Malgré mes recherches, je n'ai pu glaner que très peu de renseignements sur ce premier séjour de Gauguin à Pont- Aven. Quand nous reparlerons tout à l'heure des influences subies en Bretagne 'par Gauguin, j'aurai l'occasion d'en reparler, car j'ai l'impression que c'est pendant ce premier séjour en Bretagne que Gauguin a vu ses conceptions artistiques se modifier de fond en comble. Mais Gauguin, tout à fait inconnu, n'entretenait pas alors de relations avec les autres peintres de la pension ; il était disciple de Pissarro et les peintres orthodoxes n'eussent point voulu se commettre avec pareils barbouilleurs. Quels étaient d'ailleurs ces peintres ? Nous ne connaissons point leurs noms.
Gauguin exposait aussi à ses amis et élèves les principes de son credo pictural. Il leur répétait les axiomes qui lui étaient chers, tels que : « La ligne, c'est la couleur ». Image frappante qui démontre que Gauguin avait pour le dessin autant de respect qu'Ingres et qui distingue de plus entre le genre de dessin qu'un coloriste doit cultiver et celui qu'il doit éviter. Il disait encore : « Un centimètre carré de vert au milieu d'un tapis de billard est plus vert qu'un centimètre carré de vert pris isolément ». Ainsi résumait-il, en quelques syllabes, toute une partie de son étude professionnelle, longuement poursuivie dans les directions les plus nouvelles : la variation des tons et la peinture de l'atmosphère.
Lui qui avait horreur d'entrer en communication avec des interlocuteurs hostiles, étrangers et inconnus, prenait au contraire plaisir à s'expliquer dès qu'il se sentait dans un milieu sympathique.
Et d'abord Gauguin avait-il du sang breton dans les veines ? Que sa mère fût péruvienne, tout le monde est d'accord là-dessus ; mais le père était-il breton ? Sans doute, pour expliquer les voyages de Gauguin en Bretagne, quelqu'un l'a écrit un jour et bien d'autres ensuite ont répété l'information ; car le consentement universel ou quasi universel est presque une preuve de la non- véracité d'un fait. Non seulement on a répété ce pseudo-fait qui n'était probablement à l'origine qu'une déduction hasardeuse ; mais encore, de cette déduction, on a fait sourdre des déductions nouvelles.