Il s'agit de l'un des titres que Cultura m'avait offert lors de la sélection des Talents 2013. Je me suis aperçue que je n'avais jamais retranscrit mon avis ici, alors le voici inchangé : écrit avec mon bagage, mon ressenti et mes mots de l'époque puisque je ne l'ai pas relu mais y repense souvent.
.
L'histoire est celle de militaires que l'Etat français a envoyé en Afghanistan, où ils ont vu et vécu des horreurs difficiles à oublier et à gérer. A présent, l'Etat les renvoie chez eux. Mais afin que la transition se déroule en douceur, ces militaires passeront tous ensemble, sur le chemin du retour, trois jours à Chypre dans un hôtel cinq étoiles (« un hôtel gradé comme un colonel ») : le « sas de décompression ». le roman est donc construit autour de ce choc des civilisations.
.
Cette décompression est nécessaire pour chacun d'entre eux, car ils sont en décalage avec les familles qui les attendent : Ils redoutent les questions, les banalités, mais aussi les cauchemars, l'inactivité. Et quand les traumatismes remontent, ils tentent de les supporter à grand renfort de cachets et d'alcool. Alors, pour évacuer un peu cette violence et ces mauvais souvenirs, il est prévu, pendant ces trois jours, des séances de thérapie de groupe. Elles révèleront des vérités parfois plus horribles que prévues, mais permettront à chacun de se délester du poids de certains secrets ou questionnements.
.
Durant ces trois jours, nous suivons en particulier deux femmes militaires : Aurore et Marine. Elles se connaissent depuis l'enfance. Marine est la plus renfermée : Il faut se taire pour ne pas avoir l'air faible ; C'est donc ce qu'apprend à faire Aurore qui, pourtant, aurait souvent besoin d'extérioriser. Notamment, elle voudrait pouvoir parler avec Marine de ce qu'elles ont vécu ensemble en « Afgha », pour éclaircir un point qu'elle ne comprend pas, à propos d'une opération qui a mal tourné et où elle a été blessée.
.
Pour tenter de renouer les liens complices qui les unissaient avant cette guerre, elles décident de faire une virée avec des hommes qui les draguent à l'hôtel. Elles seront bientôt rejointes par certains de leurs collègues militaires masculins. Mais seront-elles encore capables de gérer une simple sortie en tant que civiles ? Et leurs collègues le seront-ils également ? Car après ces six mois de violence réflexe, de peur perpétuelle, d'insomnie et de frustration sexuelle, ces hommes et ces femmes traumatisés peuvent-ils ou savent-ils encore se maîtriser ? C'est toute la question que pose ce roman…
.
Globalement j'ai trouvé ce roman vraiment intéressant, et certains passages m'ont vraiment interpelée ou touchée. le reste du temps, tout aussi intéressée par les propos, je suis malheureusement restée un peu en retrait des personnages et des ressentis qui bouillonnent en chacun d'eux (quelque chose dans la narration : on entre dans la tête d'Aurore mais on perçoit donc tout le reste avec beaucoup de distance). Cela dit, l'écriture est très fluide et le roman se lit tout seul. Il ose aborder un vrai problème de société qui est difficile à traiter. On sent bien qu'Aurore essaye de faire le tri dans ses pensées, qu'elle cogite, analyse. J'ai aimé la manière dont les souvenirs s'intercalent habilement à la réalité au gré des événements et des pensées sur l'île de Chypre : Cela permet de découvrir au bon moment les éléments révélateurs de leur personnalité, ainsi que les événements survenus en Afghanistan qui font que, non-seulement ils ne sont plus les mêmes qu'avant de partir, mais également qu'il existe des tensions entre eux.
.
Delphine Coulin met ainsi en parallèle leurs espoirs et la réalité, leur force et ce qu'ils ont dû endurer, leurs blessures et leurs traumatismes. Les séances de groupe sont dures mais bénéfiques. le soir, tout le monde danse, nage, fume, ri, se raille, se bagarre. Et tout au long du récit on sent cette violence à fleur de peau de gens qui en ont fait leur quotidien, dont les mécanismes de défense et de survie sont devenus des réflexes de tous les instants. Voici une histoire originale et intéressante sur les conséquences de la guerre, un sujet dont, peut-être, on ne parle pas assez : Aurore s'était engagée pour «
voir du pays » mais, dit-elle, rien ne l'avait préparée à vivre cette expérience.