Le mystère de Listerdale

Il n'avait pas fallu dix minutes pour que Georges, jeune homme qui voyait s'ouvrir devant lui une carrière prometteuse dans les affaires, jusque-là considéré par son oncle comme la prunelle de ses yeux et tenu pour l'héritier présomptif de sa fortune, ne tombe dans la triste condition de recrue supplémentaire dans l'immense cohorte de sans-emploi.

- Oui c'est affreux. Les journaux n'en ont pas parlé... mais la police sait que personne n'est entré dans la maison, ce soir-là.
- Vous voulez dire que ? ...
- Qu'il doit s'agir de l'un de nous. Mais qui ? La police l'ignore... et nous aussi. Nous ne savons pas. Nous restons à nous observer, à nous épier, à nous demander qui est le coupable. Oh ! Si ce pouvait être quelqu'un venu de l'extérieur... Mais je ne vois pas comment...

- Hello! James...
Il se détourna. Grace et les soeurs Sopworth le hélaient de l'autre côté de la rue.
- Voulez-vous m'excuser une seconde? demanda-t-il à lord Edward
- Nous allons au cinéma, dit Grace. Si le coeur vous en dit...
- Je suis désolé, répondit James, mais je m'en vais déjeuner avec lord Edward Campion. Vous voyez, c'est ce type, là, troussé comme l'as de pique. Il veut me présenter le rajah de Maraputna.
Et soulevant courtoisement son chapeau, il traversa pour rejoindre lord Edward.

Dans mon métier, nous aussi, nous faisons des expériences. Pour distinguer un meurtre d'une mort naturelle, par exemple. Nous mettons les faits en équation. Nous les soupesons. Et, nous aussi, nous analysons le résidu après en avoir soustrait, si j'ose dire, le poids des préjugés et l'imprécision commune des témoignages. Mais il y a un test qui réussit toujours. Extrêmement précis, mais très dangereux !... Un meurtrier ne se contente jamais d'un seul crime. Donnez-lui un peu de temps. Endormez sa méfiance. Il en commettra un autre. On arrête un bonhomme : a-t-il tué sa femme, ou pas ? Si l'affaire n'est pas claire, remontez dans son passé. Si vous découvrez qu'il a déjà été marié plusieurs fois, et que ses épouses ont quitté ce monde de manière... - disons étonnante - ... alors, vous êtes sûr. On ne peut pas déclarer cela sous serment devant un tribunal, c'est évident. Vous tenez cependant une certitude psychologique. Et, une fois que vous êtes sûr, vous n'avez plus qu'à partir à la recherche des preuves.

Il était gros et, peu habitué à la course, haletait encore. Il avait les cheveux en brosse et une moustache à la Hohenzollern. Son accent était guttural et la raideur de son attitude laissait deviner que l’uniforme était sa tenue de prédilection.
George éprouvait cette méfiance instinctive de l’Anglais vis-à-vis de l’étranger et une antipathie spéciale pour les individus d’aspect germanique.

Elle avait toujours détesté les calculs. Et voilà que maintenant il lui semblait que sa vie n'était qu'une perpétuelle addition de dépenses aussi nécessaires que dérisoires. Leur total ne manquait jamais de l'étonner et de l'inquiéter.

On a compati à ma douleur, déploré cette fin brutale : un arrêt du cœur, un soir, après le dîner. Je ne crois pas que le médecin m'ait soupçonnée mais le décès subit de mon mari l'a beaucoup surpris. Je ne sus pas pourquoi je retournai à mon bureau. L'habitude, je suppose.

La fraîche innocence et la beauté d'une ingénue de dix-sept ans, pensait-il, ont tout de même moins d'attraits qu'une bibliothèque de criminologie bien remplie.

LE MYSTÈRE DU DEUXIÈME CONCOMBRE

Anthony Eastwood en était sûr, le lecteur serait aussitôt intrigué. De quoi peut-il s'agir ? se dirait-il. « Un concombre ? Deux concombres ? Je dois lire ça.»

Elle avait versé du thé dans les trois tasses. Elle avait déposé la première devant lui, la seconde devant elle. Un sourire un peu étrange avait illuminé ses lèvres quand elle avait posé le troisième bol sur une petite table, à côté de la cheminée, près du fauteuil où son mari avait coutume de s'asseoir. Un sourire révélateur...