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EAN : 9782070143559
Gallimard (25/04/2014)
3.99/5   66 notes
Résumé :
'Dans La Mort de près, l'écrivain convoque à sa table de travail le lieutenant de 14, tel qu'il était, dans sa vareuse tachée de sang et de boue, sentant le cadavre et la chimie. Le jeune officier n'a plus peur, il ne souffre plus, ses larmes sont taries. Il parle calmement, posément, libéré du feu des souvenirs qui brûlait les pages de Ceux de 14. Il raconte de nouveau quelques moments de sa guerre, comment il a rencontré la mort et ce qu'il en a vu. Tout est clair... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Double voyage dans le temps :
- me voici pendant la Première guerre mondiale que l'auteur a effectuée
- et voici un texte écrit avec du vocabulaire et des tournures surannées et ma foi, ce n'est pas désagréable bien au contraire !
.
Dans ce texte M. Genevoix décrit les 3 situations où il a frôlé la mort. 3 situations plus ou moins dramatiques. Bon d'accord plutôt "plus" que "moins", on est en temps de guerre : quand on réchappe d'un obus, c'est un miracle mais il y a fort à parier que son voisin n'y a pas réchappé lui.

Il y a une tendresse de Maurice Genevoix pour ses anciens acolytes, qui fera l'effort de retrouver leurs noms, de les désigner par leur patronyme pour ne pas oublier, pour ne pas les oublier.
J'ai été surprise par la façon de parler des hommes qui vivaient cette guerre, de l'empathie presque ressentie pour ceux qui se sont mutilés pour fuir.... par lui, l'officier... officier certes, mais au front. Et pourtant quand il écrit ce texte, ces hommes sont encore vilipendés.
Et cette description des blessés croisant ceux qui montent au front.... Les plus légèrement blessés d'abord... puis les plus lourdement blessés. On imagine la peur qui monte dans les soldats qui les croisent et partent au front.... Glaçant....

Un autre regard sur la Première guerre mondiale.
Un beau récit presque trop court.
Merci à bdelhausse qui, par sa critique émouvante, m'a fait connaître ce texte.
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Genevoix publie « La mort de près » en 1972, cinquante-sept ans après avoir été blessé, près de la colline des Eparges, cinquante et un ans après avoir écrit le dernier récit du recueil qui deviendra « Ceux de 14 ».

« La mort de près », c'est donc de nouveau la première guerre mondiale, mais vue par l'expérience très personnelle de Genevoix : trois faits de guerre qui auraient dû lui coûter la vie. Ce qu'il a ressenti dans ces trois moments, a été profondément différent, et il décrit minutieusement ses sensations et réactions, paradoxalement plus violentes et angoissées quand il échappe à la balle ou à l'obus, que quand il est blessé grièvement.

Avec la mort à l'oeuvre autour de lui, il évoque aussi son prélude de blessures abominables, et malgré sa fréquence, sa proximité et sa brutalité, l'impossibilité de partager cette expérience. L'imagination, pourtant sollicitée à l'extrême, ne peut y suffire. « C'est l'immense différence entre voir un grand blessé et être vu, grand blessé. » Les camarades, autour de Genevoix sur son brancard, « étaient le vivant, l'homme debout dont la compassion même imaginait à faux ma détresse, vivant et debout qu'il était. »

Et s'il a vu la mort sous toutes ses formes autour de lui, et s'il a eu conscience d'avoir connu à trois reprises au moins son approche fatale et inéluctable, il ne peut pourtant que s'arrêter à ce seuil :
« Nos yeux ont vu s'effacer de ses traits la crispation douloureuse qui les nouait, et sur eux, jeune et tendre, presque enfantin, la lente lumière d'un sourire. Il a murmuré : « Ma mère... » Et il est mort sur ce dernier mot, tout entier remis, blotti. A nos yeux tout venait de s'achever. Pour lui, non.
Mais comment irais-je au de-là ? »

