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Magnifique roman créole à l'angle d'attaque aussi intéressant que peu fréquent : la guerre de 1914-1918 vue de ‘'là-bas'', c'est-à-dire de la Martinique.
La France a mobilisé des hommes dans tous ses territoires, et les Antilles n'ont pas été oubliées. Au côté des Algériens, Sénégalais et autres coloniaux, les créoles ont aussi payé le tribut du sang à la France sur tous les fronts : bataille de la Marne, Verdun, les Dardannelles…

La guerre ne se résume pas à une série de dates et de batailles. Ce qui est intéressant, c'est de voir comment elle est vécue par les soldats et les civils. Et c'est ce que fait magistralement Raphaël Confiant dans un vibrant hommage aux Créoles morts pour la France.

Il nous donne dans un premier temps le point de vue des proches (mères, soeurs) des soldats, leur compréhension de l'événement si lointain, leur ‘'Là-bas'', rarement appelé ‘'Fwans''. Puis, par cercles successifs, nous avons le point de vue de ces soldats, leur engagement, leur premier contact avec la marine, l'armement, la métropole, le climat, le goût du rhum, la manière dont ils sont perçus par les soldats et les gradés.
Alors quand un gradé et les soldats de la métropole se rendent compte qu'un ‘'Nègre'' parle et écrit mieux le français que certains bretons ou limousins, c'est le comble ! Blanche Neige devient alors Monsieur Rémilien !
Ce livre montre très adroitement que dans les îles comme en métropole les origines cohabitent, sans forcément se connaitre. Dans le microcosme martiniquais, les couches sociales sont très hiérarchisées, chacun observe et méprise l'Autre, et c'est la même chose dans les régiments. Il ne fait pas forcément bon être Nègre et blessé dans les hôpitaux militaires.

‘'Conscription'', ‘'enrôlement'', ‘'réinhumation'', ‘'armistice'', les Antillais découvrent la ‘'Grande Patrie'' à travers les notions de l'Etat, tandis que, parallèlement, les soldats français découvrent que la Martinique n'est pas en Afrique.

L'écriture est riche, colorée, mâtinée de multiples expressions créoles qui nous transportent avec justesse dans la tête et le coeur de ces hommes et des femmes en quête de reconnaissance et de mémoire.

