Les armes secrètes

Des nouvelles vertigineuses mettant en scène des univers labyrinthiques, décalés, où l'art et le fantastique (mais n'est-ce par la même chose ?) constituent des armes secrètes permettant à l'homme de s'extraire d'une réalité trop dure… Dérapages garantis.

Sans doute le chef d'oeuvre de Cortazar. Lu et relu avec toujours le même plaisir, la même admiration, le même effroi!
Mention spéciale pour l'ultra-courte "Continuité des parcs" : vertigineuse mise en abyme dont la chute finale nous CLOUE littéralement.

Cortazar compare judicieusement le conte à la photographie. Ses histoires limitées par le cadre, jouent sur la profondeur de champ, comme dans Blow up d'antonioni. Il en tire une expression artistique, un instantané d'une violence parfaite. L'homme à l'affût est un monument du jazz et de la nouvelle, hommage à Charlie Parker, qui nous fait ressentir à la fois la déchéance la plus désespérée et le génie musical le plus diabolique...

Un recueil de nouvelles fantastiques extraordinaire d'invention, de trouvailles, de force..L'une d'elles a servi de trame au célèbre "Blow up" d'Antonioni.

"La nuit face au ciel" reste ma nouvelles préférée: la structure se retourne comme une chaussette à l'envers et laisse pantois: deux mondes, deux époques, deux actions...laquelle est le rêve de l'autre? Vertigineux!

LES ARMES SECRÈTES de JULIO CORTAZAR
Recueil de 10 nouvelles.
Un homme à moto percute une femme, se retrouve à l'hôpital et voit un prêtre sacrificateur avec un poignard au dessus de lui…
Un homme va tous les matins au jardin des plantes observer des axolotls, batraciens qui se reproduisent à l'état larvaire. Un jour le processus s'inverse et les batraciens parlent de l'homme…
Délia a perdu ses deux fiancés, chute et suicide. Elle fréquente Mario, veut l'épouser, rumeurs…
Elles sont trois qui aiment se déguiser en statues le long de la voie ferrée. Un jour un jeune homme leur jette un caillou avec une lettre pour leur fixer un rendez vous..
Paris, Michel écrit, sort faire des photos voit un jeune garçon avec une femme mûre, imagine, envisage les possibilités…
Elle commence à trembler un peu, elle ne peut plus travailler mais un soir on la paie pour un extra…elle doit garder des chiens…le lendemain on lui propose un travail, un peu spécial, très bien payé…
Pierre attend Michèle dans sa chambre, elle ne vient pas, déçu, ils n'ont jamais fait l'amour mais elle est seule la semaine prochaine, alors…
Johnny boit et se drogue mais c'est un saxo génial, il a un contrat pour demain soir…le saxo est au clou, seul espoir, la Marquise…
Cortazar nous parle des questions qui font nos existences, la vie, la mort, l'amour et tous les sentiments. Il les évoque avec des histoires entre réalité et fiction entre rêve et fantastique.
Une très belle plume. Il semble que sous ce titre il n'y ait pas selon les éditions toujours les mêmes nouvelles.

» 11 nouvelles qui nous font entrer dans l'univers si particulier du fantastique sud-américain . A des degrés inégaux elles sont toutes déstabilisantes , faisant hésiter le lecteur sur la frontière du réel . C'est plus charnel et moins intellectuel que Borges (que j'adore) un peu moins sensuel que Garcia-Marquez . Mes trois préférées : « la nuit face au ciel » , « Axolotl » et « Continuité des parcs » .

Cortazar, quelle découverte et quelles rencontres! Cinq nouvelles où on est saisis par chacun des personnages, leur profondeur et leur justesse. Quelques pages seulement pour faire luire la vérité des âmes par et malgré la bizarrerie et le surréalisme des situations.

Peut-on préférer une nouvelle aux autres, sans trahir le romancier? C'est l'écueil du lecteur et la tromperie des recueils. Difficile pourtant de trouver le fil rouge entre ces nouvelles.

Je pense que le format des nouvelles révèle plus qu'un autre des affinités secrètes et intimes : l'Homme à l'affût m'a bouleversée.
Johnny est splendide parce qu'il ne comprend rien en sentant tout, par son saxo et ses méditations douloureuses, floues et enchevêtrées. Le jazzman génial laisse tout le monde sans voix par son son et on entend presque la mélodie de l'instrument qui fait vibrer les pages. Quand on s'adresse à une profane du jazz, c'est énorme.
Et Bruno, le critique, assiste à tout et relate du mieux qui peut. Il seconde car il cherche à laisser assez d'espace au saxophoniste afin qu'il déploie l'immensité de son talent et qu'il sonde la profondeur de vérités métaphysiques indicibles. Il protège aussi, du mieux qu'il peut toujours, l'artiste de ses souffrances et de ses chutes.
Fragile équilibre que celui du génie fou et de l'homme fonctionnel; interdépendance : le saxophoniste survit grâce à la prévenance du critique, le critique ne vit que parce que le premier aiguillonne une conscience qu'on sent anesthésiée par la rigueur et la mécanique de la vie.

La douleur prend au ventre, la criante vérité laisse pantois. Rien à jeter dans ce bijou, on le garde au creux de soi. Je me promets d'y revenir chaque fois qu'il me faudra chercher à comprendre pour être moins seule. Pardonnez l'émotion, c'est finalement assez exceptionnel.

Ma première réelle rencontre avec la littérature espagnole : ayant choisi de lire les armes secrètes aux éditions bilingues de folio, le texte prend une autre dimension, plus violente et plus sauvage.

Julio Cortezar rend à merveille la peur d'une jeune femme brisée à jamais qui ne parvient à surmonter un viol, et celui d'un jeune homme épris d'elle mais qui se surprend des fantasmes violents par moments. le présent et le passé se mélangent et emportent le lecteur dans un entre-temps qui révèle un malaise étrange et désagréable.

Un livre de chevet, lu et relu tant de fois.

Merci.