Un très beau texte qui allie la connaissance intime de la souffrance et de la peur et un hommage inoubliable à ceux que Genevoix a vu périr autour de lui.
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La mort de près est une ode à l'horreur, parce que l'insoutenable que les pauvres bougres ont vécu ces années durant mérite la plus belle des reconnaissances et qu'aucun style n'est trop haut pour leur absurde et criminel sacrifice.
Dans son style grandiose, Maurice Genevois rejoue la symphonie des balles et des obus qui sifflent des airs meurtriers que toutes les tactiques d'observation et autres intelligences de positionnement, dans ce déluge de feu, ce tonnerre, ce fracas continue que fut la première des der, ne purent jamais rendre audible. Se pouvait-il qu'il y ait un chef d'orchestre à ce tintamarre ? Au milieu des tranchées, allant et revenant du front, essuyant les mêmes meurtriers affronts, on ne vit que de pauvres musiciens qui jouèrent, comme ils purent, d'hasardeuses partitions, que d'autres écrivaient pour eux, sur des portées dont ils ne connaissaient pas même la position des lignes, et où chaque note se transformait en mine. le seul air qui pouvait en sortir était asphyxiant, assourdissant vacarme sans fin : ici, toutes les cordes cassèrent, les peaux s'éventrèrent, les voix se brisèrent, hurlées de gueules cassées, trouées, arrachées, par les détonations du fer, dans la du feu, en explosions vibrantes et pénétrantes, jusqu'aux entrailles de l'âme, livrant les hommes et Maurice au rythme sans fin et fou des affronts, alternant entre la vie et de la mort, battu au son de la roulette russe, sans cohérence, sans qu'on y rien comprenne, sans respect pour le sens, l'essence, des vies livrées, dans un immense concert... d'absurdité.
Et pourtant, on fit jouer le fifre et le tambour au milieu de cette mobilisation... qui savait qu'une clameur s'élèverait ? Et voulut faire passer les hurlements, les cris désespérés pour une chorale ? Maurice Genevois restitue le sens de ces paroles, qui résonnent encore 57 ans après, et même un siècle plus tard. Il nous les rend audibles dans un témoignage d'une troublante et profonde beauté.
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Alors que, voici quelques années, les USA nous ont vendu les frappes chirurgicales, à l'heure où la Russie pilonne l'Ukraine, relire Maurice Genevoix est une tâche essentielle... Essentielle... voilà bien un mot que deux ans de COVID ont chargé de sens.

Maurice Genevoix fait normale sup, il est brillant. On pressent le futur écrivain de talent. Survient la guerre, il est enrôlé, il grimpe les échelons rapidement. Il le reconnaît à demi-mot, s'il progresse si vite, c'est faute de combattants. A un moment dans son court récit, il fait le bilan, sur 60 hommes de son escouade (peu importe le mot exact), au bout de quelques mois, ils sont moins de 20 encore en vie. Et son bilan est meilleur que les autres escouades, parfois décimées intégralement.

Maurice Genevoix est panthéonisé par Emmanuel Macron en 2020. Etrange année pour un auteur qui a parlé des poilus comme personne (ou presque). On fêtait, si je puis dire, les 40 ans de la mort de l'écrivain. C'était l'occasion, fort décriée, pour le Président des Français, de magnifier la Nation unie derrière ce chantre du pacifisme.

Et pourtant, Genevoix sait se montrer caustique, critique. Il dénonce les hiérarchies aveugles, les ordres idiots, les stratégies grotesques. Comme quand il signale, juste en passant, que les officiers sont super visibles avec leur pantalon garance orné d'un galon noir... histoire de bien les aligner à distance. La Guerre 14-18, c'est la première guerre de snipers. Ce sera aussi la première guerre où les hauts gradés prennent des décisions loin du champ de bataille. Et ça, Genevoix en fait ses gorges chaudes.

Maurice Genevoix montre les choses telles qu'elles sont, il le fait sans fards. Un chat, c'est un chat pour Maurice Genevoix. Pas un "félin domestique". Une balle qui arrache une mâchoire. Un poilu qui porte ses intestins. Un pauvre poulbot qui agonise pendant des heures, à quelques mètres des tranchées. Des obus qui fusent, explosent et ne laissent que deux bottes encore remplies de deux pieds, le corps pulvérisé "façon puzzle" (sans que cela puisse faire rire). Maurice Genevoix ne veut pas mettre d'émotion. L'émotion, c'est le lecteur qui la met. Il veut des faits. Des descriptions. Il le fait dans un langage très classique et beau. Il y a une dignité dans l'horreur. Pas de fiction chez Maurice Genevoix. C'est un reporter de guerre, finalement, Maurice (j'espère qu'il ne m'en veut pas de cette familiarité).

Même quand il aborde les 3 fois où il est mort, les 3 fois où il aurait dû mourir. Les balles avec son nom écrit dessus, comme on dit. Les 3 fois où finalement la mort n'a pas voulu de lui. Ces 3 fois, il s'en souvient quand il écrit La mort de près en 1972! soit 57 ans après les faits. Et la précision de son style et de son écriture fait froid dans le dos, en fait. tout est toujours bien présent à l'esprit. C'est dire s'il est marqué à vie (et cette expression prend tout son sens véritable) par ces quelques mois passés au front à perdre ses amis par poignées.

Là où Barbusse milite politiquement. Là où Céline fait oeuvre de fiction, grossissant les traits pour diffuser une horreur qui n'en a -réellement- pas besoin, Genevoix nous donne les faits, rien que les faits, tous les faits, votre Honneur. Car ces faits, ils parlent d'eux-mêmes, et ils sont plus puissants que toutes les fictions.

