Nous sommes à Grand-Anse au début de la première guerre mondiale. Tous, à part peut-être le bougre fou, vénèrent la mère patrie, le Là-bas qui a mis fin à l'esclavage des grands-parents. Aussi, lorsque les jeunes sont appelés à la guerre, c'est avec fierté qu'eux mêmes et leur famille acceptent cet "impôt du sang". Plus tard, quelques uns s'étonneront que les fils du maire, de l'ancien instituteur ou des riches commerçants en furent exempts, mais beaucoup sont prêts, un peu naïvement à envoyer leurs enfants.
Raphaël Confiant nous fait ainsi suivre les actes de bravoure de ces enfants du pays partis en France et les attentes des mères, soeurs ou épouses à Grand-Anse.
Théodore, Lucien, Rémilien, Ferjule et Ti Mano vont trouver en France le froid, les maladies, le racisme. Ils vont croiser des blancs qui, souvent, ne savent ni lire ni parler français. Certains mourront à Verdun, dans la bataille de la Marne, seront gravement blessés dans les Dardanelles ou faits prisonniers, d'autres auront la chance de rentrer presque indemnes.
Au pays, les mères, soeurs, femmes racontent l'attente, la vie au quotidien. C'est l'occasion de rappeler l'éruption de la montagne pelée au début du siècle, les différences entre Blancs, mulâtres, noirs et indiens-koulis, la contribution de l'île à l'effort de guerre qui provoque le rationnement pour les plus pauvres, la condition des femmes, les croyances du pays.
L'auteur choisit un récit non linéaire mais circulaire ( les différentes parties sont appelées Cercle) ce qui ne rend pas la lecture très fluide mais, par contre, montre bien que toute la problématique tourne autour de cette vénération pour la mère patrie un peu floue qui ne leur est pas vraiment rendue.
" de ce jour, un sentiment diffus qui avait commencé à germer au coeur des plus farouches partisans de la mère patrie ( car une poignée s'en foutait pas mal) finit par se répandre à travers la commune de Grand-Anse et ses campagnes. le sentiment que ce Là-bas pour lequel on avait offert les jeunes hommes les plus vaillants, ce Là-bas pour lequel on était déterminé à payer l'impôt du sang quitte à pleurer le restant de sa vie un fils ou un mari, ce Là-bas pour lequel on acceptait de se serrer la ceinture plus que de raison, eh bien qu'il n'en avait que cure!"
Ce roman est l'occasion d'aborder le rôle des bataillons créoles dans la première guerre mondiale, un aspect peu souvent évoqué. Et ceci avec la belleté du parler créole.
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