Et voilà. Cette série est enfin terminée pour moi. Ce cinquième tome était à la hauteur de mes espoirs. L'action a toujours été présente, les rebondissements se sont enchainés et les révélations m'ont coupé le souffle. Je sais enfin qui est le mystérieux auteur des parchemins Kelvish et pourquoi ils ont été interdits ! Ces questions me taraudaient depuis looongtemps (trois ans et demi, en fait). Au fil de l'histoire, j'ai fini par croire que cela ne pouvait être que Mogweed, le seul compagnon de la sor'cière à mériter un tel châtiment (puisque c'est comme cela que le voit le scribe). Mais j'avais tort. J'ai vu que d'autres ont pensé que ce serait Er'ril – pour ma part, ça n'avait même pas effleuré mon esprit. Eh bien, on s'est tous trompé !
Le volume 4 m'avait beaucoup déçue et j'ai mis du temps avant de trouver le courage de poursuivre les aventures d'Elena. Je m'y étais ennuyée presque tout du long. Car Les Bannis et les Proscrits ont beau avoir de bons côtés, ils ont aussi des points faibles très récurrents et donc très énervants.
L'écriture est restée fidèle à elle-même tout au long de ces tomes : fluide, mais pas merveilleuse. Les mêmes expressions reviennent continuellement : l'éb'ène est une pierre « si noire qu'elle semble aspirer la lumière au lieu de la refléter », Ragnar'k apparaît toujours dans un tourbillon ou dans une « explosion d'écailles et de griffes argentées »… (D'ailleurs, l'argent est un des métaux les plus malléables au monde : comment ses griffes et ses crocs peuvent-ils couper quoi que ce soit ?)
Les descriptions sont souvent inutiles car elles sont très répétitives. Quand Elena ouvre le Grimoire, l'auteur raconte systématiquement que les pages deviennent une fenêtre sur un ciel nocturne rempli d'étoiles et de gaz : le Vide. À cause de cela, la plupart d'entre elles deviennent inutilement floues : quand un si'lura atterrit devant Er'ril, il le décrit comme une mystérieuse créature qui vole, qui se pose sur le pont et se transforme, et l'homme des steppes voit ses yeux ambrés et comprend enfin que c'est un métamorphe. Je précise que ça fait trois jours que les seuls oiseaux qu'ils croisent sont des si'luras – depuis que ces derniers ont rallié leur cause. Clemens aurait pu tout simplement dire qu'un métamorphe atterrit sur le pont et se transforme. Pourquoi se prendre la tête ? Au début, je lisais mécaniquement ces descriptions en me demandant ce que j'allais me faire à manger le midi. Mais sur la fin, ça commençait vraiment à me pomper.
Au moins, le tome 5 offre plus d'action que le Portail de la Sor'cière, où je me suis clairement endormie. En fait, le premier et le dernier volume étaient les meilleurs de la série, ce qui me fait penser qu'il aurait peut-être mieux valu que l'auteur ne fasse qu'une trilogie ou une tétralogie. Trop de longueurs parsèment les livres médians.
La fin, elle, est bel et bien une vraie fin, mais elle laisse présager un gros changement pour la suite. Elle est donc très réussie. Malgré tout, j'ai regretté qu'on n'en sache pas plus sur l'avenir des personnages : que leur arrive-t-il après ? le « Nous avons vécu… C'est tout ce qu'on peut demander » d'Elena est un peu léger ! Je dirais même que ça fait un peu désabusé, et que ça me donne plus l'impression qu'ils ont eu une existence difficile. C'est terriblement flou ! Ont-ils eu des enfants ? Sont-ils tous restés amis et ont-ils continué à se voir ?
J'ai également remarqué qu'il y avait beaucoup de fautes de frappe dans les derniers chapitres de mon édition (Milady), du style « sakl'tum », « Chi » au lieu de « Cho » (deux fois sur la même page !), « liée » au lieu de « Liée » et ainsi de suite. Les correcteurs étaient vraiment impatients d'arriver à la fin ?
L'univers est trop manichéen pour moi. Les opposants sont tous des bêtes difformes et cruelles, les alliés décrivent les terres proches de Noircastel comme des terres de désolation, des mers instables ou les icebergs côtoient des eaux fumantes ou les récifs sont ravageurs. Tyrus regarde ce paysage détruit et son coeur se serre d'inquiétude quand il se dit que c'est là le monde que veut le Coeur Noir. Mais je me suis demandée pourquoi : qu'est-ce qu'un monstre mégalomane comme lui pourrait bien faire d'un univers désolé où presque plus aucune vie ne demeure ? Ça n'a aucun intérêt ! Et pourquoi s'entourer de laideur et d'horreurs quand on cherche juste à se venger de la Terre ?
Car finalement, une seule chose est belle dans le domaine de Li'chuk : l'intérieur de son volcan. le reste n'est que destruction, corruption et noirceur.
J'ai pas pu m'empêcher de noter que le continent d'Alaséa est morcelé selon les quatre points cardinaux : le Grand Mur du Nord et le Grand Mur du Sud, Château Mryl au nord et Tular au sud, le Grand Croc du Nord et le Grand Croc du Sud, les Contrées du Couchants à l'ouest, les plaines de Stendi à l'est, le Grand Océan à l'est et l'Océan du Couchant à l'ouest. Et la grande séparation des terres dans un axe est-ouest grâce aux montagnes centrales. Étrange... Est-ce que c'est voulu et pourquoi ?
Autre chose : tous les peuples (mer'ai, el'phes, n'ains…) révèrent une seule et unique déesse, la Douce Mère. « Mère d'en-haut » et « douce Mère » sont des jurons internationaux. Avouez que pour des créatures aussi différentes et parfois, avec aussi peu de contact, il aurait été mieux de faire des religions plus variées. Ils ne peuvent pas tous avoir la même mythologie, quand même !
