AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,18

sur 4852 notes
C'est une de mes meilleures amies qui m'a fait connaître il y a quelques années l'écrivain Philippe Claudel, justement par ce magnifique et court roman qu'est La petite fille de Monsieur Linh. Elle m'avait pourtant prévenu, connaissant peut-être ma naïveté : « tu verras, tu ne t'attendras pas à la fin... »
À la faveur d'une actualité mondiale qui devient malheureusement presque habituelle, celle de ces personnes, hommes, femmes, enfants, jetés sur les océans à cause des guerres qui nous semblent si lointaines, parfois jetés sur les rivages, parfois noyés, j'ai eu envie d'écrire une chronique et je la leur dédie.
Monsieur Linh est un vieil homme, il appartient à ces destins-là. Il a fui son pays en sang, un pays d'Asie. Il n'est pas jeté sur un rivage, mais c'est presque cela. Ce n'est pas une plage de Méditerranée, c'est une ville bruyante d'Europe. Un instinct de survie l'aide à tenir debout, avancer sur ce chemin inconnu, protégeant de ses bras fragiles l'unique être qui le relie encore au milieu des vivants, sa petite fille. Pour rien au monde, il ne lâcherait son étreinte protectrice.
Et puis contre toute attente, lorsque le ciel semble fermé à toute lumière, lorsque nos villes sans âme sont impuissantes à tendre les bras, il y a brusquement de belles rencontres qui surgissent de l'ombre. Celle de Monsieur Bark est de celles-là. Leur amitié est improbable, elle se noue sur un banc public. On ne redira jamais assez la vertu de ces bancs publics, immortalisés par une chanson de Georges Brassens. Ils sont faiseurs d'amour, mais ici de solidarité et de bienveillance.
Les blessures sont lointaines, mais elles reviennent à la surface des gestes. Les mots les retiennent avec la pudeur de son auteur. C'est une voix qui nous parle, ce sont des mots qui tissent d'autres mots, nous avançons dans les dédales d'une ville où Monsieur Linh voudrait s'emparer d'un rêve, d'une fenêtre ouverte sur un autre ciel, peut-être trouver enfin un lieu apaisé, une chambre pourquoi pas, où déposer tranquillement sa fille qu'il tient presque à bout de bras. Continuer et la protéger pour que rien de mal ne lui arrive.
Les villes anonymes mugissent aussi par leur silence et leur indifférence affichée. Mais il suffit de deux hommes et de leur rencontre liée au hasard pour accrocher un peu de lumière à leurs pas encore hésitants, créer du lien, allumer un geste vers une main qui se tend. Ils sont tous deux déracinés, chacun à sa manière, et se comprennent mieux que s'ils pouvaient se dire des mots. Leurs gestes, leurs regards sont des ponts l'un vers l'autre.
Parfois dans l'effroi du monde, nous voudrions rêver que tous les enfants meurtris par les guerres se sentent protégées dans les bras de Monsieur Linh. Nous voudrions aussi que tous les réfugiés jetés malgré eux sur d'autre routes, trouvent un banc où s'asseoir près de Monsieur Bark.
Ce livre nous dit l'exil, le déracinement, la solitude, mais aussi l'amitié, la solidarité. Cependant j'oubliais peut-être, non pas le plus important, mais cette intention essentielle et presque anodine qui passe par une écriture à la fois pudique et généreuse, celle de son auteur Philippe Claudel.
J'ai adoré la manière qu'à cet auteur pour dérouler une histoire, peut-on dire ordinaire, et de la rendre proche de nous. Philippe Claudel nous amène au plus près de ses personnages, nous pourrions presque les prendre dans nos bras, où plutôt être par-dessus les épaules de Monsieur Linh et Monsieur Bark, au-dessus de ce fameux banc public, déployer nos bras au-dessus de leurs épaules et leur dire : « prenez soin de vous ».
Commenter  J’apprécie          7411
Quelle merveille que ce roman ! Je l'ai découvert parce que je devais le couvrir pour la médiathèque et cela faisait un très long moment que j'avais envie de le lire mais je retardais chaque fois l'échéance, je ne sais pas pourquoi et peut-être maintenant fut-il le bon moment...le bon moment pour apprécier ce texte à sa juste valeur sans pleurer comme une madeleine (eh oui, je suis très, voire un peu trop sensible parfois).

