Feuillets d'Hypnos

J'ai toujours un livre de René Char à portée de main, non pas en livre de chevet, mais en livre que l'on emmène même si on n'a pas l'intention de lire. Un livre comme une couverture qui tient chaud. Feuillets d'Hypnos je l'ai tellement emmené partout juste pour l'avoir dans mon sac que je l'ai perdu, en même temps cela m'étonne... Mais je ne le trouve plus, enfin je ne trouve plus l'ancien exemplaire, usé, annoté. le neuf c'est différent. Voilà ce que résume cette" digression" personnelle sur René Char, l'importance de son écriture....

Travaillant dans un service d'Archives et ayant un directeur passionné d'Histoire et surtout l'histoire du XXème siècle et plus principalement encore, la guerre, c'est ce dernier qui, a l'occasion des Journées du Patrimoine, m'a conseillé de lire cet ouvrage de René Char. Pour une fois qu'il me conseille un ouvrage (susceptible de m'intéresser), je ne pouvais que sauter sur l'occasion, surtout lorsque j'ai vu que la médiathèque l'avait dans son fonds.

Ce qui devait à l'origine être un carnet de guerre, de's réflexions philosophiques ou de simples pensées ou réflexions sur ce que le poète, Résistant et maquisard, voyait devant lui, s'est plus tard transformé en recueil de poésie. Voilà d'ailleurs la raison pour laquelle mon directeur connaissait bien cet ouvrage, c'est tout simplement parce qu'il est question principalement de guerre ici, la Seconde Guerre mondiale, mais vu sous les yeux d'un homme engagé dans le FFL mais poète avant tout. C'est là où cet ouvrage est extraordinaire car le lecteur peut à la fois y puiser des sources historiques, philosophiques mais aussi poétiques tout simplement. Je ne vous cacherai pas que ces vers sont très sombres, engagé envers l'absurdité de l'homme, la cruauté de la vie mais se terminent cependant sur une note d'espoir avec un quelques vers consacrés à "La Beauté" !

Des vers qui ont été composés sur le vif, à savoir durant l'engagement de René Char dans la Résistance mais d'autres bien après, ce qui permet au poète de prendre un peu de recul...quoique ! Bref, un ouvrage que je ne peux que vous recommander et qui mériterait d'être étudié en toute fin de collège ou au lycée car il permettrai à la fois de mêler les cours d'Histoire et de Littérature et puis, surtout, l'avantage à étudier René Char, est que l'on peut y passer des heures sans jamais s'en lasser ni même épuiser le sujet. A découvrir et à faire découvrir !

Il s'agit là d'une suite de notes que René Char a pris lorsqu'il oeuvrait dans la Résistance, des notes, oui, mais des notes poétiques -si ce dernier qualificatif suffit à correctement représenter la vibration que celles-ci provoquent, ce dont je doute.

Le style aphoristique nous offre la poésie à l'état pur, délivrée de son enveloppe, de ce qui la prépare et la prolonge ; elle existe seule et il faut apprendre à l'apprécier ainsi pour réellement prendre conscience du génie de cette oeuvre. Chaque note est séparée de ses voisines par le numéro qu'elle occupe dans l'ouvrage, mais au fur et à mesure que l'on plonge plus avant dans celui-ci, on se rend compte que ces nombres qui défilent ne sont pas uniquement là pour servir de cloison délimitantes, ils ne sont que l'illustration mathématique de l'évolution du "récit". Car il y a une réelle progression, qui n'est pas forcément apparente au premier coup d'oeil.
Réduire cet ouvrage à une simple suite de notes plus ou moins lyriques prises pendant la guerre et la Résistance serait injuste, car il est beaucoup plus que ça, la plupart de ces pépites poétiques explosent en notre imaginaire tel l'atome isolé capable de rayer une ville de la carte ; elles se révèlent être universelles et intemporelles, voire même visionnaires.

