Pourtant,tu sais,j'aurai bien voulu te voir vieux.Moi qui ai tant aimé tes cheveux roux,il me semble que j'aurai aimé tes cheveux blancs....
Le divorce est un échec sans panache : on ne tombe pas au champ d'honneur, on s'enlise dans un bourbier.
D'où vient qu'à âge égal les femmes aient tant de peine à partager cette illusion ? Que nous sachions trop tôt qu'il est plus tard que nous ne pensons...
Voilà pourquoi je n’ai pas soupçonné les progrès de leur liaison ; au fil des mois ils ont migré de la chambre d’hôtel au studio loué, du studio loué au deux-pièces acheté, et du deux-pièces au six-pièces loué ; aux rencontres occasionnelles ont succédé les rendez-vous réguliers puis le rythme de ces rendez-vous s’est accéléré, passant d’un weekend par mois à cinq mois par semaine, sans que jamais j’aie découvert la vérité que de manière imparfaite, indirecte et tardive.
Je n'ai pas été trompée par mon mari, je me suis trompée sur lui.
Qu'est-ce que j'ai de moins que ces femmes-là, de moins que les autres ? Rien de moins. Peut-être quelque chose de plus ? Celle qui a "réussi" ... Chez une femme, ce plus est un moins."
Et puis, je ne confonds pas la rupture avec la tragédie. La tragédie, je l’ai vue à l’œuvre, elle frappait chez les voisins, au hasard ; elle avait les yeux candide, le sourire sage, de deux petites sœurs qui rentrent de l’école et qu’une voiture fauche sur le trottoir ; elle avait la peau soyeuse d’un nouveau-né que sa mère contemple extasiée quand l’accoucheur sait qu’il ne marchera jamais. La tragédie, ce n’est pas Phèdre ni Didon ; et encore moins Bérénice ; c’est une femme qui regarde, impuissante, souffrir son enfant. Notre divorce n’a rien d’une tragédie, c’est juste une épreuve, un chagrin.
Lui, à cette époque, répétait, à qui voulait l'entendre, que j'étais son âme sœur. Il a grandi, il n'a plus besoin de sœur. Plus besoin d'âme non plus : un corps lui suffit.
Curieusement, l'évidence de l'échec, la certitude d'un abandon si longtemps redouté me rendent, un moment, une paix que j'avais cessé d'espérer. Je me blottis sous la couette et me rendors délivrée: après tant d'années passées à craindre et espérer, tant de joies inconstantes et d'élans trompeurs, tant d'angoisses dans le bonheur, je trouve la solitude clémente et le malheur douillet.
Sur le chemin de la vérité, j’avais toujours un train de retard, lui un mensonge d’avance.