Projet oXatan est un roman de jeunesse plusieurs fois primé, écrit par
Fabrice Colin en 2001.
J'étais curieux d'en savoir un peu plus sur ce roman plébiscité au collège : c'est chose faite !
C'est plutôt bien écrit, la lecture est facile, soutenue par un rythme croissant.
L'auteur utilise la technique narrative du journal intime, façon journal de bord. Un choix justifié dans le récit lui-même, et plutôt efficace. le narrateur est l'un des quatre jeunes adolescents au centre de l'histoire, ce qui aide à l'immersion. le langage utilisé dans tout le texte figure donc celui des jeunes. Je l'ai trouvé réussi, pour ce que j'en sais !
L'histoire débute par sa fin, où l'on apprend d'emblée que des quatre adolescents (les personnages principaux), seuls deux ont survécu aux terribles évènements, et que leur gouvernante a succombé elle aussi. Une entrée en matière intéressante et osée ! Mais je trouve cette exposition trop vague : on est amené à penser que le reste du récit a pour objectif de répondre aux questions : qui a tué, pourquoi, comment ? (D'ailleurs, le narrateur pose la question : « Qu'est-ce qui était évitable ? »). Mais cette introduction évoque également les mystères des lieux où se déroule l'action. Serait-ce là l'intérêt de l'histoire : percer ces mystères ? Enfin elle pose la véritable question, qui est celle des origines de nos adolescents et de leur identité.
Heureusement, le quatrième de couverture est beaucoup plus précis sur ce point…
Ensuite, l'intrigue construite autour de la question centrale est plutôt simpliste : deux autres personnages – l'un, venu de l'extérieur, l'autre, qui hante les lieux – détiennent à eux deux la réponse. À la mi-récit, les jeunes font la rencontre du premier, qui leur délivre d'un trait la première moitié de cette réponse. Aux trois quarts, ils font la rencontre du deuxième, qui leur délivre d'un trait le reste de la réponse. C'est tout !
Alors, pour apporter du relief et du suspense au récit, l'auteur y a greffé une partie aventure (très courte exploration des lieux), et une partie guérilla sur la fin, assez sanglante comme on s'en doute, où tout le monde se tire dessus dans une atmosphère d'hystérie générale… C'est bien fait, dans les grandes lignes.
Le récit est structuré en 13 chapitres : un par jour. Les premiers ne font que quelques pages, les derniers en font plusieurs dizaines. Une progression à l'image de celle de l'action, qui devient de plus en plus riche. J'ai aimé cette montée en intensité.
Pour autant, la première moitié du récit me semble trop longue et trop lente.
Aussi, dans cette première moitié du récit, l'auteur nous envoie sur une fausse piste avec l'évolution progressive du personnage de la gouvernante, qui devient complètement hystérique. Seulement, avec le recul, l'ampleur de cette évolution parait exagérée, peu crédible. Une fausse piste un peu trop forcée.
À part cela, les personnages sont plutôt bien faits. Les quatre adolescents sont vraiment caricaturaux. Pas mal de romance aussi…
Quelques passages peu crédibles :
Jester qui tend le bras hors de la barque et caresse les alligators pour faire le malin… J'ai pensé un moment qu'on allait apprendre par la suite que ces bestioles sont en réalité inoffensives, mais… pas du tout en fait !
Phyllis qui va chercher une robe dans le chalet pour en faire un linceul pour Diana déjà morte, alors que dans le chalet se trouve le personnage armé qui vient de leur tirer dessus...
Dans ce roman, l'auteur aborde quantité de thèmes liés à la SF : terraformation, bioéthique, cyborgs, capacités psychiques, identité, fécondation, éducation... Cela m'a donné le sentiment d'un trop plein. Un certain étalage superficiel. du coup on reste sur sa faim sur pas mal de choses intéressantes, mais qui ne sont pas développées plus que cela. Par exemple, on ne saura rien du fonctionnement des « Ogres », pourtant vus de près. Ni de celui de l'oiseau mécanique, qui semble doté d'une certaine vie. le pourquoi des pouvoirs psychiques est bien expliqué (il est à l'origine du projet), en revanche le comment n'est pas très détaillé.
Autre problème : l'ancrage spatial et temporel parait vraiment artificiel. L'histoire se déroule dans un lieu isolé (un cratère aménagé) sur Mars en 2541. Or, a posteriori, il semble qu'elle aurait tout aussi bien pu se dérouler sur la planète Terre, et pas si loin dans l'avenir. D'ailleurs, on ne parle quasiment jamais de Mars (en dehors des informations de contexte données au début). Quant aux nombreuses références à la technologie, à quelques rares exceptions près, elles pointent non pas vers 2541, mais vers notre époque…
J'ai aussi relevé, dans les premiers chapitres, une multitude de références à des notions précises du programme d'enseignement des quatre adolescents, mais également… du lectorat ciblé ! Cela donne un côté didactique bien trop scolaire pour un roman de SF à mon avis. Je comprends que cela coche des cases qui ont pu séduire l'institution scolaire, mais sur l'intérêt littéraire, c'est moyen.
Voilà ! Mon ressenti après cette lecture est plutôt mitigé. Une écriture agréable et moderne, beaucoup de bonnes idées, mais pas mal de défauts aussi.
Quelques pistes de lecture :
Si la légende Maya (inventée j'ai l'impression) vous a plu, avec l'atmosphère qui s'en dégage, je vous conseille Destination Uruapan, du regretté
Philippe Ebly. À dégoter sur le marché de l'occasion.
Si c'est le concept de l'Eden (à la fois mystérieux et dangereux) qui vous a plu, vous pourriez adorer le matin des dinosaures, du même
Philippe Ebly. Dans ce roman, l'« Eden » est un espace protégé au sein d'un cirque dans les hautes montagnes des Pyrénées.
Si vous avez particulièrement apprécié le style de narration et que vous n'êtes plus au collège, ouvrez donc la première page de
Seul sur Mars, d'
Andy Weir (oui, ça se passe sur Mars aussi !).