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Des « tralées » de jeunes Nègres déboulaient de tout-partout, apparemment vaillants, répondant aux roulements des tambours des Blancs-France en uniformes rutilants, galonnés de partout, et se laissaient charmer ainsi par un mot bizarre, tout-à-fait inconnu de tous, « conscription » et cela les avait fait rêver, eux qui pour la plupart savaient à peine lire et très peu écrire.
Quelques Blancs-pays, enragés, se tenaient eux devant leurs habitations ou leurs usines pour tenir des plaidoiries dans un créole plus raide qu'un coup de rhum sec avalé à jeun : « –Là-bas, ils n'ont pas besoin de soldats noirs ! C'est un grand pays, mille fois plus vaste que notre Martinique, dix mille fois plus peuplé. Ils ont une armée vaillante qui a toujours su combattre l'ennemi, et même quand elle a pu connaître des défaites, elle a relevé la tête. Elle a toujours fait front. Et la victoire toujours était au rendez-vous !... ». L'un d'eux, le commandeur Florent faisait peine à voir. Il ne réussissait à rameuter que trois-quatre bougres généralement considérés comme des fainéantiseurs de première catégorie et se faisait passer un va-te-laver par le géreur.
Les Blancs-pays avaient beau dégurgiter tout leur lot de « méchantises », rien n'y faisait : « Là-bas » la guerre avait commencé à faire rage et « Ici-là » tout un concours de jeunes Nègres vaillants frétillaient d'aise à l'idée d'aller défendre la mère patrie.
Mais c'était deux ans avant que cette chienne de guerre « Là-bas » ne vienne dérailler leur vie.
Man Hortense ne sait pas ce qu'ils appellent « Là-bas », cet endroit qui semble-t-il n'a pas de nom bien défini, dont nul ne connait les couleurs du ciel, ni les odeurs de la terre. Elle se tient debout droite dans son « Ici-là », plus raide que la racine du cassier, et parle à ses plantes-remèdes-guérit-tout qui à Philémon, ce vieux mulet en dérade qu'elle a un jour attrapé sur le chemin de Fond Gens-Libres au beau mitan d'un hivernage sans-manman alors qu'il tombait des avalasses de pluie chaude.
Qu'est-ce qu'il connaît de la guerre ce zouave drapé dans son uniforme bleu perché au haut du monument, statue du Soldat inconnu nègre, noir comme un péché mortel, et portant fièrement casque gris sur lequel les merles viennent chier de jour et les chauves-souris de nuit ? A-t-il goûté comme ces jeunes créoles à l'enfer des Dardanelles, aux tranchées de la Marne, eux dont grands-pères et grands-mères venant de l'Afrique-guinée, avaient connu les derniers feux de l'esclavitude. Il ne ressemble à personne de chez nous, ni de la Martinique non plus. On aurait juré un Blanc barbouillé de suie. Ces jeunes qui n'avaient pas compris pourquoi ils avaient été arrachés à leur île des Amériques et charroyés jusqu'à ce monde inconnu, ni pourquoi l'armée de « Là-bas » se cachait dans des trous au lieu de monter au front. Que les gens de « Là-bas » ne savaient même pas qu'un pays nommé Martinique existait.
L'auteur, Raphaël Confiant est né « sur » une habitation dans le nord de la Martinique. Issu d'une famille d'anciens distillateurs, à chaque vacance il retourne sur les terres ancestrales où il entend parler le créole et se met à aimer cette langue et à la défendre, il récolte des mots, des contes, et dépouille tous les livres écrits en créole martiniquais pour récupérer des mots et nous les refait fleurir dans « le Bataillon créole » avec un écrit relatant d'épineux et douloureux souvenirs.
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Pour moi ce livre est une grande richesse historique et littéraire. Combien de livres sont disponibles sur cette période, un peu trop à mon goût, on s'en lasse avidement, un sentiment que tout le monde veut mettre sur papier l'histoire de son grand père ? Mais combien parle de ce pan méconnu de l'histoire de la Martinique avec son recrutement de soldats lors de la Première Guerre mondiale ? En se plongeant dans ce livre, La Martinique nous ai conté bien plus qu'elle n'a jamais été à nos yeux, sa langue créole, son passé lié à l'esclavage, la beauté de ses paysages et ses habitants qui se relèvent malgré tout.
L'auteur maîtrise de bout en bout l'art de l'écriture, les personnages s'exposent sans se bousculer et ont une force de vie incroyable, l'histoire ne s'essouffle jamais. Vraiment bravo!
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En cette période de commémoration de la guerre de 14-18, il est intéressant de lire cet ensemble d'histoires dont les personnages sont des Martiniquais, victimes directes ou indirectes de la Grande Guerre. Ce « Bataillon créole » rend justice, après tant d'années d'oubli, aux jeunes hommes partis pour défendre la « mère-patrie », ce « Là-Bas » qu'est la métropole et qu'ils pensaient ne jamais connaître. Nous entrons dans la vie de gens modestes, découvrons un quotidien simple mais riche de courage et d'émotion, une langue créole traduite en un français truculent quoique parfois déconcertant.

Il y a Man Hortense qui pleure au pied de la « statue du nègre inconnu », son fils Théodore, mort au combat sur la Marne et dont le corps ne lui a jamais été rendu malgré les promesses de l'armée. Il y a Rémilien, cet instituteur, sérieux et instruit, personne de référence dans la petite ville, qui s'est épris jusqu'à la folie d'une « Koulie » (une Indienne) que sa mère a forcée à partir. Il y a des mésalliances impossibles...

Il y a Lucien, le jumeau de Lucianise, parti au front avec enthousiasme et qui a découvert l'amour d'une blonde à Paris. Les regards outrés des passants sur ce couple mal assorti qui s'embrasse. Mais Lucien a bien fait de profiter un peu de la vie, elle va vite s'interrompre, à la grande douleur de sa jumelle, Lucianise, qui pense à lui en Martinique. Elle aura eu le temps de le marier par procuration à une pauvre fille-mère abandonnée qui touchera « le mandat » et du coup toisera tout le monde !

Il y a Lucianise, que Raphaël Confiant voit comme une des deux( trois, en réalité) rescapés de l 'éruption dévastatrice de la Montagne pelée, le 8 mai 1902, Lucianise qui voit des images du futur et a pu se sauver à temps De Saint-Pierre avant qu'elle ne soit détruite par la nuée ardente..