Ce magnifique ouvrage raconte l'histoire d'un homme sans âge, bien que très âgé; Monsieur Linh, immigré, arrivé avec sa petite fille qui n'est encore qu'un bébé. En quittant son pays village natal où il connaissait absolument tout le monde, Monsieur Linh a fui un pays complètement ravagé, croulant sous les coups des tirs sous lesquels il a perdu son fils et sa belle-fille. Lorsqu'il arrive dans ce qui va devenir sa terre d'accueil, le vieil homme (c'est ainsi qu'il est souvent nommé ici) dont il ne comprend pas la langue, note protagoniste est parfois repoussé par les siens -femmes et enfants (ceux qui viennent du même endroit que lui) sans que l'on sache pourquoi mais Monsieur Linh s'en fiche : il a sa petite fille avec lui et en s'aventurant dans un parc avoisinant, il va faire la connaissance "du gros homme", Monsieur Bark. Entre les deux hommes, pas besoin de parler la même langue : les expressions dans leurs yeux ou sur leus visages quand ils parlent suffisent à ce qu'ils se comprennent. Deux hommes seuls, qui ont énormément souffert et entre lesquels va naître une amitié que, même si bien des frontières séparent, sera plus forte que tout !

Un roman fort, extrêmement poignant et qui, avec ses chapitres courts, se lit extrêmement vite (trop vite peut-être...aussi ai-je essayé de faire durer le plaisir au maximum - étant d'ailleurs un peu à la fois over mais hyper-bookée en ce moment- et je ne peux, si ce n'est pas déjà fait pour vous, que vous recommander cette lecture !
Commenter  J’apprécie          738
A cause de la guerre... des hommes, des femmes, ou des enfants perdent tout... leur famille, leur maison, leur terre, leur pays, et parfois leur raison de vivre.
Monsieur Linh aurait pu être de ceux-là, il a presque tout perdu, mais lui, il a encore une belle raison de vivre... sa petite fille !
Si loin de son pays, de sa vie simple mais qui avait un goût de bonheur... sans même pouvoir en parler... taire toutes ces horreurs, tous ces malheurs... sans la petite Sang Diû aurait-il pu garder la raison ?
Voilà qu'enfin, avec une amitié née sur un banc, reviennent des petits bonheurs, tout petits, tout légers. Une amitié qui donne un peu d'espoir.
Mais décidément le sort s'acharne toujours sur les mêmes...

Une histoire probablement vécue par de nombreuses personnes... une histoire d'exil et de deuil, une histoire triste et pourtant belle avec son écriture poétique, nostalgique. Un roman que l'on ne peut qu'apprécier.
Commenter  J’apprécie          732
Lettre d'excuse à Philippe Claudel

