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Citations sur Le Royaume désuni (52)

Je ne garde pas un souvenir très clair de cette journée en tant que telle. Le 1er Juillet 1969, je veux dire. Mon journal, comme d’habitude, fournit quelques détails. BBC One a commencé à diffuser l’investiture à dix heures et demie, et ça a duré cinq heures et quarante-cinq minutes. J’ai du mal à croire que beaucoup de gens aient regardé l’intégralité de la chose. Je me souviens en revanche que toute l’école a été rassemblée dans la salle commune à un moment, peut-être en fin de matinée, pour regarder la cérémonie à la télévision. J’étais déchiré entre deux élans contradictoires.
D’un côté j’avais suffisamment assimilé l’indignation légitime de Sioned pour que la pantomime qui s’apprêtait à se jouer me laisse sceptique, et ça me plaisait bien de me considérer comme un cynique, un outsider, un rebelle – celui qui dégonflerait la grandiloquence de toute cette affaire d’un trait caustique, balancé sotto voce à mes camarades de classe.
D’un autre côté, alors que nous nous rendions à la salle commune, je n’ai pas pu m’empêcher de me vanter d’avoir, à peine un mois plus tôt, visité justement le château où la cérémonie allait avoir lieu, et j’ai décrit en détail l’ascension jusqu’au sommet de la tour de garde, et la vue imprenable sur la mer d’Irlande. Quand j’ai compris que l’évènement se tenait dans un tout autre château, que je ne reconnaissais pas du tout, je me suis trouvé embarrassé, et à partir de là je n’ai plus pipé mot.
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"Vous vous inquiétez du réchauffement climatique, de l'avenir de la BBC, de ce qui se passe en Palestine ou en Syrie. Des choses auxquelles vous ne pouvez rien et qui pour la plupart n'ont rien à voir avec vous. Le monde serait meilleur si chacun se contentait de cultiver son jardin, parce que quand on se mêle de ce genre d'histoires, à tous les coups on ne fait qu'empirer les choses. [...]
Martin grogna mais dit : "Bref, j'imagine que Pascal serait d'accord avec toi.
- Qui ça ?
- Blaise Pascal. Il a dit que « Tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre.»
- Très bien dit. Ça résume parfaitement la philosophie britannique.
- Il était français.
- Eh ben ça arrive que les Français aient raison, de temps en temps."
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« Ne sortez pas faire les courses, sauf pour les achats de première nécessité, comme l’alimentation et les médicaments – et faites-le le moins possible. Utilisez les services de livraison quand ils sont disponibles. »
« Mes parents vont s’en sortir, dit Bridget. Ils sont entourés de voisins. Et ta maman ? Est-ce qu’elle a compris comment utiliser sa tablette ? »
« Si vous ne respectez pas les règles, la police aura le pouvoir de les faire appliquer, y compris au moyen d’amendes et en dispersant les attroupements. »
« Ah, oui, et comment ils comptent s’y prendre ? »

Martin ne semblait pas prendre part à la conversation, et elle laissa donc Boris Johnson terminer son discours sans l’interrompre. Elle tenta de se concentrer sur ce qu’il disait, mais c’était difficile parce que sa façon de s’exprimer distrayait totalement son attention. On aurait dit qu’il essayait de parler comme Churchill s’adressant aux Britanniques durant les longues heures du Blitz, mais ce ton lui était tellement étranger – à des années-lumière de ses discours habituels, décousus et improvisés, pleins de mauvaises blagues et de références antiques tirées par les cheveux – qu’il y avait une espère d’inconsistance très dérangeante dans sa prestation, comme si c’était un vase creux qui s’adressait à la nation, un hologramme de Premier ministre plutôt que le vrai.
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Mais Martin commença à entendre des bruits de couloir au sujet d'un membre de cette fine équipe, qui semblait assez différent : il arborait une tignasse rebelle de cheveux blonds et se baladait dans Bruxelles au volant d'une Alfa Romeo, écoutant du heavy metal à fond les ballons sur l'autoradio. Il connaissait l'UE par coeur parcequ'il avait passé une bonne partie de son enfance à Bruxelles, il était allé à Eton et avait été président de l'Oxford Union, et il avait décidé de survivre au travail fastidieux que lui imposait son poste de correspondant à Bruxelles pour le Daily Telegraph en traitant tout ça comme une vaste blague, en manipulant les faits comme bon lui semblait et en tournant tous ses papiers de façon à prouver que le fonctionnement du Parlement européen faisait partie d'une vaste conspiration visant à contrarier systématiquement les Britanniques. Son journal l'employait comme reporter, mais il n'avait rien d'un reporter, c'était un satiriste, un tenant de l'absurde, et il s'amusait manifestement tellement, et était si bien partie pour se faire un nom, que tous les autres journalistes se consumaient de jalousie et passaient tous leur temps à essayer de comprendre comment devenir comme lui. Un signe de l'estime presque mystique qu'ils lui témoiganaient était le fait qu'il ne l'appelaient jamais pas son nom complet, seulement par son prénom. Ils l'appelaient simplement "Boris".
