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Un superbe livre qu'il m'a été permis de découvrir grâce à l'opération Masse critique de Babelio et aux Editions Mercure de France que je remercie. Je suis particulièrement heureuse d'avoir lu ce roman car c'est une période de l'Histoire que j'apprécie beaucoup. Cette plongée au coeur du Bataillon Créole, pendant la guerre de 1914-1918 est très édifiante, très instructive. C'est un roman d'une extrême sensibilité, très émouvant. Un beau livre qui nous fait partager le sort de ses soldats engagés pour libérer la patrie et qui viennent de leurs Antilles natales souffrir du froid et dans la boue des tranchées de la Marne, de Verdun, de la somme ou tomber sous le feu ennemi dans les Dardanelles. Beaucoup tomberont au front, d'autres rentreront éclopés ou marqués à jamais dans leur chair ou dans leur âme. Une belle écriture, un superbe roman, un épisode de notre histoire à découvrir. Belle rencontre avec la plume de Raphaël Confiant.
Lien : http://araucaria20six.fr/
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Bonjour, aujourd'hui direction la Martinique, sous le soleil et les palmiers !

Nous voici au milieu des Martiniquais, qui ont un quotidien difficile dans les champs de cannes à sucre ou au service de riches bourgeois. Alors, quand il s'agit d'aller aider les Français, dans ce pays qu'on ne sait nommer autrement que « là-bas », un endroit si abstrait qu'on ne sait que rêver et où la vie ne peut qu'être meilleure ; après tout, la guerre ne doit pas être bien plus difficile, puisque pour survivre en Martinique il faut aussi mener de multiples batailles : contre la misère, contre l'asservissement, contre les mauvais traitements… Bien sûr, l'esclavage n'existe plus et certains ont même le culot de vous dire que c'est une invention et que les noirs n'étaient ni attachés ni maltraités, mais les conditions de vies sont rudes…

Ils sont donc plusieurs jeunes à s'enrôler, à s'embarquer pour aller prêter main forte aux soldats de « là-bas »… Et ceux qui restent ? Ils ont une vie encore plus difficile, car ça fait un salaire en moins, ils tremblent ou pleurent en attendant des nouvelles, ils prient…

En France, il y a les combats de ce bataillon créole, bien pratique, qu'on n'hésite pas à envoyer se faire massacrer sur les premières lignes du front, après tout, que vaut la vie d'un noir ?

En Martinique, il y a les soeurs, les épouses, les fiancées, les mères, qui attendent et espèrent le retour du soldat ; quel constat amer quand on apprend les premiers décès, qu'il faut encore se battre pour faire revenir les corps… Et puis, il y aura ceux qui reviennent : mutilés et gueules cassées…

Bref, un roman magnifique sur le « bataillon créole » qui s'est enrôlé pour aider la France lors de la guerre de 14/18… Voir cette guerre du point de vue des Créoles est vraiment enrichissant...

À lire confortablement installé(e)s avec un casque sur la tête, sous un palmier (attention aux chutes de noix de coco), en se régalant de brioche à la cannelle avec un petit verre de rhum. Bonne lecture !

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La guerre de 14-18 a décimé la France. Ses tranchées ont ravagé le ventre de la Somme. Ses batailles ont défiguré les soldats et constitué de tristes escadrons de gueules cassées. Oui, les Français ont souffert au plus profond de cet affrontement contre l'ennemi allemand. Mais pour certains Français, la Première Guerre mondiale était bien lointaine. Ce fut le cas des Martiniquais enrôlés dans le bataillon créole. Ces Antillais qui n'avaient jamais eu froid ont connu Verdun et les trous d'obus sous la neige. La Martinique est un petit bout de France qui n'a pas souffert dans sa terre, mais qui fut meurtri dans sa chair, de la Marne aux Dardanelles. « Et l'on avait surtout payé l'impôt du sang ! » (p. 289) Pour les familles restées sur l'île, l'incompréhension règne devant ce qui se passe « Là-bas », sur cette terre qu'ils n'appellent pas la France puisque la France, c'est aussi leur île. Après la guerre, la statue du Soldat inconnu nègre sera un piètre réconfort pour les mères, les épouses et les soeurs qui n'ont jamais pu inhumer leurs défunts, à jamais perdus dans le grand labour de la guerre. « Je trouve stupide l'attitude de tous ces Grands-Ansois […], qui campent au pied de la statue du Soldat inconnu nègre dans l'espoir que ce dernier leur révélera ce qu'il est advenu de l'être cher qu'ils ont perdu sur le champ de bataille. » (p. 106)

