Quelle chose baroque que la vie : cette mystérieuse mise en oeuvre d’impitoyable logique pour quels desseins dérisoires !… Le plus qu’on en puisse attendre, c’est quelque lumière sur soi-même, acquise quand il est trop tard et, ensuite, il n’y a plus qu’à remâcher les regrets qui ne meurent pas [...].
Considérer une côte tandis qu’elle défile au long du navire, c’est comme se pencher sur une énigme. Elle est là devant vous, souriante ou hostile, tentante, splendide ou médiocre, insipide ou sauvage, et muette toujours, non sans un air de murmurer : Approche et devine.
C'est une chose cocasse que la vie - cette mystérieuse disposition d'une logique implacable dans un dessein futile. Le mieux que l'on puisse en espérer est une certaine connaissance de soi - qui vient trop tard - et une moisson de regrets inapaisables.
Le jour finissait dans la sérénité d'un éclat tranquille et délicat. L'eau luisait, paisible. Le ciel, sans une tache, était une immensité bienveillante de lumière immaculée; même la brume, sur les marais de l'Essex, semblait une gaze éclatante, suspendue aux coteaux boisés de l'intérieur, enveloppant la rive sans relief de ses plis diaphanes.
[...] car il n’est rien de mystérieux pour un marin en dehors de la mer elle-même, qui est maîtresse de son existence et aussi impénétrable que la Destinée.
Rêves des hommes, graines d'États, germes d'empires.
Remonter le fleuve, c'était comme voyager en arrière vers les premiers commencements du monde, quand la végétation couvrait follement la terre et que les grands arbres étaient rois.
Nous vivons comme nous rêvons : seuls.
[...] ils avaient apporté avec eux un stock de viande d’hippopotame pourrie, mais elle ne les aurait pas menés bien loin, même si les pèlerins, avec force manifestations de mauvais goût, n’en avaient jeté la plus grande partie par-dessus bord. Le procédé peut paraître un peu arbitraire, mais ce n’était qu’un cas de légitime défense. Impossible de respirer l’odeur de l’hippopotame crevé durant les repas, durant le sommeil, en s’éveillant et toute la journée et de ne pas sentir se relâcher en même temps la prise précaire qu’on a sur l’existence.
On ne peut donner aucune impression vivace d'une quelconque époque de son existence, ce qui en fait l'authenticité, la signification, l'essence subtile et pénétrante. C'est impossible.
On vit comme l'on rêve - seul.