Pour la première fois de sa vie, Yvette se découvrait en plein désarroi. Élevée par des parents heureux dans une saine atmosphère de tendresse et d’équilibre, elle n’avait jusqu’à ce jour jamais connu la peur ou l’inquiétude. Et voilà qu’elle se heurtait tout à coup à des sentiments inhabituels dont la violence et l’absurdité la déconcertaient en même temps qu’elles l’irritaient. Qu’avait-elle à faire avec cet homme compliqué, mystérieux et sarcastique. Sa vie n’était-elle pas toute tracée aux côtés de celui qu’elle avait choisi ? Et même s’il venait un jour à la décevoir, n’aurait-elle pas connu près de lui, pendant un temps plus ou moins long, l’exaltante et douce puissance de l’amour ?… Pourquoi, dans ces conditions, ressentir une telle sensation d’angoisse comme si le terrain fuyait brusquement sous ses pas ? Décidément, des sorties comme celle de ce soir ne lui convenaient pas. Elles faisaient naître dans son cœur un climat de malaise et d’incertitude qui finissait par la démoraliser.
L’amour est sans aucun doute le plus déconcertant des sentiments humains, le plus complexe aussi. Vous êtes jeune, brillante, lucide et passionnée. Si vous le vouliez, la vie vous apporterait ce qu’elle a de meilleur et de plus exaltant, mais vous préférez vous enfermer dans le cercle étroit d’un renoncement dangereux où vos dons, vos aspirations, s’étoufferont peu à peu…
Elle reprit sa lecture à l’endroit où un mince signet de papier servait d’indication. Tout de suite elle retrouva l’enchantement du verbe, la qualité du style qui l’avaient frappée à la lecture des premières pages. La forte personnalité de l’écrivain s’imposait à travers les mots, les images, dominait les situations, transparaissait dans la puissance de l’analyse.
Je l’ai aimé, oui, je le reconnais. Mais, à vingt ans, on s’illusionne facilement sur la force de ses sentiments. Fabien était beau, brillant, dynamique. Il représenta pour moi le Prince charmant. Mais celui qui revint plus tard se révéla si différent de l’image qu’il m’avait laissée que, sans même m’en apercevoir, je me détachai de lui.
L’histoire me paraît construite avec des personnages et des faits trop artificiels pour émouvoir. Bref, le sujet est ingrat, et son développement, si subtil, si adroit qu’il soit, ne convainc pas.