Le créole, comme le québécois, sont deux langues qui me fascinent : issues du français, mais nourries de régionalismes et d'une pensée différente de celle de la métropole, elles proposent des termes et des expressions que l'on comprend sans les connaître pour un peu qu'on se donne la peine de mettre ses pas dans les mots de nos cousins éloignés. Comment ne pas comprendre que les poilus créoles voulaient prendre la discampette quand résonnaient les canonnades de la grosse Bertha ? Pourquoi les Antillais ont-ils répondu à la conscription ? « Il a pu constater que nous étions nous animés d'un sentiment commun : nous comporter en braves et rehausser l'honneur de la Martinique. » (p. 170) Fallait-il qu'ils se sentent indéfectiblement Français pour se présenter sous les drapeaux et accepter d'essuyer le feu ennemi ! « Si les Blancs nous considéraient vraiment comme des zéros devant un chiffre, pourquoi feraient-ils appel à nous pour défendre la patrie ? » (p. 18) Autant je connaissais l'histoire des tirailleurs sénégalais, autant celle du bataillon créole m'était inconnue. J'ai aimé cette histoire qui mêle deux types de récits : d'une part, ceux des iliens, principalement des femmes, qui pleurent leurs disparus ; d'autre part, ceux des soldats au front ou rapatriés. le roman se découpe en cinq cercles qui m'ont rappelé ceux de la divine comédie de Dante, si ce n'est que, dans le texte de Raphaël Confiant, il n'y a que l'enfer, sans rédemption ni paradis. En revanche, il y a le souvenir et il n'est pas prêt de pâlir grâce à cet hommage émouvant adressé au bataillon créole dont l'hymne résonne encore.
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Nous sommes à Grand-Anse , petit village de la Martinique, en 1914, et la vie n'est pas facile pour les jeunes hommes.

Théodore est un excellent coupeur de canne à sucre et vit seul avec sa mère Man Hortense qui devenue vieille, n'a plus qu'un petit jardin à cultiver qui ne lui permet pas de vivre.

Ti-Mano a quitté très jeune sa famille ."Très tôt, je n'ai pas voulu esquinter mes os à la campagne ni pour couper la canne du blanc, ni pour entretenir un petit jardin créole ou élever de la volaille.Ma manman avait un embarras de dix-sept bouches à nourrir et aucun de ses rejetons ne connaissait son vrai père, car quand mes aînés cherchaient à le savoir,elle répondait d'un cinglant: Sa pa ka gadé zot!Selbagay, di'y mèsi davwè i pèmet zot vini anlè latè, sakré ti popilè ki zot yé!( ça ne vous regarde pas!Seulement vous pouvez le remercier de vous avoir permis de venir au monde. Espèce de sacripants!)"

Thédore, Ti-Mano, Lucien et bien d'autres vont rapidement se porter volontaires pour partir à la guerre afin d'échapper à leur situation.

Ces hommes feront partie du "Bataillon créole", les uns iront dans les Dardanelles sur un dragueur de mines comme Ti-Mano, d'autres comme Théodore participeront à la bataille de la Marne ou à celle de Verdun comme Lucien.

La guerre 14.18 n'est pas racontée ici par les soldats du bataillon créole, mais par la famille, les amis de Grand-Anse, à travers les réflexions, le courrier reçu, leur vie.

