoir au préalable entendu Sorj Chalandon en parler lors d'un long entretien avec une journaliste de France bleu à l'occasion du Livre sur la place à Nancy. Mais il se trouve que j'avais assisté à cette interview bouleversante, et que du coup, tout au long de ma lecture, j'entendais Sorj Chalandon raconter certaines scènes de sa voix chaleureuse. J'ai donc aimé ce livre avant même de le commencer et ma lecture n'a fait que confirmer mon émotion et l'admiration que j'ai pour ce grand monsieur d'une humanité rare.
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Il fallait de la sobriété pour servir le sujet. Sans cette écriture simple, faite de phrases courtes, sans cet attachement à relater les faits de la façon la plus directe on aurait pu basculer dans le sordide voire l'étalage. Au contraire, Sorj Chalandon parvient à livrer un roman puissant d'autant plus fort qu'on le sait inspiré de sa propre expérience. On comprend l'effet libérateur qu'a dû avoir la rédaction de ce livre sur l'auteur qui a attendu le décès de son père pour s'autoriser à écrire sur ce personnage singulier, complètement fou, odieux, détestable... que son fils ne peut pourtant s'empêcher d'aimer.

La profession du père, on ne la connaîtra jamais. Pasteur pentecôtiste, chanteur, parachutiste, agent secret... D'après ses déclarations, il a tout exercé, il connaît tout et tout le monde. N'empêche que le petit Emile Choulans a bien du mal à remplir la case adéquate à chaque rentrée des classes. Partagé entre admiration et crainte, il subit l'isolement imposé (personne n'est jamais reçu dans l'appartement familial), la mythomanie paranoïaque de son père, les brimades et les coups. A cheval entre les mondes imaginaires de l'enfance (qui n'a pas rêvé d'un père espion qui l'enrôle dans ses missions ?) et la brutalité induite par une pathologie jamais décelée chez cet homme qui passe sa vie en dehors du monde réel. Et que dire de la mère ? Spectatrice et victime consentante, qui choisira toujours son mari, sans que l'on comprenne si c'est par peur ou aussi par indifférence. "Tu connais ton père" se contente-t-elle de répéter.

Dans le roman, Emile se raccroche au dessin, comme l'auteur a dû se raccrocher à l'écriture. Une activité artistique, intellectuelle, qui fait appel à l'imagination, seul terrain capable de contrer les effets néfastes des histoires inventées par le père. La scène où les parents annoncent à leur fils qu'ils déménagent mais sans lui (en gros ils le jettent à la rue) est presque insoutenable. Sauf qu'à bien y réfléchir, on se demande s'ils ne lui ont pas finalement rendu service en le rendant à la vie normale. Mais que de brutalité !

Ce qui est remarquable dans ce livre, c'est la façon dont Sorj Chalandon parvient à faire ressentir au lecteur les différents états par lesquels passe l'enfant, puis l'adolescent, l'adulte et l'homme arrivé à maturité, devenu père à son tour. Sans pathos mais avec une lucidité poignante. Surtout lorsqu'il est question de l'amour inconditionnel que voue un enfant à ses parents. Comment comprendre que l'on bafoue cet amour ?

C'est un homme visiblement libéré qui a écrit ce livre, un homme en paix avec lui-même certainement grâce au pardon que l'on devine dans les dernières pages et sans lequel l'écriture n'aurait pu se faire. C'est tout le talent de l'écrivain que de transformer une histoire personnelle en roman universel.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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