Citations sur Les bannis et les proscrits, tome 5 : L'étoile de la so.. (30)
Kast obtempéra, mais il lui fallu l'espace d'une demi-inspiration choquée pour comprendre ce qu'il voyait. Deux bols ovales reposaient sur la table. Chacun d'eux avait des bords dentelés et était sculpté dans de l'éb'ène. Puis le sanguinaire se rendit compte qu'il ne s'agissait pas de récipients, mais des deux moitiés d'une même coquille.
- Vous l'avez ouvert ! hoqueta-t-il.
- Ça n'a pas été difficile, dit Sy-wen au niveau de son épaule, le bras toujours passé autour de la taille. Il n'a fallu qu'un peu de sang.
Elle désigna un des érudits, un jeune acolyte à en juger par sa ceinture jaune, qui gisait affaissé contre le mur. Sa robe blanche était toute tachée sur le devant. On lui avait tranché la gorge.
- En fait, plus qu'un petit peu, admit Sy-wen
Kast eu un mouvement de recul, mais le bras de la jeune fille le retint avec une force incroyable. Il voulut se dégager. D'autres mains le saisirent par-derrière et le maintinrent avec une poigne de fer.
- Que ... ? parvint-il à articuler.
Frère Ryn fit un pas vers Sy-wen.
- Un dragon à nos ordres. tu t'es bien débrouillée, petite.
Alors, Sy-wen lâcha Kast et lui fit face tandis que les érudits continuaient à le tenir.
Frère Ryn leva sa main. Une créature gélatineuse reposait dans sa paume. ses tentacules ondulaient sur le poignet et le long de l'avant-bras du moine. L'un d'eux se tendit vers Kast en tâtonnant à l'aveuglette. La minuscule bouche qui le terminait s'ouvrit avidement.
Kast blêmit.
- Tu connais ce petit monstre ? interrogea frère Ryn.
Kast en avait entendu parler. Bien des lunes auparavant, ses semblables avaient possédé l'esprit de tout l'équipage d'un bateau pirate en provenance de Port Rawl. Elena et ses alliés en avaient tout juste réchappé vivants.
- Récemment, le maître a procédé à quelques petites améliorations, roucoula frère Ryn. Celui que tu vois appartient à la nouvelle génération.
- C'est le dernier. Nous l'avons gardé pour toi, ajouta Sy-wen.
Kast lutta pour se dégager.
- Mais il reste une centaine d'autres œufs au fond de la mer, reprit frère Ryn. Chacun d'eux abrite une vingtaine de ces merveilleuses créatures.
- Et nous allons les repêcher pour notre maître, se réjouit Sy-wen. Toi et moi.
- Jamais, cracha Kast.
- Tu n'as pas le choix, mon amour. (Sy-wen tendit la main vers la joue de son compagnon et, dans un murmure moqueur, articula :) J'ai besoin de toi.
Il y a très longtemps, j'ai quitté cette forêt à tes côtés, dit-il avec raideur. J'ai été témoin de ta transformation - de fillette en femme, de sor'cière en reine. Et même si nous n'avons pas pu échanger le moindre mot pendant de nombreuses lunes, j'ai toujours connu ton coeur. Je ne t'abandonnerai pas maintenant. Cela m'est impossible. ton odeur est dans mon sang. Tu es ma meute.
- Le futur n'est jamais gravé dans la pierre. Parfois s'ouvrent des chemins que nul n'avait aperçus.
Elena se tordit le cou. Elle vit Tol'chuk contourner Er'ril et, par-delà le lac argenté, fixer son jumeau ténébreux.
- Pourquoi ? demanda-t-il simplement.
- Regarde, chuchota tante Fila près d'Elena. Parfois, un seul mot suffit pour infléchir le cours du destin.
Si les souhaits étaient des pièces de cuivre, nous serions tous riches.
Ainsi, une fois de plus, j'appose ma plume sur le papier, conjurant des mondes entiers grâce à l'alchimie de l'écriture. Chaque lettre me rapproche de la mort, me mène un peu plus près de rendre son sens à ma vie.
Puis elle réalisa qu'Er'ril l'observait. Elle lui sourit.
C'était là toute la magie dont elle avait besoin.
Devant lui, les bûches roulèrent dans le feu, craquant tel un vieil homme qui détend ses articulations rouillées.
- Ne me sauve pas... Contente-toi de m'aimer.
- Toujours, répondit Er'ril, s'abîmant en elle. Toujours et à jamais.
Les coïncidences n'existent pas.
— Quand tout ça sera terminé, je vais m’acheter un petit bout de terre dans les plaines. Un endroit sec, où je n’aurai rien d’autre à grimper que les marches de mon porche.
— Et les montagnes ? s’étonna Tol’chuk. Et la mine ? Je croyais que les n’ains n’aimaient que ça.
Magnam émit un bruit grossier.
— Qu’elles aillent se faire foutre ! J’en ai terminé avec les tunnels sombres et les cavernes humides. À partir de maintenant, je ne veux plus que de la prairie verdoyante, des champs à perte de vue et un panorama le plus dégagé possible !
Tol’chuk secoua la tête.
— Tu es un n’ain bizarre.
— Et tu n’es pas non plus un og’re particulièrement typique, répliqua Magnam.
Tol’chuk haussa les épaules. Durant son périple à travers les contrées d’Alaséa, s’il avait appris une chose, c’est que nul ne pouvait être jugé sur sa seule apparence. Chaque personne possédait des profondeurs cachées au premier abord.