Il y a tout cet enthousiasme naïf de jeunes créoles, jeunes Africains ou Maghrébins qui se côtoient dans les tranchées et découvrent l'horreur, cette fraternité épisodique mais réelle tout de même. Verdun, la Marne, Douaumont, Marmara, les Dardanelles, des noms écrits dans nos livres d' histoire pour une réalité insoutenable, l'horreur du retour, gueules cassées, esprits obsédés par le souvenir de l'insupportable, membres perdus et encore douloureux. Il y a l'imbécillité inextinguible des hommes-guerre qui n'en finissent pas de se trouver des motifs pour s'entre tuer et entraîner avec eux de jeunes combattants, naïfs et courageux. C'est juste le terrain de jeu qui a changé...
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Nous sommes à Grand-Anse au début de la première guerre mondiale. Tous, à part peut-être le bougre fou, vénèrent la mère patrie, le Là-bas qui a mis fin à l'esclavage des grands-parents. Aussi, lorsque les jeunes sont appelés à la guerre, c'est avec fierté qu'eux mêmes et leur famille acceptent cet "impôt du sang". Plus tard, quelques uns s'étonneront que les fils du maire, de l'ancien instituteur ou des riches commerçants en furent exempts, mais beaucoup sont prêts, un peu naïvement à envoyer leurs enfants.
Raphaël Confiant nous fait ainsi suivre les actes de bravoure de ces enfants du pays partis en France et les attentes des mères, soeurs ou épouses à Grand-Anse.
Théodore, Lucien, Rémilien, Ferjule et Ti Mano vont trouver en France le froid, les maladies, le racisme. Ils vont croiser des blancs qui, souvent, ne savent ni lire ni parler français. Certains mourront à Verdun, dans la bataille de la Marne, seront gravement blessés dans les Dardanelles ou faits prisonniers, d'autres auront la chance de rentrer presque indemnes.
Au pays, les mères, soeurs, femmes racontent l'attente, la vie au quotidien. C'est l'occasion de rappeler l'éruption de la montagne pelée au début du siècle, les différences entre Blancs, mulâtres, noirs et indiens-koulis, la contribution de l'île à l'effort de guerre qui provoque le rationnement pour les plus pauvres, la condition des femmes, les croyances du pays.
L'auteur choisit un récit non linéaire mais circulaire ( les différentes parties sont appelées Cercle) ce qui ne rend pas la lecture très fluide mais, par contre, montre bien que toute la problématique tourne autour de cette vénération pour la mère patrie un peu floue qui ne leur est pas vraiment rendue.

" de ce jour, un sentiment diffus qui avait commencé à germer au coeur des plus farouches partisans de la mère patrie ( car une poignée s'en foutait pas mal) finit par se répandre à travers la commune de Grand-Anse et ses campagnes. le sentiment que ce Là-bas pour lequel on avait offert les jeunes hommes les plus vaillants, ce Là-bas pour lequel on était déterminé à payer l'impôt du sang quitte à pleurer le restant de sa vie un fils ou un mari, ce Là-bas pour lequel on acceptait de se serrer la ceinture plus que de raison, eh bien qu'il n'en avait que cure!"

Ce roman est l'occasion d'aborder le rôle des bataillons créoles dans la première guerre mondiale, un aspect peu souvent évoqué. Et ceci avec la belleté du parler créole.
Lien : http://surlaroutedejostein.w..
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La guerre de 14, vue de la Martinique. Première fois que la conscription concerne l'île. Mais pourquoi ces jeunes hommes partent-ils "La-bas" ? Certains y voient l'occasion de réaffirmer leur appartenance à la France, de revendiquer une place de citoyen à part entière. Mais la boucherie en France, l'effort de guerre sur l'île vont pourtant changer la donne. Une écriture riche, vive et colorée.
Lien : http://appuyezsurlatouchelec..
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La Grande guerre, est en quelque sorte mon fil rouge en matière de lecture en cette année de centenaire. Je me réjouissais d'aborder au travers de ce livre le point de vue de l'outre-mer…. Me déception est à la hauteur de cette attente ; autrement dire énorme.

Les deux aspects rédhibitoires qui ne m'ont pas permis d'aller au bout de ce livre sont d'une part la langue à laquelle je ne suis pas sensible (il n'y a rien à faire, le créole, et ses expressions me rebutent), et une construction narrative à laquelle je n'ai rien compris.