Cher Monsieur Claudel,
Est-ce la providence qui m'a fait éplucher les journaux de la semaine, justement le jour de votre passage ? Si j'avais lu l'article, à peine deux heures plus tard, je vous aurais manqué. L'annonce de votre venue dans une ville proche de la mienne, où j'étais persuadée que vous ne mettriez jamais les pieds, me précipite dans une espèce d'exaltation incrédule. Mon fatalisme tempère mon enthousiasme et ne croit pas qu'il peut vous rencontrer ni vous parler réellement. Sans mon consentement, il a érigé, par protection, une barrière invisible et infranchissable entre vous et moi.
Devant le miroir, je m'observe d'un oeil critique et décide de troquer ma tenue décontractée contre une robe plus habillée. Ma volonté de paraître de mon mieux devant vous est futile, mais le respect que je vous porte mérite un effort vestimentaire. Durant le trajet, une part de moi élabore des scénarios extravagants, tandis que l'autre tente de tempérer un enthousiasme à la limite de l'hystérie. Dans le cinéma, je calcule. Ne pas m'asseoir trop prêt ni trop loin de l'écran. Etablir une distance de sécurité et regretter un instant de ne pas avoir le cran de m'installer au premier rang pour vous voir mieux et baver malencontreusement sur vos chaussures.
A votre arrivée, je me place sur le bord de mon siège, suspendue à vos lèvres. Ma voisine trouve que vous faites trop de discours. Son ennui me paraît incongru. le film, oui, mais l'occasion de vous entendre en parler, c'est de l'or. L'oeuvre est accessible à tous mais l'auteur on le devine à peine derrière et lorsqu'on l'a devant soi, on a envie qu'il explique tout.
« Tous les soleils » commence et je vous oublie en faveur de votre oeuvre. J'avais préparé des mouchoirs, qui ne serviront pas. Vous me surprenez. En visionnant « Il y a longtemps que je t'aime » mes sanglots auraient rempli une bassine. Mais celui-là, c'est autre chose. Gai, sentimental, absurde, il frôle le tragique sans jamais y basculer. Pourtant, à la fin, lorsque les morts observent les vivants, je me surprends à verser une larme. Vous n'avez pas perdu la main.
Après le film, j'écoute les questions du public avec affliction. Il me semble que personne n'apprécie votre présence à sa juste valeur. L'un vous interroge sur votre patronyme. Vous répondez d'une boutade : « Je m'appelais Proust mais j'ai pris un pseudonyme ». Un autre vous confond avec le responsable de la distribution du film, tandis, qu'un dernier vous parle de son livre préféré, qu'il souhaite faire dédicacer s'il parvient à trouver un stylo. Vous répondez très cordialement. Mais, ma patience, contrairement à la vôtre, a des limites. Pourquoi personne ne parle du contenu du film ? Je rassemble mon courage et lève la main, vous m'apercevez et tendez votre bras vers moi pour que je prenne la parole. C'est mortifiant tout ce monde, je déteste parler en public. J'aurais voulu vous avoir en face de moi sans cet auditoire. Je vous pose une question sur le rapport entre les adultes et les enfants. La réponse, il me semble l'avoir perçue mais je cherche une confirmation de votre part. Vous développez le paradoxe, les enfants sont plus matures que les adultes. Une autre interrogation sur l'apparition des morts me vient à l'esprit, mais je n'ose la poser car elle me paraît trop métaphysique et je ne désire pas vous mettre dans l'embarras.
Alors que les gens sortent de la salle, je reste assise sur mon siège, un peu assommée. L'eau à la bouche d'une discussion, qui n'aura jamais lieu.
A l'entrée, je vous aperçois, seul. Vous paraissez si accessible que je n'hésite pas à me planter devant vous. La volonté de vous remercier est plus forte que mon embarras. Peut-être aurais-je dû y réfléchir à deux fois, peut-être, aurais-je dû préparer quelque chose car me voilà complètement désemparée. « Je voulais vous dire merci… » je commence, mais, ensuite, il ne vient à mes lèvres qu'une pluie de clichés : « J'ai lu tous vos livres… » Vous semblez poliment flatté. J'enchaîne avec un compliment ridicule vous comparant à un Dieu vivant descendu du ciel. Je ne suis pas certaine que ma métaphore vous enchante. « Il ne faut rien exagérer » vous tremperez. J'acquiesce. Evidemment j'en fais trop, mais je ne trouve par d'autres mots pour vous faire comprendre l'importance de cette rencontre. Toute la discussion, je m'égare et vous parle de moi alors que je désirais vous parler de vous et de votre écriture.
Je vous explique mon sentiment de m'être fait bernée lors de la lecture de la petite fille de Monsieur Linh. « La scène où l'obus tombe sur la poupée au lieu de la petite fille, je me suis sentie soulagée, quelle chance que ce ne soit pas l'inverse... » Vous m'aidez : « Plus tard, on apprend que c'est le contraire… » Je continue sur ma lancée : « Oui, vous arrivez toujours à me surprendre. Pourtant, je le sais et je me méfie de vous. » Vous riez : « Oui vous avez raison de vous méfier. » J'insiste : « Mais vous réussissez toujours à me mener en bateau. » Quelques secondes de silence. Je me sens complètement stupide. Il me semble que je suis passée à côté de l'essentiel. J'aurais pu développer mon propos, vous dire que j'étais si impressionnée, que j'ai relu le livre une deuxième fois, à l'affût de tous les indices manqués et troublée par ce nouvel éclairage à la fois touchant et cruel. Pourtant, je conclus. C'est trop difficile, votre présence me paralyse. « Merci. » je répète. Alors que je fais mine de m'en aller, vous me tendez votre main. A la fois, étonnée et reconnaissante, je la sers entre la mienne.
Dans la rue, le regret m'envahit de n'avoir pas su transmettre la joie que j'ai de lire vos livres. J'aurais dû souligner la musicalité parfaite de votre écriture. Combien cette douce mélodie de mots que vous parvenez à composer, apparemment sans effort, me régale. Je n'ai pas su vous parler de vos personnages et de leurs failles, qui révèlent toute la complexité de l'humanité. Un équilibre parfait d'ombre et de lumière, qui coexiste à l'intérieur de chaque être. J'aurais voulu vous dire que votre écriture respire la bonté et que cette qualité, je la suppose vôtre. J'aurais voulu vous faire comprendre combien vous m'avez fait rire, pleurer, combien vous m'avez choquée, aussi, parfois. Savoir vous parler de votre façon si simple et si juste de retranscrire les sentiments d'amour, d'amitié, d'espoir mais aussi de violence et d'intolérance. J'aurais voulu vous faire comprendre combien ce que vous faites est important. J'aurais voulu vous écouter, mais je n'ai pas osé me taire et laisser s'installer le silence. Coupable de brièveté, je vous écris cette lettre d'excuse.
Mais peut-être avez-vous déjà entendu ces paroles un milliard de fois. Peut-être que mon simple « merci » n'était pas si dérisoire et que vous avez perçu dans mes non-dits, plus de sens, que dans mes paroles...
Commenter  J’apprécie          722
Quelques heures !
A peine quelques heures pour être pénétrée de cet ouvrage de plus ou moins deux cents pages .
Sortir de cette histoire , le coeur brisé .
Sentir sur mon visage les larmes couler .