Je remercie Babélio et les Editions Mercure de France, de m'avoir permis de découvrir Raphaël Confiant qui écrit en utilisant le créole et des expressions savoureuses. Ce livre m'a demandé un effort pour y entrer , mais au final, je suis contente d'avoir découvert le point de vue des martiniquais si loin de "Là-bas"!
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Merci à Masse Critique de m'avoir fait parvenir cet excellent roman.

Nous sommes en Martinique avant, pendant et après la Première Guerre mondiale. Pas n'importe où en Martinique. À Grand-Anse (aujourd'hui le Lorrain) le premier bourg à avoir élu maire un homme de couleur et le seul à posséder un monument aux morts dont la statue représente un combattant noir. Je ne connais pas la genèse de ce roman, mais j'imagine mal ce choix comme étant dû au hasard.
D'une écriture très "parlée", émaillée de phrases créoles qui nous rapprochent un peu plus encore de ses personnages, Raphaël Confiant nous raconte l'histoire des habitants de ce village, tous plus ou moins directement touchés par le conflit. Chacun porte en lui une image fantasmée de la "mère-patrie", de "là-bas", de cette métropole qui leur réclame de grands sacrifices et c'est cette image éclairée sous un jour nouveau, celui de la réalité, qui va leur être révélée.
En s'engageant, les soldats antillais découvrent une autre facette du racisme, différent de ce racisme de caste que font régner les Békés, maitres des plantations. Alors qu'ils pensaient être les égaux de ces "poilus" blancs avec lesquels ils partagent les mêmes peurs, la même faim, la même mort et le même patriotisme, ils comprennent qu'il n'en est rien, qu'ils sont (pré)jugés à l'aune de leur couleur de peau et ravalés au rang de bête. Pourtant c'est Rémilien l'instituteur noir, qui rédigera leur courrier aux soldats blancs prisonniers comme lui en Allemagne, mais qui ne savent pas écrire. Pourtant.
Que d'échos avec notre triste actualité...
"Là-ici", à Grand-Anse, les femmes écrivent ou font écrire. Elles attendent des hommes qui reviendront annéantis, mutilés ou elles attendent des corps qu'on ne leur rendra pas mais elles ne se font pas d'illusions. Raphaël Confiant leur rend un bel hommage, soulignant leur force, leur courage et leur pugnacité face au combat quotidien qu'il leur faut mener pour vivre même si ce n'est pas dans des tranchées.
Un roman de plus sur la guerre de 14 me direz-vous ? Oui mais avec un point de vue moins hexagonal, un recul de plusieurs milliers de kilomètres, aussi, voir plus indispensable dans la compréhension de ce conflit et de ses répercussions dans la société qu'un récit d'une bataille de la Marne.


