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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Faites-vous plaisir avec Monsieur Amérique, ou faites plaisir a des amis avec Monsieur Amérique, parce que c'est simplement un chef d'oeuvre.

En cette rentrée littéraire, vous avez le choix entre renforcer vos tentations les plus nihilistes et sombres avec le Houellebecq du moment, ou bien lire un hymne honnête et captivant a l'humanité, dans cette plongée ciné matographique et émouvante de l'univers du bodybuilding et de l'Amérique des années 60-70 et d'un personnage hors du commun, sorte d'Howard Hugues des haltères.

Bref, quelques grammes de finesse dans un monde de brutes :-)

Choisissez-bien vos lectures, votre avenir en dépend!

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Monsieur Amérique, c'est un peu L'étoffe des héros de Tom Wolfe chez les Bodybuilders. Un prodige d'élan, de vitesse et de démesure à l'Américaine, avec, à la place du fracas des tuyères, de l'odeur du kérozène, des explosions, le rythme des entrainements, le ressac des reps, le gout des stéroides aussi. Cela commence pourtant lentement. Cela commence dans la petite ville terriblement américaine d'Ephrata, pas très loin de Philadelphie. Cela commence par l'étrange épiphanie du jeune Mike Mentzer devant le corps prodigieux de Bill Pearl. Monsieur Amérique, Monsieur Univers. Un titan. Une prodigieuse, une antique énormité. de ce moment là pour Mentzer, les choses sont claires. Un jour, lui aussi sera comme ça. Il sera Monsieur Amérique.

Ce qui désarçonne d'abord nos préjugés, c'est la personnalité du jeune Mentzer lui-même : son mutisme sévère de bon, de très bon élève, son intelligence déjà spéculative et déjà méthodologique, tout ce dont d'emblée il nimbe sa quête du corps prodigieux. L'énergie de l'auteur nous emporte avec lui dans l'histoire esthétique et politique du culturisme - depuis Milon de Crotone l'Europe de la Belle Epoque, de son retour dans l'Amérique du Nord de l'après-guerre, après quelques zigzags par l'aspiration au surhomme à la quête de l'extase matérielle - par la face sombre de cette quête ou science et sorcellerie se conjuguent pour repousser la finitude humaine, de Frankenstein au cercle du Thulé, à la Guerre Froide, l'effrayant désir de se sculpter soi-même en vivant écrin de la transcendance. Au passage, aussi, l'économie. L'émergence de cet "écosystème" de revues, de manifestations, de coupes et de prix, où le pressentiment des nouveaux marchés qui s'ouvrent met à mal le respect des principes sportifs.

La cours du roman est classique d'une quête. Dans la première partie, les premiers pas du héro. Ses premières difficultés - qu'il surmonte (les réticences de son père) - ses succès, sa reconnaissance croissance. A l'aube de l'âge adulte, Mentzer est adoubé, attendu. Il est l'espoir. le grand espoir.
Les parties suivantes, l'adversité. Dans l'étoffe des héros, c'est John Glenn qui joue le rôle un peu ingrat de personnage dont on connait d'avance par le recul du temps la victoire finale, mais dont l'intrigue montre l'ambiguité première, l'ambition, l'homme, ses tics, ses manies, ses laideurs avant que le costume de héro les recouvre. Monsieur Amérique nous confronte à un autre type d'antagoniste, plus déplaisant, mais en quelques sorte plus fascinant aussi. le nom d'Arnold Schwarzenegger suffit à nous faire comprendre que Mentzer ne gagnera pas. Nous avons le recul, nous connaissons la suite. Et pourtant nous nous laissons prendre. Nous continuons à suivre les efforts de Mentzer, nous le suivons dans ses défis au "Chêne Autrichien". Contre l'intention de l'auteur cependant ou pas, nous nous attachons à l'antagoniste. Il y a quelque chose de néronien en lui, ce mélange de bêtise et de ruse, de perversion et de souveraineté. Et quoique nous en pensions, nous sommes un peu faits de lui. Face à lui, Mentzer nous parait parfois unidirectionnel : rigide, corseté, unidirectionnel. Ses principes et son objectivisme scientifique nous paraitraient presque déplaisants, hostiles tout du moins.

Les pages se succèdent sans nous lasser. Elles mènent à un premier triomphe de Mentzer : un score parfait lors du concours Monsieur Univers de 1978 à Acapulco. Entretemps, Mentzer a développé ses propres principes d'entrainement, la méthode Heavy Duty qui limite la quantité d'entrainement pour viser l'effet maximal avec le minimum de répétition. Jusqu'ici l'histoire ressemble à d'autres histoires que nous connaissons de la tradition : Galillée, Darwin, Pasteur. Après l'adversité, après la traversée du désert du héro, la vérité finira par s'imposer. Mais Mentzer lui-même doute parfois, sinon de lui, du moins d'avoir choisi la bonne histoire. Nous sentons que nous allons à l'échec : ce sera le concours Monsieur Olympia de 1980. Et nous entrons alors dans une phase d'errance et de déclin, ou l'enjeu n'est plus la lutte de la vérité contre les falsifications humaines. Mentzer n'est plus Galillée, mais le Sutter de l'Or de Blaise Cendrars, un être ébréché que tous se renvoient maintenant comme une boule de flipper, et qui ne se soutient qu'en se cramponnant aux rêves équivoques des autres. Une fin qui dure, moins linéaire, plus touffue que le trajet en épopée qui nous y a mené.

Le roman tient par l'énergie avec lequel il plonge dans ces phases malconnues de l'histoire américaine et y poursuit - y grossit, y révèle - l'aliment spirituel et métaphysique sous la surface du Pulp. Certains motifs reviennent sans cesse de page en page - la masculinité, la nouvelle masculinité - trop au gout de certain. Dans Murnau des ténèbres, de la même façon, l'auteur accueillera l'obsession de son personnage pour le jeu de la lumière et de la réalité. Il fait partie, ce roman - je n'ai pas pu m'empêcher de le penser - de ceux qui rendent peut-être la mort moins ignoble et scandaleuse, quand on les a écrits. Pourquoi ? Moins pour la perfection des phrases ou l'intensité des formules que pour la force qui y est mise et le sentiment d'unité, d'intégrité, qui en ressort. Monsieur Amérique est un roman qui vit, une écriture faite corps, un roman sans coutures, sans fatigue, qu'on sent avoir vécu en son auteur, qu'on sent avoir ravi, habité, emporté son auteur.
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Sublime conte (a)moral en forme de roman biographique au style adamantin : une oeuvre documentée et recherchée, qui touche à l'âme d'une époque. Chez Nicolas Chemla, Mike Mentzer incarne les contradictions d'une nation excessive dans sa quête d'absolu. Beau travail !
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Du très lourd...
Un titre un peu facile, mais je dois reconnaître que je suis plus qu'emballé par ce livre. Qualité d'écriture, gros travail de documentation, sacrée galerie de personnages. Magnifique bouquin, merci.
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