Les personnages ont une sacrée propension à renaître : tante Fila meurt, mais elle fusionne avec une entité supérieure immortelle, Mycelle se suicide, mais elle se fait mordre par un serpent magique, Nee'lahn est assassinée, mais c'est une nimphai, et miracle, les nimphai ne peuvent pas mourir (je n'ai pas bien compris pourquoi, d'ailleurs…). Tikal meurt (il a eu le cou brisé, donc c'est tout comme) mais le pouvoir d'Elena le ramène définitivement à la vie (alors qu'avant, il ne pouvait que guérir temporairement). Et si on veut creuser, il y a aussi le rat qui aide Tol'chuk dans le tome 2 qui a la colonne vertébrale cassée, et qui devrait logiquement en mourir – parce qu'une blessure aussi grave pour un animal sauvage, ce n'est pas anodin – mais il parvient de nouveau à marcher sur ses quatre petites pattes et ne se caractérise plus que par l'angle bizarre de son dos… Et notons aussi l'incroyable capacité de Greshym à survivre à tous les affrontements ! Il a beau être un vieux crouton, il est aussi résistant qu'une moisissure. Tellement résistant que j'avais envie de dire à l'auteur de le laisser crever une bonne fois pour toute et qu'on n'en parle plus. C'est très agaçant, les ennemis qui ne cessent de revenir – la Team Rockett, par exemple.
J'ai eu l'impression que l'auteur faisait de réels efforts pour me rendre Mogweed antipathique – tout spécialement dans le tome 4. Il passe son temps à se cacher derrière ses camarades dès qu'une ombre bouge et se permet en même temps de réfléchir à la meilleure manière de les trahir. Il est terriblement froid envers son frère qui, pourtant, ne cherche qu'à le protéger – comment des jumeaux peuvent être aussi différents ? Mais le pire, c'était ses pulsions sexuelles dans le 4 quand il espionnait Mycelle nue en train de se nourrir du paka'golo. Là, intérieurement, je l'avais condamné aux pires tortures. Si le but c'est de le faire détester des lecteurs, bravo, c'est réussi !
Mais son personnage gagne en profondeur dans les toutes dernières pages de la saga. Enfin (enfin ‼) il rassemble son courage à deux mains. Et la dernière chose qu'on le voit faire pour son frère m'a touchée… Finalement, peut-être que je vais pas le détester tant que ça, celui-là. Je regrette quand même que personne n'ait pu déjouer son double jeu et qu'il s'en sorte sans une explication.
Pour moi, le défaut principal des Bannis et des Proscrits est que les protagonistes manquent de profondeur (excepté Mogweed, du coup). Les histoires d'amour sont évidentes et clichées, sans relief et sans surprise.
Et les méchants ! Les méchants sont mauvais UNIQUEMENT parce que c'est dans leur nature (ou parce qu'ils sont possédés par de viles entités démoniaques). Aucune explication sur leurs actions et aucune nuance dans leur noirceur. Toutefois, certains sont corrompus, et donc leur nature est transformée et DEVIENT mauvaise. Mais d'une manière tellement exagérée qu'elle n'est pas crédible. Encore, si ça se faisait sur la durée ; mais non, c'est immédiat.
Quant au méchant des méchants, le Coeur Noir, le Parjure, le maudit… Dans la scène de combat final, tout le monde arrête de se battre et il commence à raconter sa vie ! Est-ce que c'est crédible, ça ? D'autant plus que Mogweed a essayé de le doubler en lui faisant croire que les gentils savaient déjà ce qu'il s'était passé devant la Porte des Esprits. Mais il ne fait pas le lien et pendant trois pages, il explique le pourquoi du comment, la raison de ses actions. C'est très intéressant, ce n'est pas le problème (justement, je voulais savoir), mais ça manque terriblement de naturel.
Et de plus, ce serait la Terre elle-même qui l'aurait corrompu ? Il a contourné son problème de stérilité et sa réaction à elle serait de le corrompre pour le rendre méchant ? Mais WTF ! Elle est vieille, elle est sage, elle est toute-puissante et elle s'est pas doutée que ça allait causer sa perte ? Et puis, c'est une réaction un peu disproportionnée. Et est-ce vraiment une punition ? Une fois méchant, il n'a pas vraiment conscience que ce qu'il fait est mal…
Un petit détail (mais qui a son importance) : TOUS les descendants de quelques illustres personnages ont EXACTEMENT les mêmes traits qu'eux. Elena, de la lignée de Sisa'kofa, lui ressemble tellement que Tol'chuk a failli les confondre, et ce dernier est le reflet parfait de son ancêtre : le Parjure. Je rappelle juste qu'il y a plus de cinq cents ans d'écart entre leurs naissances et que ce n'est pas possible d'être le portrait craché d'un aïeul aussi lointain. C'est un cliché trop récurrent dans les littératures de l'imaginaire.
C'était toutefois une série sympa à lire, quelques fois lourde, quelques fois bateau. Il y a des incohérences qui trainent par-ci par-là, mais en 3 550 pages, c'est normal de faire des erreurs. J'ai aimé le suspense, le gore (sauf à la fin, c'était too much), les révélations… Je n'ai éprouvé aucune assimilation aux personnages parce qu'ils sont trop simplistes (la plupart des alliés ne sont caractérisés que par un trait de caractère : Er'ril, l'emportement, Nee'lahn, l'écologie, Mogweed, la lâcheté, Fardale, le courage…). C'est fatiguant.
Je ne pense pas relire cette saga, même si je suis contente de l'avoir découverte.
Commenter  J’apprécie         90