Partir !
Quitter son pays en proie à la folie de la guerre .
Savoir ne pas y revenir .
Emporter quelques affaires dont un peu de terre et une photo jaunie .
Serrer dans ses bras , le seul être qui lui reste et qui lui est si cher : une toute petite .

La vieillesse a-t-elle besoin de tant de tourments , n'a-t-il pas eu son lot de misères et si peu de bons moments .
Lui , Monsieur Linh , qui va le pousser à affronter une autre vie , loin de ses rizières et du chant de ses rivières , si loin à l'Ouest .
Qui est-il dans ce pays aux odeurs inconnues , où la foule grouillante se croise et s'entrecroise et jamais ne se salue .

Son désir le plus fou est de sauver " Sang Diû " , son rayon de soleil , la fille de son fils tué avec le reste de sa famille .
Mais , dans ce monde qui bouge , qui court , il se sent démuni .

Les nuages se retirent doucement de ses pensées lorsqu'il rencontre , sur un banc , un gros monsieur aux doigts colorés par la nicotine .
Monsieur Bark lui sourit généreusement . Ses paroles sont curieuses , il ne les comprend pas , ce n'est pas grave .
Ils se revoient souvent sur ce banc .
le vieil homme se réconcilie avec la vie .
" Grâce à Monsieur Bark , le pays nouveau a un visage , une façon de marcher , un poids , une fatigue et un sourire , un parfum aussi , celui de la fumée des cigarettes .
Le gros homme a donné tout cela à Monsieur Linh , sans le savoir . " P. 84

Ils vont pourtant se perdre de vue .
Monsieur Linh est envoyé dans un home pour personnes âgées , heureusement avec son bien le plus précieux : le bébé .

Se retrouveront-ils ?
" le soleil brille toujours après une nuit sombre "
( Ngugi Wa Thiong 'o)

Philippe Claudel nous offre une mélopée où les répétitions d'état d'âme du vieux monsieur , sont un chant d'amour à l'Asie et ses mystères , à ses rites ancestraux , à sa famille .
Sa plume , si légère , si noble , effleure notre esprit avec tellement de délicatesse mais aussi de détresse qu'il sublime Monsieur Linh et son courage .











Commenter  J’apprécie          716



“Qu'est-ce donc que la vie humaine sinon un collier de blessures que l'on passe autour de son cou?"

***

La guerre sévissant depuis plusieurs années lui a tout pris. Son village, dévasté. Sa famille, décimée. Il ne reste plus rien à Monsieur Linh si ce n'est une petite fille âgée de quelques semaines, dernier lien qui le raccroche encore à l'existence. 

Pour elle, il a décidé de fuir sa terre natale, celle "de ses ancêtres et de ses morts" et entreprend une longue traversée sur un océan chahuté. 

"Des jours et des jours. (...) tout ce temps, le viel homme le passe à l'arrière du bateau, les yeux dans le sillage blanc qui finit par s'unir au ciel, à fouiller le lointain pour y chercher encore les rivages anéantis."

Arrivé à destination, il rejoint un camp de transit pour réfugiés. La ville lui semble grande, froide, grise, sans odeur ni saveur. Rien ne s'apparente à ce qu'il connaît. Aucun visage ou repère familiers.