C'est une poésie nouvelle que j'apprécie énormément, ne m'étant jamais vraiment plongé très profond dans ce style littéraire, je n'oserai pas prétendre qu'elle révolutionne celui-ci, mais il s'agit là tout du moins de celle que je préfère jusqu'à maintenant.
J'achève donc le premier livre de René Char que j'ai lu et il me semble évident qu'il ne devrait pas se sentir seul trop longtemps.

Un livre pour rêver. Se laisser emporter par les mots et suivre René Char dans son parcours de résistants. Un auteur encore trop méconnu car politiquement incorrect. Il me fascine et écrit comme un charmeur de serpent

On pourrait dire que cette oeuvre de René Char est une oeuvre poétique sur la résistance, mais ce serait réduire le propos de cette succession de textes écrits effectivement alors que René Char commandait une section de résistants : ici le contexte est transcendé par la nature universelle du langage poétique, et nous avons la chance d'assister à la création du poème si bien ancré dans le présent qu'il en atteint son but intemporel.

Les feuillets d'Hypnos sont d'accès beaucoup moins difficile que les autres textes de René Char, vertigineux sommets dont l'ascension exige un lecteur en pleine forme. Ces fragments montrent de façon éclatante comment chez Rene Char poésie et vie ne font qu'une. Ils montrent ce qu'engagement dans l'action signifie, sans que cet engagement assèche pour autant la source poétique.

Un certain nombre de ces fragments sont suffisamment précis et concrets pour qu'ils puissent être considérés comme des témoignages historiques sur la Résistance et ses acteurs dans la région de Forcalquier. Mais ces passages les plus concrets ou narratifs restent toujours écrits dans une langue magnifique. Ce sont ces fragments qui m'ont le plus impressionné, notamment celui où Char raconte l'épisode où il assiste à l'exécution d'un résistant en choisissant de ne pas intervenir, ou encore l'épisode où un résistant nettoie le revolver qui a servi à exécuter un traitre.
A côté de ces passages directement liés aux évènements, d'autres fragments relèvent plus des états d'âme, des réflexions, des visions du poète : espoirs, désespoirs, joies, amertumes.
J'ai trouvé que le côté hybride de ces feuillets, entre format poétique, souvenir, aphorisme, ... est particulièrement réussi et moderne. Une lecture que je recommande chaudement.

Quand la Poésie rencontre le tragique du temps présent, et que l'action prime sur la contemplation.

Petit recueil magnifique qui ponctue avec précision et pudeur les activités de Résistance du poète. Prises « à chaud », elles furent arrangées à la fin de la guerre. Insurgé de nature, il délivre des notes empreintes d'une poésie magique dans son style concentré et libre. À butiner.

Pendant l'occupation nazie René Char a été, sous le nom de Capitaine Alexandre, chef du maquis de Céreste, un petit village du Luberon ceint par les collines. Alors âgé d'une trentaine d'années il a déjà derrière lui une oeuvre de poète inspirée par le surréalisme. Dédié à son ami Albert Camus Les feuillets d'Hypnos sont des fragments poétiques inspirés par sa vie dans le maquis. Des impressions glacées, métalliques et énigmatiques se confrontent à des réflexions à chaud qui sourdent de colère face à la cruauté nazie, face à la possible victoire de l'inhumanité. L'amour des gens simples est également très présent chez cet écrivain d'ordinaire cacheté, non sans raison, comme obscur et complexe : « le peuple des près m'enchante. Sa beauté frêle et dépourvue de venin, je ne me lasse pas de me la réciter. » Oeuvre d'un poète distant et volontiers supérieur, Les feuillets d'Hypnos n'en sont pas moins le récit d'un enracinement, d'un engagement, d'une volonté d'être au front de l'aventure humaine jusque dans ses affres.

Des textes qui disposent devant nous des fragments de pensées et d'émotions que René Char a vécu pendant qu'il était Résistant. Réflexif, pertinent, juste, brûlant ...