Je ne me prononce pas sur les qualités du livre , sans aucun doute excellentes, mais je n'ai pas aimé car immédiatement je m'y suis sentie profondément mal à l'aise.

Lien : http://leblogdemimipinson.bl..
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Ils n'étaient pas tous blancs, et tous les noirs n'étaient pas sénégalais !

Le titre est bien réducteur, l'histoire est bien plus large et narrée avec beaucoup de poésie et tout l'art du conteur.

Le Bataillon créole donne la parole à ces hommes et à ces femmes qui, à mille lieues des véritables enjeux de la Grande Guerre, y ont vu un moyen d'affirmer leur attachement indéfectible à ce qu'ils nommaient la «mère patrie»
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Ils sont Martiniquais et se nomment entre autres Remilien, Theodore, Lucien, qui, de gré ou de force ont intégré le bataillon créole pendant la Grande guerre. Là-Bas, chante Goldman, ce là-bas c'est un pays qu'ils ne connaissent pas la France pour laquelle ils vont traverser l'Atlantique, la Méditerranée, pour se trouver qui à Verdun, qui sur la Marne ou dans les Dardanelles. Pendant ce temps les familles vivent ou survivent comme elles peuvent dans une Martinique grevée par les exigences économiques de la guerre.Certains ne reviendront pas, d'autres seront mutilés, et des chanceux seront épargnés par la Faucheuse. On fait des allées et venues entre le temps d'avant, le temps présent, entre la guerre et l'insouciance, entre le deuil et la joie, mais surtout on respire la Martinique et son créole, et on comprend mieux ce qu'ont enduré ces hommes de par le climat, leurs camarades de combat, et le calvaire qu'on vécu les familles...
A lire absolument car ce livre nous ouvre les portes de la société antillaise en ce temps là, les portes de la guerre vue du côté de ces soldats considérés comme des moins que rien alors que eux aussi, ils ont donné leur vie ou vu celle-ci se transformer en cauchemar.
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le bataillon créole désigne ici les jeunes martiniquais qui rejoignirent l'armée française, durant la guerre de 14-18, pour se battre aux côtés de leur « mère patrie », ce lointain pays qu'ils appelaient « Là-bas ». de la guerre, ils n'en connaissaient ni le déclenchement, ni les enjeux, mais pour défendre l'honneur de la Martinique et de la « Fwans », certains d'entre eux s'enrôlèrent, comme Théodore, coupeur de canne, Ti Mano éboueur municipale, Ferjule ajusteur à la distillerie et Rémilien l'instituteur.

C'est dans un très beau français créolisé que Raphaël Confiant évoque cette guerre à travers les paroles des soldats, mais surtout de leurs proches, restés en Martinique, et qui voient revenir des corps mutilés ou des cercueils – quand il y en a un. Certes cette langue particulière m'a semblé difficile au premier abord, mais je me suis laissée porter par les nombreuses images qu'elle véhicule, les mots m'étaient inconnus mais leur sens évident.

On voyage de Martinique en France en passant par les lieux de célèbres batailles, la Somme, la Marne, Verdun et jusqu'au front d'Orient, le détroit des Dardanelles et la presqu'île de Gallipoli. La guerre en elle-même n'est évoquée véritablement que dans quelques épisodes, dont le plus marquant est peut-être celui des tranchées à Verdun. Dans ces épisodes, retranscrits dans des lettres ou des témoignages, on aperçoit les conditions de vie déplorables des soldats créoles, non seulement car ils doivent s'habituer à un climat totalement différent du leur, mais également car ils sont mis à l'écart par les officiers et autres soldats français qui considèrent que tout homme noir vient d'Afrique. Raphaël Confiant rend hommage à ces soldats martiniquais et à ce pan de l'histoire de la Première Guerre Mondiale qui m'était méconnu.

C'est aussi et surtout la vie en Martinique à cette époque qui nous est donnée à voir à travers des personnages hauts en couleur, dans leur langage, leurs superstitions, leurs traditions et leurs coutumes. Par certains aspects, le roman en devient même tragi-comique et c'est peut-être là tout le talent de Raphaël Confiant, de nous avoir donné à lire un roman sur un épisode tragique de l'histoire, sans tomber dans le pathos et le devoir de mémoire.
Lien : http://leschroniquesassidues..
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