Les douze folies d'Emma

On ne fait pas de l’argent sur le malheur des autres, aussi branché cela soit-il. Mais vu le taux de fréquentation, je dois être une des seules à penser cela.

La liberté est le maître mot de leur relation. Chacun chez soi, et les poules seront bien gardées.

En gros, j’ai vite compris comment Diane, derrière un sourire jovial, était parvenue à un tel niveau de hiérarchie. C’était un requin. Un requin aux airs de mère Noël qui confectionne des gâteaux à la cannelle. Désolée, Diane, mais c’est la stricte vérité.

La suite ?
- Ben oui, a renchéri Maëlys, on va faire les aisselles et les sourcils.
Là, j’ai cru mourir pour de bon. Mes dessous de bras, je les fais au rasoir, moi, ça me va très bien même si c’est pas parfait. Et si après le déodorant pique un peu, on s’y fait à la longue. Mais Maëlys m’a proposé la crème dépilatoire bio. Bon, eh bien, c’est pas encore au point… Bien entendu, une première couche n’a pas suffi.
- Tu as des poils résistants pour une peau si claire, m’a dit l’esthéticienne soi-disant professionnelle.
Maëlys a laissé agir la deuxième couche plus longtemps…
Résultat : si j’arrivais à baisser les bras au restau, ce serait un miracle.
Ca me brûlait encore plus que les jambes. L’étape déodorant allait sauter, pour le coup…
Vu comme je me tenais, on aurait dit que j’avais mis un pull en laissant le cintre dans le dos. Très sexy comme attitude. Avec ça, j’allais emballer Siegfried.
Le dicton « jamais deux sans trois » étant bien souvent approprié, il restait les sourcils. Maëlys a voulu rester dans les classiques, et puis, de toute façon, l’heure tournait, on avait perdu trop de temps entre mes jambes et mes aisselles. C’est donc à la cire chaude et à la pince à épiler qu’elle s’est attaquée à mon visage.
Je vous passe le récit, je détaillerai mieux dans la rubrique : j’ai une jolie ligne noire de sourcils désormais, mais encadrée de deux magnifiques boursouflures.
A priori, je suis allergique à ça aussi. Maë m’a dit que c’était normal, que tout le monde réagit ainsi, qu’il fallait juste que ça dégonfle.
- Mais ça prendra plusieurs heures, a-t-elle chuchoté.
- Quoi ?
Voilà comment j’ai rencontré Siegfried. Cramée de partout et le visage bouffi.

Ce n’est plus qu’une histoire de jours. Comme Evan ne veut pas mettre en péril le divorce à l’amiable, car il a peur que sa femme l’accuse d’adultère pour gagner plus, il ne veut pas que l’on se rencontre maintenant. Un homme qui voudrait juste coucher avec moi ne sortirait jamais ça, donc CQFD : il ne ment pas.D’ailleurs il a été adorable et m’a remonté le moral en me disant de prendre du recul, que mes amis ne voulaient que mon bien mais que je devais pour ma part leur montrer que j’avais confiance en moi, que ma vie me plaisait. Suivre leurs conseils sans pour autant changer ma personnalité, etc. Ça m’a fait beaucoup de bien de l’entendre. Oui, je vais changer certaines choses, mais pas tout. Je ne sais pas encore lesquelles, c’est tout.

Faut pas croire que les menteurs sont tous des lourdauds qu’on voit venir avec leurs gros sabots à cent vingt kilomètres. En général, ils sont plus subtils. Ils t’amadouent avec leur histoire. Lui n’a plus de relation avec sa femme, ils sont devenus amis, mais elle est malade ou dépressive, donc il la quitte en douceur. Il dort sur le canapé depuis quelques mois, c’est ça ?Là, j’ai été touchée. Il a marqué un point car c’est ce qu’Evan m’avait dit, à peu de choses près, or je ne voulais surtout pas le leur montrer. Donc j’ai menti… J’ai dit que sa femme était déjà partie et que le divorce devait être signé le mois prochain. J’ai pensé que, d’ici à ce que mon article sorte et qu’ils le lisent, j’en saurais plus et j’aurais rencontré Evan… L’espoir fait vivre. 

On parle de tout et de rien, et ça me fait un bien fou. Il aime mon charme « naturel » et adore ma repartie. Dès qu’on parle de nos passions, on répond la même chose au même moment. Je vous promets, il se passe un truc, c’est comme...

Parce que c’est facile, chez soi, de lire mon article et d’avoir une repartie toute trouvée, mais en direct live, c’est pas la même chose. On a déjà beaucoup critiqué mon physique : des genoux cagneux en primaire, dixit les copines, les petits seins quand j’avais quatorze ans, dixit un idiot de ma classe, les gros seins à dix-huit, dixit une fille jalouse, et le plus souvent, les taches de rousseur – même si j’ai appris à vivre avec et me suis rendu compte qu’elles n’étaient pas si marquées que ça, mais bon, c’est le pire complexe d’une ado, je crois. Tout ça pour dire que les remarques sur le physique, malheureusement au XXIe siècle, c’est encore pire qu’avant. Mais entendre dire que j’ai un grand front, c’était une première.

Peu d’hommes aiment les femmes trop musclées. Ça ne t’irait pas, je pense. Tu es très belle comme tu es. Fais gaffe, Emma, ne te prends pas trop au jeu de ton nouveau boulot. C’est sympa mais ça reste un travail, ça ne doit pas te changer.

Il n’est pas très grand, mais ce n’est pas grave, je n’aime pas les perches. Je fais un petit mètre soixante donc les grands machins, très peu pour moi. Au-dessus du mètre quatre-vingts, ça me pose problème. Pablo doit faire un mètre soixante-dix, ce qui est parfait car je pourrais même me payer le luxe de mettre des talons si je devais sortir avec lui autrement que dans mes rêves.