« C’est à l’aune du danger qu’on mesure l’authenticité d’un engagement. »
« Une chose est certaine, les morts hantent les lieux où ils ont vécu comme si, par un principe d'infusion, leur souvenir
imprégnait le sol. »
Sylvain TESSON,
Une très légère oscillation.
« Tant que des femmes pleureront, je me battrai
Tant que des enfants auront faim et froid,
je me battrai (...)
Tant qu'il y aura dans la rue une fille qui se vend, je me battrai (...)
Je me battrai, je me battrai, je me battrai. »
Ce n'est pas elle qui tient la plume. Il lui semble que quelqu'un se penche sur son épaule et lui souffle le contenu de la lettre. Les phrases roulent, limpides, évidentes, elles se succèdent et s'enchaînent dans une étonnante fulgurance. Les mots lui viennent sous la dictée d'une muse invisible, d'une entité plus grande qu'elle.
On mesure les grands amours et les grands projets à l'aune des risques que l'on prend pour eux . Dalaï-lama
Elle retrouve ses mots, ses chers mots, qui lui ont tant manqué.
Ces dernières années, elle les croyait partis, évanouis, perdus.
Elle découvre qu'ils sont là, tout près. Ils ne l'ont pas abandonnée.
… de vieux agendas que l’on conserve sans savoir pourquoi, de vinyles, de cassettes VHS empruntées et jamais rendues, de boites à chaussures remplies de courrier et de tickets de cinéma - ah cette habitude de ne rien jeter, comme si l’on conservait par le truchement de souvenirs futiles un peu de sa jeunesse envolée.
Elle ne sait que faire de tout cela, ces vies entamées, ces chemins abîmés, ces souffrances qu'on lui a confiées.
Comment s'en libérer à présent ? Comment oublier ? Comment continuer à vivre comme si de rien n'était ?
Il est des lettres qu'on écrit à la main. Et qu'on dicte avec le cœur. (p.121).
Elle saute, bat des mains et des pieds, fait bouger ses jambes et ses bras, elle trébuche, perd la cadence, se rattrape, se relance. Elle s'abandonne à la musique parmi les Tatas, et leur danse, soudain, est comme un grand pied de nez au malheur, un bras d'honneur à la misère. II n'y a plus de femmes mutilées ici, plus de toxicomanes, plus de prostituées, plus d'anciennes sans-abri, juste des corps en mouvement, qui refusent la fatalité, hurlent leur soif de vivre et de continuer. Solène est là, parmi les femmes du Palais. Elle est là et elle danse, comme jamais elle n'a dansé. (p.111).