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Je sors mitigée de cette expérience de la Première Guerre Mondiale vécue du côté du bataillon créole dans lequel des milliers de jeunes hommes se sont engagés pour aller combattre dans la Somme, dans la Marne, à Verdun, sur le front d'Orient, dans la presqu'île de Gallipoli et aux Dardanelles.
Le roman s'attache à raconter cet épisode du point de vue des familles martiniquaises : une mère dont le fils ne reviendra pas, une soeur dont le jumeau est mort "Là-bas", une femme dont l'amoureux est revenu meurtri à jamais dans sa chair et dans sa tête; mais également de façon rétrospective de celui des hommes partis qui sont morts dans cette guerre et des quelques uns qui en sont revenus.
Tous ces hommes se sont engagés pour montrer leur attachement à la "mère-patrie", cette lointaine métropole désignée par le terme "Là-bas", ils vivaient heureux sans rien demander à personne, ils vont se retrouver dans l'engrenage implacable de la guerre et son enfer : "Je n'étais qu'un simple éboueur municipal que la guerre avait arraché à son île des Amériques et charroyé jusqu'à ce monde inconnu.".
J'ai trouvé la construction de ce livre intéressante à travers cinq cercles qui se resserrent de plus en plus au plus près de l'horreur jusqu'à arriver en enfer, je regrette toutefois que la partie consacrée aux soldats soit moins importante que celles aux familles.
J'attendais plus de ce roman de découvrir cette guerre du regard de ces jeunes hommes partis pour défendre un pays qu'ils ne connaissaient que de nom plutôt que de celui des familles qui sont pleurent désormais leurs morts et apprennent à vivre sans eux.
Leur douleur est compréhensible et mérite d'être racontée, mais je n'en attendais pas autant.
Certaines parties ont fini par me lasser tandis que je retrouvais de l'intérêt dans celles s'attachant à décrire le quotidien et l'horreur de la guerre : "Parfois d'étranges statues à l'épiderme violacé : des fantassins, dont il était impossible de deviner la nationalité, cloués à la baïonnette d'un fusil comme qui dirait des épouvantails. Et dans l'air, cette odeur de mort qui flottait partout, qui imprégnait la terre, les arbres, les uniformes, les mains, des doigts, les cheveux.", ou encore celles présentant les pressentiments des soldats au front sur leur destin : "La Marne sera-t-elle mon tombeau ? J'en ai comme le pressentiment ...".
Mais là encore il manquait parfois une touche authentique, d'autant plus que la trame historique n'est pas respectée et que cela déstabilise de passer de 1914 à 1917 pour revenir en 1916, sans parler des retours en Martinique quelques années la guerre.
J'ai toutefois apprécié les descriptions de la vie en Martinique à cette époque, ainsi que ce point de vue sur L Histoire plutôt inhabituel : il est courant de parler des soldats des colonies engagés dans ce combat, beaucoup moins du bataillon créole.
A ce titre, Raphaël Confiant leur rend un bel hommage à travers ce roman et permet de lever le voile sur une histoire plutôt méconnue du grand public en cette période de centenaire de la Première Guerre Mondiale.
Ce qui me gêne quelque peu également, c'est que j'ai finalement du mal à classifier ce roman : il ne tient ni de la fiction ni de l'historique, il contient une forme de réflexion politique et sociologique, sans doute que trop de genres sont mélangés dedans et m'ont quelque peu déstabilisée au cours de ma lecture.

