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Critique de fanfanouche24


Dans un premier élan, tous mes remerciements à l'éditeur belge M.E.O, ainsi qu'à la dernière Masse Critique-BABELIO-Essais, qui m'ont dévoilé l'existence de cet écrivain belge dont j'ignorais jusqu'au nom ; Un parcours des plus complexes, tant… que trois écrivains ont été interpellés par la personnalité littéraire et politique et se sont lancés dans l'élaboration de cette étude très détaillée tant sur la personnalité ambivalente de cet auteur dit prolétarien que sur l'histoire de la Belgique pendant la seconde guerre…

Fils et petit-fils de mineurs, enfance malheureuse, tentative de suicide à 10 ans alors que sa mère, atteinte de démence est internée…Pierre Hubermont commence à 17 ans son métier de journaliste. de tempérament dépressif, il aura toute sa vie, une tendance à la « persécution »…

Il fut le fondateur de plusieurs revues prolétariennes, dont la première, « Tentatives » (1928-1929) ; Après son succès avec « 13 hommes dans la mine » (1931), il est reconnu, comparé à Zola, ; avec les rentrées d'argent, il voyage un peu, mais pas autant qu'il le souhaiterait trop accaparé par son métier de journaliste politique, tant la crise économique, et les mouvement sociaux s'aggravent… ;Il se bat avec ses articles, ses romans, contre les injustices et les déterminismes sociaux…

Pierre Hubermont acquiert une vraie reconnaissance auprès des autres écrivains dont celle de l'écrivain, Charles Plisnier..
« Première descente---
Cet émouvant récit, publié dans -Tout-, décrit la première journée de fosse d'un gamin de quatorze ans dont le modèle est plus que probablement François, le frère aîné de l'auteur.
Hubermont insiste sur l'atavisme, le poids du déterminisme social et familial:
"Mineurs de père en fils: mineur tu seras. Il faut que tu apprennes, dès aujourd'hui, à boucler ta ceinture.
Tu étais le deuxième de ta classe. le premier, c'était le fils de l'employé qui est un ami de l'instituteur. Ils jouent tous les deux de la musique à la fanfare du charbonnage. le troisième, c'était le fils du porion. C'est décidé: le fils de l'employé va à l'athénée, le fils du porion à l'école moyenne. Finie la dernière partie de cache-cache, ils ne te reconnaissent plus. Ils ont appris à mesurer les distances. Déjà...Toi, si tu peux-et si tu veux- tu iras, ta journée faite, suivre les cours industriels. (p. 63)”

Cet essai est très riche, tant sur l'analyse détaillée des romans et écrits de Pierre Hubermont, de sa personnalité, que sur le contexte historique et économique de l'Europe et de la Belgique annexée, envahie par l'Allemagne… Pierre Hubermont, en sus d'une histoire intime traumatisante, est tombé dans une période, elle –même ambivalente… et tourmentée.
Pourquoi, lui , qui comme Zola, défendait et écrivait pour les ouvriers, fustigeait les classes bourgeoises et dirigeantes, a-t-il dérapé vers la collaboration… ? traumatisé par la première guerre, puis la seconde guerre ayant en partie brisé sa carrière littéraire, l'écrivain avait « la Colère », a dérapé, développé un nationalisme exacerbé, et des propos antisémites !!

« Dans -Germain Péron, chômeur-, Hubermont se livre en quelque sorte à son autocritique. L'auteur de -treize hommes dans la mine- dresse ici un constat lucide de la redoutable responsabilité des intellectuels aux yeux de la classe ouvrière qu'ils prétendent servir. (..)

A la maison, le père Péron menace de chasser Germain si, dans les huit jours, il ne trouve pas de travail. Au cours de la discussion, le vieil ivrogne blesse son fils à la face d'un coup de tisonnier. Germain doit rester quelques jours au repos, le temps pour la plaie de cicatriser. Il lit pour tuer le temps, un hebdomadaire fasciste aussi bien que -L'Humanité- :

"Il y a en moi des tendances contradictoires, communistes ou fascistes ? Je n'en sais encore rien. J'ai lu longtemps un hebdomadaire fasciste et je me suis presque trouvé d'accord avec les articles qu'il contenait. Mais comme je lisais la feuille fasciste qu'une fois par semaine et que l'Humanité achetée à Blanc-Misseron me servait quotidiennement de pâture intellectuelle, j'étais communiste tous les jours de la semaine et fasciste le dimanche. " (p. 98)

Bravo à ces trois écrivains pour cet ouvrage précieux, documenté à l'extrême, nous faisant découvrir cet auteur,avec toute l'objectivité possible, nous signalant combien ce dernier est demeuré « sulfureux », même présentement, au vu de plusieurs refus quant à la consultation d'archives, dont celui du propre fils de l'écrivain, Paul Jumeau…

Je transcris les dernières lignes qui en disent long…sur les difficultés extrêmes de ces procès pour « collaboration »…D'autres exemples d'artistes français se sont trouvés dans des situations détestables ; certains ont bénéficié du fait que le « public » a su séparer l'oeuvre littéraire des opinions « politiques » ...


« Joseph Jumeau alias Pierre Hubermont s'éteint le 18 septembre 1989 à Jette, deux semaines après son exact contemporain Georges Simenon. le plus traduit des romanciers belges avait, en 1945, fui la justice française, le Comité national d'épuration des gens de lettres à Paris enquêtant sur ses succès littéraires et cinématographiques sous l'Occupation. Il s'était alors installé au Canada, puis aux Etats-Unis. Si le décès du créateur de Jules Maigret déclencha une sorte de deuil national, on chercherait vainement quelconque notice nécrologique portant sur l'auteur de –Treize hommes dans la mine »[…que je suis curieuse de lire après la lecture très instructive de cette biographie ! ]
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