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Page 485 :
Debout à sa porte, son balai à la main, écoutant le bruit distant de ces voix d'enfants, Shoreh avait le sentiment d'habiter simultanément le passé, le présent et l'avenir : cela lui faisait penser à sa propre enfance, à l'époque où elle-même fréquentait, plus de vingt ans auparavant, les bancs de la petite école de Hamedan, un souvenir ancien quoique toujours vivace. Mais cela lui rappelait aussi que ces enfants qui criaient et chantaient seraient ceux qui porteraient sur leurs épaules les années à venir. Le passé, le présent et l'avenir : voilà ce qu'elle entendait dans les voix des écoliers qui résonnaient depuis le terrain de jeu, lors de la récréation du matin. Comme le murmure d'une rivière, comme le bruit de la marée montante, un contrepoint distant au chuintement de son balai sur les marches, une voix désincarnée chuchotant à son oreille, encore et encore, le même mantra : plus ça change, plus c'est la même chose.
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Ligne fixe et courrier : Gran ne se fiait pas aux moyens de communications modernes, mais croyait à la réalité de ces deux là. Cela faisant maintenant six ans qu’elle possédait une tablette - un cadeau pour son quatre-vingtième anniversaire - mais elle avait du mal à comprendre comment s’en servir. Il fallait téléphoner sur la ligne fixe, l’appeler sur Skype en même temps, et lui expliquer la marche à suivre. À chaque fois.
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Ces écrans, ces fenêtres, sont des barrières faites de verre, de silicone et de plastique que la pandémie a érigé entre nous. Ces barrières nous ont séparé de force, tout en nous faisant miroiter des mondes de communication qui ne sont que de pâles imitations, parfois rien de plus qu'une parodie de contact humain véritable.
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- "Alors, tu as demandé aux Taylor s'ils voulaient venir ?
- Oui.
- Ils ont dit quoi ? »
[...]
- Eh bien, j'ai parlé à Heather, et je lui ai dit qu'on recevait quelques amis et parents pour regarder le mariage de Charles et Diana, si ça leur disait de venir.
- Et ?
- Elle a dit que la famille royale n'était qu'un ramassis de parasites qui se gavent sur le cadavre putride d'un système social en faillite.
- On prend ça pour un non, alors ?
- Je crois."
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Debout à sa porte, son balai à la main, écoutant le bruit distant de ces voix d'enfants, Doll avait le sentiment d'habiter simultanément le passé, le présent et l'avenir: cela lui faisait penser à sa propre enfance, à l'époque où elle-même fréquentait, plus de trente ans auparavant, les bancs de la petite école paroissiale de Wellington, dans le Shropshire, un souvenir ancien quoique toujours vivace. Mais cela lui rappelait aussi que ces enfants qui criaient et chantaient seraient ceux qui porteraient sur leurs épaules les années à venir, qui reconstruiraient le pays après six années de bataille, et enterreraient le souvenir de la guerre. Le passé, le présent et l'avenir: voilà ce qu'elle entendait dans les voix des écoliers qui résonnaient depuis le terrain de jeu, lors de la récréation du matin.
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Quand Samuel rentra à la maison, une solide quantité d'alcool avait été commandée puis consommée, et se trouvait maintenant agréablement répartie dans l'ensemble de son système nerveux. Doll était tout sauf ravie. Son dépit était palpable, mais elle ne lui dit rien directement, car ce n'était pas ainsi que les choses fonctionnaient dans ce foyer. La mère et le père de Mary se disputaient rarement. Des désaccords survenaient, on échangeait le strict minimum d'allusions détournées, puis s'ensuivaient de longs silences chargés. Mais jamais on ne haussait le ton au-delà de celui, chagriné et acerbe, que prenait maintenant Doll pour déclarer:
"Tu as failli être en retard. Il est presque 15 heures.
-Pourquoi, il se passe quoi à 15 heures?"
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