"Le bataillon créole" de Raphaël Confiant est un bel hommage à ce bataillon venu défendre la "mère-patrie" dans des contrées qu'il ne connaissait pas et dans lesquelles il a souffert du froid, de la faim, de la mort.
Malgré mes quelques réserves, l'ensemble est intéressant et vaut d'être lu.
Lien : http://lemondedemissg.blogsp..
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La première guerre mondiale a cent ans cette année. Elle a inspiré les écrivains, qu'ils aient eux-même vécu la guerre (je pense à Erich Maria Remarque ou Henri Barbusse) ou qu'ils aient eu la volonté, en dépit du temps qui passe, de dénoncer ses horreurs (Un long dimanche de fiançailles de Sébastien Japrisot ou Cris de Laurent Gaudé me viennent spontanément à l'esprit).
Des voix s'élèvent dans ce roman, que l'on n'a pas entendu jusque-là : celles des soldats créoles engagés dans ce conflit, et celles de leurs proches, mère, soeur, restées en Martinique, et ne comprenant pas pourquoi ces hommes ont fait le choix de s'engager dans ce conflit. Dès le début, nous savons que certains ne sont pas revenus. J'ai même envie de préciser : "pas revenus du tout". Les corps des soldats ne reposeront pas en terre martiniquaise, à de très rares exceptions près, les familles en sont alors réduites à se recueillir au pied de la statue du Soldat Inconnu nègre. Y trouvent-elles du réconfort ? Des réponses à leurs questions ? Rien n'est moins sûr. Questionner les survivants ? Certains ont tellement souffert dans leur chair que leurs mutilations parlent d'elles-mêmes.
Je reviens aux voix, car ce qui m'a vraiment fascinée dans ce roman est ces voix entrelacées, voix des vivantes, voix des morts, restés vivants par leurs lettres, dont les extraits sont insérés dans le roman. Elles matérialisent la distance entre les soldats et leurs familles : écrites dans l'espoir d'être lu, elles ne parviennent pas toujours à destination. Censurées, elles ne peuvent tout dire. D'ailleurs, existent-ils des mots créoles pour transcrire le froid, la neige, les canonnades, pour dire l'horreur des Dardanelles ? le créole est pourtant là, vibrant, coloré, expressif et expansif, lien indéfectible entre les combattants et leur famille.
Le bataillon créole est un hommage sincère et émouvant à ces hommes et j'espère que ce livre trouvera un large public.
Lien : http://deslivresetsharon.wor..
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A l'été 1914, des militaires venus de Métropole débarquent en Martinique pour enrôler de jeunes hommes jusque là non soumis aux obligations du service militaire. Dans un grand élan patriotique, ils se pressent nombreux pour aller défendre leur mère-patrie qu'ils appellent « Là-bas », sans bien se rendre compte de ce qui les attend. Théodore, le fils de Man Hortense, coupeur de canne émérite, n'en reviendra pas, tué qu'il sera pendant la bataille de la Marne. Lucien, le frère jumeau de Lucianise, se retrouvera dans l'enfer de Verdun, d'autres dans celui presque aussi horrible des Dardanelles, face aux Turcs, alliés des Allemands. Quant à Rémilien, fait prisonnier, il sera fort mal traité dans un camp allemand. Très peu reviendront aux Antilles. La plupart seront estropiés, mutilés ou gueules cassées. Au bout du compte, la Martinique aura payé au prix du sang versé son attachement à la France.
« Le bataillon créole » n'est pas vraiment un roman historique et encore moins une enquête historique (trop de petits faits contestables pourraient faire tiquer les historiens sérieux), mais plutôt une réflexion sociologique, politique voire poétique sur un événement tragique qui marqua le début de l'autre siècle jusque dans les départements d'outre-mer. Raphaël Constant rend parfaitement l'ambiance qui régnait dans l'île à l'époque, nous dépeint tout un petit peuple de travailleurs, de paysans, de mères ou de soeurs Courage, exploités par d'horribles Békés qui eux, se gardent bien d'envoyer leurs enfants se battre dans les tranchées. Par contre, la réalité de la guerre de 14 vécue par ce bataillon créole est plus suggérée que véritablement décrite. L'auteur contourne la difficulté en citant des extraits de correspondances (sans doute imaginaires) de poilus martiniquais. Il ne respecte pas la chronologie, passe d'un personnage à l'autre, ce qui donne une impression de fouillis et oblige le lecteur à un certain effort pour s'y retrouver dans les différents destins. Sans parler de la langue truffée de mots, expressions et même phrases créoles (heureusement traduites) qui surprend par sa truculence, son emphase, sa créativité et qui entraine le lecteur dans une sorte de tourbillon verbal digne d'un conteur poète. Un ensemble intéressant et agréable à lire même si on peut reprocher un certain manichéisme et quelques positions trop tranchées.
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
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Le bataillon créole c'est celui de ces habitants des DOM-TOM qui ont courageusement combattu pendant la Première guerre mondiale, emportés comme tous les jeunes métropolitains avides de combat et de gloire. Comme eux ils se sont battus, comme eux ils sont morts : de maladies, des mitrailleuses, mais aussi du froid dans les Ardennes et dans le Nord de la France, un froid dont ils n'avaient pas l'habitude …

Le roman de Raphaël Confiant est construit comme une discussion foisonnante entre ceux restés au pays – les femmes, les mères, les soeurs – et ceux sur le front : tous ont vécu des expériences affreuses, dans l'attente ou la boue, le désespoir ou la vermine, entre le ici et le Là-bas, cette France aimée et méconnue, mais aucun ne peut imaginer ce que l'autre vit.
Qu'ils soient instituteurs ou éboueurs, ils seront tous arrachés à ce qu'ils ont toujours connu, de la même manière que le paysan de la Creuse se retrouve ahuri aux Dardanelles.