"C'est comme de venir au monde une seconde fois." 

Face au va-et-vient incessant de la foule, au vacarme assourdissant et aux regards indifférents voire hostiles, le vieillard se sent perdu, complètement démuni. 

" (...) c'est un pays étrange et étranger, et qui le restera toujours pour lui, malgré le temps qui passera, malgré  la distance toujours plus grande entre les souvenirs et le présent." 

Lorsque son chemin croise celui de Monsieur Bark, ce sont deux solitudes, deux âmes en souffrance qui se rencontrent, s'apprivoisent et se reconnaissent au-delà des mots.

Que leur réservera l'avenir ? 

*

Philippe Claudel nous offre un récit aussi sombre que lumineux mêlant subtilement tragédie humaine et force des sentiments. 

Conteur de talent au style sobre et dépouillé, il se place au plus près des personnages qui apparaissent bouleversants de fragilité.

Monsieur Linh fait partie de ceux dont je me souviendrai longtemps. Son dévouement, son courage et sa détermination forcent le respect.

Avec une simplicité désarmante, l'auteur dénonce l'absurdité de la guerre et interroge le regard que nous portons sur l'autre. 

Page après page, je me suis laissée bercer par la musicalité de ses mots et étreindre par l'émotion. 

Un beau roman sur le deuil, l'exil forcé, la nostalgie et les amitiés salvatrices à découvrir assurément.

***

"(...) ce peut être aussi cela l'existence! Des miracles parfois, de l'or et des rires, et de nouveau l'espoir quand on croit que tout autour de soi n'est que saccage et silence."
Commenter  J’apprécie          7017
Ce livre m'intriguait depuis un bon moment, pour moi il abritait un mystère, alors afin de le découvrir je me suis glissée tout en douceur dans cette histoire singulière.

Le pays où vit Monsieur Linh probablement l'Asie est dévasté par la guerre. Son village a été décimé ainsi que toute sa famille, à l'exception de sa petite fille Sang Diû.

Après un long voyage, il se trouve débarqué dans un pays qu'il ne connaît pas.

Il finit par s'aventurer dehors pour leur bien. Monsieur Linh s'installe sur un banc avec Sang Diû toute emmaillotée. Il lui chante une vieille chanson et ainsi la berce tout en songeant à son pays.

Il y rencontre Monsieur Bark, qui vient tous les jours s'asseoir sur le banc. C'est la rencontre de deux solitudes, une amitié forte va se nouer entre les deux hommes.

Malgré la barrière de la langue, ils se trouvent en bonne compagnie et établissent des liens, ce qui rompt leur isolement. Ces deux âmes solitaires, s'apprivoisent, s'attachent. Son ami sécurise le vieil homme qui ne lâche pas sa petite fille de ses bras. Leur duo symbolise la manifestation de leur souffrance, leur rencontre va leur offrir un regain de vie.

Monsieur Linh est accueilli provisoirement dans un dortoir mais va devoir le quitter pour regagner un autre refuge et là, leur amitié va être éprouvée durement.

Que vont-ils devenir ? Que nous cache l'auteur ?

La chute est brutale, étonnante. le lecteur est convoqué par l'auteur à se rassembler pour remonter le temps afin de comprendre.

Elle montre combien la guerre peut conduire un homme à la folie pour s'en sortir.

Une histoire hors du temps que je ne suis pas prête d'oublier
Commenter  J’apprécie          707
Ce que j'ai ressenti:
Je l'ai pris juste comme ça, pour me donner envie, juste pour le commencer…160 pages plus tard…Je l'ai fini…On peut dire que j'adore vraiment la plume de Philippe Claudel, et encore une fois, il a réussi à me captiver avec une histoire douce/amère qui nous parle d'un vieil homme condamné à l'exil, avec pour seule richesse, un enfant dans les bras…La petite fille de Monsieur Linh.

