J’ai échoué à vivre parmi les hommes et je dois payer de n’être pas comme eux, de n’être pas soluble dans leur masse indistincte. Je dois le payer de ma fortune, mais cela importe peu. Je dois le payer de mon art, autant dire de ma vie. Vous le savez aussi bien que moi, Samuel, jamais je ne retrouverai mon éclat d’autrefois
Ma vie reposait sur une faille assez semblable à celle de San Andreas et mon 18 avril 1906 m'attendait là, à Paris, dans une ultime quinte de toux. (p. 142)
L’opéra nous rend plus beaux, plus nobles, jusque dans nos heures pathétiques, l’opéra nous éclabousse de son sublime, que nous absorbons, que nous laissons fermenter en nous, puis que nous livrons à nos sanglots.
J'ai reçu un éducation religieuse, et bien que mes parents n'aient jamais été aussi fervents que le reste de ma famille, l'atmosphère dans laquelle j'ai grandi a laissé en moi des séquelles profondes, de sorte que ma droiture n'est pas véritablement une morale mais plutôt une déformation. Pour autant, elle me tourmente dès que mon esprit dévie et je me sens alors la plus sale de toutes les femmes
Je peux vivre cette vie seule parce que, ainsi, je ne la vis pas vraiment. Mon esprit n’y est pas. Alors que si nous la vivions ensemble, je ne pourrais pas faire abstraction des matelas jaunis, des légumes ramollis, des compagnons de route édentés aux jeux de mots obscènes, de l’usure et des couleurs passées de mes plus belles robes, et surtout, surtout je ne pourrais feindre de ne pas entendre ma voix s’aplatir et, vulgaire flaque, se réduire au fil des jours, se recroqueviller en pleine lumière
Quelle fêlure personnelle me rend si sensible à la douleur du monde ?
La peur de se perdre rend vigilant.
-«… Je ne sais pas ce que pensent les gens, mais j’imagine qu’ils rêvent parfois de quitter leur mari ou leur femme, leur travail, leur milieu, que sais-je encore ; moi, j’ai tout quitté d’un coup
Je ne suis pas sûre qu'une beauté fanée ne soit pas encore plus triste qu'une beauté qui n'a jamais été.
Il faut être égoïste et seul pour tolérer la chute, ravaler l’orgueil, prétendre que l’on est quelqu’un d’autre ailleurs, nier les évidences.