Mais ce que Confiant s'attache à montrer c'est l'histoire des familles, de l'arrière, et en racontant cette histoire, celle des soldats prend corps : on les comprend mieux, on ressent avec eux car leur soeur, mère ou épouse ont souffert pour eux.
Il nous dépeint ainsi la Martinique de cette époque, farouchement française et tout aussi résolue à occulter l'esclavage, les plantations et les chaînes.
"Nous avons deux patries : une petite patrie qui est la Martinique, et une grande patrie qui est la France. La grande était un peu comme ce père que je n'avais pas connu. Une image évanescente et une présence taraudante tout à la fois."

Son mode de narration est intéressant, construit en 5 cercles qui vont du quotidien à l'enfer, faisant monter le texte en puissance – d'images et d'émotions. Passant d'un personnage à l'autre, de la douleur de la mère à des lettres supposément écrites par le fils, Confiant a créé un roman atypique, foisonnant, fascinant. Connaissant bien la Première guerre mondiale, je n'ai pas été gênée comme d'autres par les sauts dans le temps : au final le récit est parfaitement logique car s'il ne suit pas une construction linéaire, il va bien dans une direction, celle de l'enfer …

Un hommage émouvant donc à ces soldats noirs morts pour la patrie.

Si l'on rajoute à cela une langue truculente, un français qui aurait évolué d'une manière étrange mais réjouissante – utilisant des termes et des expressions que l'on comprend malgré leur usage bizarre – , ce roman fut pour moi un vrai coup de coeur !
Lien : http://missbouquinaix.wordpr..
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Alors que 2014 s'annonce comme l'Année de la commémoration de la première guerre mondiale, voilà un livre qu'il convient de mettre entre beaucoup de mains. La guerre, on la connaît. Ses tranchées, ses canonnades, ses batailles de Verdun ou de la Marne aussi. Mais la participation et le lourd tribut payé par les colonies de la "mère Patrie" sont bien souvent oubliés. Raphaël Confiant nous livre ici un roman-témoignage fabuleusement riche d'un point de vue culturel et historique.

Il convient de nous rappeler qu'en 1914, les moyens de communications et de transports étaient loin d'être ceux que nous connaissons. Pour les Martiniquais, et tous les habitants des Antilles françaises, la France était une représentation très abstraite. Peu de gens osaient parler de la métropole en lui donnant ce nom. "La-bas", qu'était-ce donc ?
Alors lorsque l'armée vient recruter, les hommes en âge de s'engager n'hésitent guère. Ils ne savent pas où ils partent, ne situent pas sur une carte l'Allemagne, comprennent encore moins les enjeux de cette bataille et les alliances qui la sous-tendent, mais ils ont la conviction que leur devoir est d'y aller.

Pour celles qui restent, qui ne les reverront bien souvent pas, c'est en revanche l'incompréhension. La vie devient de plus en plus difficile, les privations sont multiples : il faut avant tout approvisionner la métropole en sucre et en rhum, quand ce n'est pas en sang et en corps. Peu à peu, la frustration grandit dans la population. Seuls les blancs semblent s'en sortir. le racisme est omniprésent, tant dans l'armée que dans les îles, et les classes ne se mélangent pas.

Raphaël Confiant nous fait revivre les batailles marquantes de cette guerre, de Verdun à la Marne en passant par les Dardanelles, par les yeux et la bouche d'hommes et de femmes qui, par patriotisme, accepteront bien des sacrifices. On y découvre aussi la vie et la culture de la Martinique au début du siècle, quelques dizaines d'années après l'abolition de l'esclavage, la vie d'une île marquée par l'éruption en 1902 de la Montagne pelée, par des traditions ancestrales et des croyances parfois bien loin de celles du prêtre lorrain de Grand-Anse...

Avec une plume à mille facettes et empreinte de la gouaille locale, Raphaël Confiant livre avec le Bataillon créole un formidable témoignage passionnant et émouvant. A lire sans plus tarder !
Lien : http://croqlivres.canalblog...
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