« Toujours il y a le matin
Toujours revient la lumière
Toujours il y a un lendemain
Un jour c'est toi qui seras mère. »

C'est un roman immensément touchant. Il nous parle de déracinement, de souffrances et d'espoir. Ce Monsieur Linh porte ses années et ses souvenirs, son sang et sa culture avec le peu de souffle qu'il lui reste. Il est conscient qu'une partie de ce qu'il a à transmettre va s'effondrer, alors il lutte contre la vieillesse pour voir sa petite fille, bien tranquille dans ses bras, s'épanouir devant ses yeux…

« La nuit a fait éclore dans la ville des milliers de lumières qui scintillent et paraissent se déplacer. On dirait des étoiles tombées à terre et qui cherchent à s'envoler de nouveau vers le ciel. Mais elles ne peuvent le faire. On ne peut jamais s'envoler vers ce qu'on a perdu. »

Avec beaucoup de pudeur et de bienveillance, Philippe Claudel nous raconte les péripéties d'un homme fragile qui va se lier d'amitié avec un autre homme sur cette nouvelle terre, à mille lieux de son pays d'origine…Une amitié où seule la bonté des âmes arrive à se comprendre, une amitié qui va enrichir leurs quotidiens solitaires, une amitié qui dépasse toutes les entraves que le destin peut mettre sur leurs chemins…

« Ainsi, songe-t-il, ce peut être aussi cela l'existence ! Des miracles parfois, de l'or et des rires, et de nouveau l'espoir quand on croit que tout autour de soi n'est que saccage et silence ! »

C'est une bien belle histoire encore que Philippe Claudel nous conte, où les blessures sont dissimulées derrière un voile de poésie, et c'est juste délicieux de se laisser envoûter par cet écrivain…



Ma note Plaisir de Lecture 9/10
Lien : https://fairystelphique.word..
Commenter  J’apprécie          696
Rencontre émouvante entre deux personnages que tout semble opposer et qui pourtant partagent les mêmes douleurs. L'un est grand et costaud, l'autre est petit, vieux et rachitique.

Monsieur Linh a du subir l'exil avec sa petite fille Sang Diû, dont le prénom signifie Matin doux .Il se rattache à ce petit être qui représente tout ce qui lui reste de sa vie, son unique raison de vivre. Fuyant son pays en guerre il se retrouve dans ce pays "sans odeur" , à manger de la soupe à "la saveur muette".

Il va faire la rencontre de Bark sur un banc, dans une rue. Ce banc deviendra un rituel pour ces deux hommes, partageant chacun une grande souffrance.
Chacun parlant dans une langue inconnue de l'autre, ils vont se comprendre par les gestes, les regards, le son de leur voix, triste ou rassurante. Tout à coup Monsieur Linh va se retrouver réconforter par l'odeur de cet homme, celle de ses cigarettes. L'amitié sera sa terre d'accueil. de son côté, Bark va trouver du réconfort dans la voix du vieux monsieur qui le berce avec sa comptine enfantine.

La fin est remarquable, émouvante et cruelle. Elle nous révèle un événement inattendu qui va nous éclairer sur certains faits.
C'est un récit incroyablement bien écrit, où l'on retrouve les thèmes de l'auteur; les blessures profondes de la guerre, de la mort. Tout cela écrit dans un style fluide et poétique.
Commenter  J’apprécie          690
Voilà que je redécouvre ce roman lu lorsque j'étais môme et l'émotion est là, plus mâture aussi. De nombreux thèmes sont abordés ici: l'exil, la solitude, la vieillesse, c'est un peu la vie en somme.
Ou de l'absurde comme le laissait à croire Camus. Monsieur Linh doit fuir son pays en guerre. Il découvre des terres d'asile : le dortoir-le banc-le mouroir.
Assis sur le banc, Monsieur Bark et Monsieur Linh s'apprivoisent comme seule langue commune, celle de l'émotion, du sentiment à être bien accompagné. Monsieur Bark est tout cabossé. Sa femme est morte. Il fume cigarette sur cigarette. On en finira plus vite. Il pleure aussi d'avoir été soldat dans le pays de Monsieur Linh.
Monsieur Linh n'a plus que ses souvenirs lorsqu'il regarde la mer tout au loin. Plus rien n'a de saveur ici.
Si ce n'est la compagnie de Monsieur Bark et bien sur sa petite fille qui sera tout le long du roman sa véritable raison de vivre et d'avancer.

Merveilleux roman habillé de grâce et de poésie.
Tout fait sens dans un monde souvent insensé.
Commenter  J’apprécie          682




Lecteurs (10553) Voir plus



Quiz Voir plus

La petite fille de monsieur Linh, de Philippe Claudel

Quel transport prend Mr Linh ?

la voiture
le camion
l’autobus

10 questions
588 lecteurs ont répondu
Thème : La petite fille de Monsieur Linh de Philippe ClaudelCréer un quiz sur ce livre

{* *}