Début de la pièce
Allô, allô, allô...... Mais non, madame, nous sommes plusieurs sur la ligne, raccrochez.... Allô.... Vous êtes avec une abonnée.... Oh !... Allô ! mais, madame, raccrochez vous-même... Allô, mademoiselle, allô... Laissez-nous.... Mais non, ce n'est pas le docteur Schmit... Zéro huit, pas zéro sept... Allô ! ... C'est ridicule.... On me demande ; je ne sais pas (elle raccroche, la main sur le récepteur. On sonne) ... Allô ! ... Mais madame, que voulez-vous que j'y fasse ?.... Vous êtes très désagréable.... Comment, ma faute.... Pas du tout.... Pas du tout.... Allô !.... Allô, mademoiselle... On me sonne et je peux pas parler. Il y a du monde sur la ligne. Dites à cette dame de se retirer. (elle raccroche, on sonne) Allô ! c'est toi ?.... C'est toi ?... Oui.... J'entends très mal....Tu es loin, très loin... Allô ! ... C'est affreux.... Il y a plusieurs personnes sur la ligne.... Redemande. Allô ! Re-de-mande.... Je dis : redemande-moi... Mais madame, retirez-vous. Je vous répète que je ne suis pas le docteur Schmit.... Allô ! .... A enfin.... C'est toi......Oui.... Très bien.... Allô !.... Oui.... C'était un vrai supplice de t'entendre à travers tout ce monde....
Et puis la souffrance distrait, elle est toute neuve, on la supporte.
Dans le temps, on se voyait. On pouvait perdre la tête, oublier ses promesses, risquer l'impossible, convaincre ceux qu'on adorait en les embrassant, en s'accrochant à eux. Un regard pouvait changer tout. Mais avec cet appareil, ce qui est fini est fini...
(livret de l'opéra)
« Oui, c'était désagréable. On croit être mort. On entend et on ne peut pas se faire entendre. »
Notre amour marchait contre trop de choses.
La nervosité ne se montre pas par de la hâte, mais par cette suite de poses dont chacun doit statufier le comble de l’inconfort.
Hier soir, j'ai voulu prendre un comprimé pour dormir; je me suis dit que si j'en prenais plus je dormirais mieux et que si je les prenais tous, je dormirais, sans rêve, sans réveil, je serais morte. (Elle pleure.)
Ce coup de téléphone devenait un vrai coup que tu me donnais et je tombais, ou bien un cou, un cou qu’on étrangle, ou bien j’étais au fond d’une mer qui ressemblait à l’appartement d’Auteuil, et j’étais reliée à toi par un tuyau de scaphandre et je te suppliais de ne pas couper le tuyau – enfin, des rêves stupides si on les raconte ; seulement dans le sommeil ils vivaient et c’était terrible………
Oui. Je sais. Je suis très ridicule, mais j’avais le téléphone dans mon lit parce que, malgré tout, on est relié par le téléphone.
….Il a toujours été convenu que nous agirions avec franchise et j’aurai trouvé criminel que tu me laisses sans rien savoir jusqu’à la dernière minute. Le coup aurait été trop brutal, tandis que là, j’ai eu le temps de m’habituer, de comprendre………..Quelle comédie ?........Allô !....