Selon les dires et écrits d'anciens SS, en 1943
Rommel aurait immergé au large de Bastia un cargo rempli de caisse d'or pillé durant toute la campagne d'Afrique : il y aurait eu notamment six caisses métalliques remplies de lingots d'or volés à la communauté juive de Tunisie. Et curieusement, ce trésor serait encore immergé, quelque part au large de Bastia !
Vous avez dit bizarre ? Et bien, concernant ce trésor volé aux juifs de Tunisie, on peut lire dans les Mémoires de Guerre de
Churchill qu'il régnait une grande confusion dans les rangs du Commandement Français de l'époque : « Le Général Barré, déconcerté, emmena finalement vers l'Ouest le gros de la garnison française et se plaça lui-même sous les ordres du
Général Giraud. Mais à Bizerte, quatre destroyers et six sous-marins se rendirent aux Forces de l'Axe. Toute la région côtière de la Tunisie, jusqu'aux approches de la Dorsale Orientale, fut abandonnée aux Allemands et aux Italiens sans aucune résistance sérieuse, à part quelques essais d'actions retardatrices, destinées à couvrir la retraite des troupes françaises. L'Aviation Française de Tunisie effectua des replis successifs dès novembre 1942, laissant ainsi le champ libre aux forces de l'Axe ». Cette version des faits a été confirmée par le Maréchal Juin, Commandant les Forces Françaises d'Afrique du Nord : la population civile fut donc abandonnée, sans défense, et probablement pillée ...
C'est en se calant sur ce contexte historique que
Jean-Pierre Conty écrit en 1954 «
Lumière noire », roman d'espionnage de 224 pages, édité aux
Presses de la Cité dans la collection « Un Mystère » et imprimé chez Bussière à Saint-Amand. L'histoire se déroule sur quelques jours. C'est tout d'abord Barzen qui « élimine » un individu porteur détenteur des plans sous-marins qui révèleraient l'emplacement du trésor de
Rommel. Manque de chance, Silvana Fabiani avait rendez-vous avec cet homme : elle relate les faits à Frank Delmas, qui s'avère être un espion du deuxième bureau. Sorelli, commissaire à la PJ, se met alors en chasse. Plusieurs personnes sont dans son collimateur : Inès Mercer qui aurait reçu ces plans de la main de Barzen, un certain Anthony Warren Hunt, skippeur d'Inès Mercer mais aussi ancien criminel de guerre, Joachim de Errazuriz, trafiquant en tous genres, résidant sur un yacht de luxe amarré au large de Bastia, Wenceslas Haratnik, espion serbe qui aurait été mêlé au meurtre d'un certain E. von W. -un ancien SS qui en savait probablement trop- espion dont les allées et venues sur Bastia auraient été repérées par la police des frontières, et quelques autres encore, qu'on retrouvera, morts ou vifs, dans une petite maison perchée sur une falaise dominant les eaux où sommeillerait encore le trésor, une « planque » qui aurait servi à dissimuler des indices permettant de remonter aux précieuses caisses métalliques ...
La plume de
Jean-Pierre Conty possède une force évidente. La finesse que l'auteur met à décrire cette course contre la montre à laquelle se livrent vrais et faux espions séduira les tenants des rebondissements multiples et des coups de théâtre. La concision et l'efficacité du texte, qui n'empêchent pas les clins d'oeil et les arrêts sur image, sont manifestement au service du suspense, dont la progression va en grandissant. le respect de la vérité historique est évident. Et pourtant, je n'ai pas été complètement séduit par «
Lumière Noire » : trop de personnages (près d'une douzaine), des meurtres (six) sans raisons ou dépendances apparentes, trop d'hypothèses concernant l'identité réelle (espion ou contre-espion ou agent double ?) de certains protagonistes -hypothèses démontées aussi vite qu'elles ont été énoncées-, trop de quiproquos (est-ce que WH est Warren Himpel ou Wenceslas Haratnik ou … Anthony Warren Hunt ?), une intrigue artificiellement complexe, des émotions superficielles et pas d'analyse psychologique. Je mets quand même trois étoiles car, en fait de trésor, vous découvrirez comme moi en page 219 en quoi consistait le vrai trésor de
Rommel : jolie pirouette, mais … je n'en dis pas plus.
Jean-Pierre Conty, écrivain prolixe et connu pour avoir mis en scène dans la plupart de ses ouvrages un certain M. Akiha Suzuki, espion japonais, signe là un roman digne de lecture.