Emmanuel Macron a réécrit Genevoix en le plaçant au Panthéon. Cet auteur mérite mieux qu'une image figée, immuable. Genevoix mérite d'être relu, absorbé, digéré, et propagé. La guerre n'est jamais propre, ni chirurgicale, ni légitime. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Maurice Genevoix, dans cette brillante ode à la vie et à la gratitude de vivre.
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L'un des critères du challenge Multi-Défis consistait à lire un ouvrage d'un auteur entré au Panthéon. J'ai choisi Maurice Genevoix que je connais assez peu. Il nous raconte comment, à trois reprises, il a échappé à la mort lors de la première guerre mondiale. Son texte a valeur de précieux témoignage de ce qu'ont vécu ces hommes, tout à la fois galvanisés et terrifiés par ce qu'ils ont vécu. Ce n'est que plusieurs décennies après qu'il a pu enfin mettre des mots sur ce traumatisme alors que nombreux sont ceux qui n'ont jamais pu en parler. Lors d'une retraite, Genevoix était gradé, les généraux lui demandent combien il a perdu d'hommes lors de la dernière bataille : Vingt-quatre. Que ça ? répondent les généraux en choeur !
Un texte glaçant mais tellement nécessaire pour ne pas oublier ceux qui se sont battus au péril de leur vie pour notre liberté.

Challenge Multi-Défis 2022.
Challenge Riquiqui 2022.
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Une des erreurs du Commandement (...) a été de ramener et ramener les survivants – les mêmes hommes – sur les mêmes champs de combat où la mort les avait épargnés. Retrouver de relève en relève les mêmes objets d’une horreur misérable, (...) c’était subir l’impression accablante d’une condamnation à mort sans recours en grâce possible, une roulette russe dont le percuteur frapperait à coup sûr demain la balle du barillet. Je pense qu’une telle aberration n’a pas peu contribué à soulever les sursauts intérieurs qui allaient aboutir un jour aux mutineries de 1917.

(p 48)
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Ce galon neuf barrait le travers de nos manches ; de surcroît une large bande noire, sous la vareuse, agrémentait nos culottes garance. C’est une sensation très particulière, dans le crépitement anonyme d’une bataille d’infanterie en rase campagne, de se rendre compte tout à coup que l’on est personnellement repéré, visé par un « tireur d’officier » assisté d’un homme à jumelles, en hommage à ces bandes noires et à ce beau galon d’or.
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Tout homme est solidaire. Il est ainsi comptable de ce qu'il est en mesure de transmettre. Et il l'est dans la mesure même de ce qu'il a personnellement reçu. L'heure est venue pour moi d'y songer.
A vrai dire, ce n'est pas d'aujourd'hui. Quelque chose déjà, et qui me dépassait, une prise de conscience obscure, mais vive et forte, avait en ces dernières années orienté peu à peu ma plume vers une écriture plus directe, plus spontanée, un dialogue avec le lecteur qui ne recourait plus au truchement d'une fiction romanesque, d'un apologue ou d'une légende imaginés, mais seulement à ma propre mémoire et à mon expérience d'homme.
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Être marqué, brûlé ne sauve pas des brûlures nouvelles. L’initiation n’est jamais achevée. La mort est ingénieuse inépuisablement à varier les rites du baptême. Si banale, si ordinaire que soit devenue sa présence, si profonde l’habitude de compter sans trêve avec elle, les attachements humains, seraient-ils étouffés, persistent. Leur léthargie est illusoire, toujours au bord d’un prompt réveil. Quel sera le prochain sacrifice ? La mort des autres me laisse vivant. Il faut s’habituer davantage.
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Nous rendîmes compte le lendemain matin. Des quatre sections de la compagnie, la mienne était la moins éprouvée : vingt et un hommes tués ou blessés sur un effectif de soixante. C'était beaucoup, mais j'avais bonne conscience. Or, au lieu de l'assentiment que j'attendais, je n'eus qu'un regard étonné, soupçonneux, et un mot qui m'indigna : "Que çà ?"
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Videos de Maurice Genevoix (29) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Maurice Genevoix
Quelle place pour notre humanité en temps de guerre ? François Lecointre, ancien chef d'état-major des armées, revient sur sa carrière de militaire et s'interroge notamment sur la question de l'honneur, lorsqu'on est confronté au pire dans son livre "Entre guerre". Dans son récit autobiographique, l'ancien soldat y retrace ses dilemmes, ses doutes, ses peurs à travers ses expériences de guerre en Arabie Saoudite, en Irak, en Somalie, au Rwanda, à Djibouti ou à Sarajevo. Commentant l'expression de Maurice Genevoix, "l'expérience incommunicable de la guerre", l'ancien chef d'état-major revient sur le statut de soldats et la vision qu'à la population de ces derniers, paraissant surprise qu'ils puissent éprouver les mêmes émotions et peurs qu'elle. Pourtant, comme il le souligne, des efforts sont faits aujourd'hui et on s'intéresse aux conséquences de la guerre sur la santé mentale des soldats, notamment à travers les troubles post-traumatiques. C'est avant tout cette expérience humaine que François Lecointre a souhaité coucher sur papier dans son autobiographie.  "Je m'arrête sur cette expérience très intense de jeune officiel, qui au milieu de ses soldats, vit ce condensé d'humanité", a-t-il expliqué sur le plateau faisant par exemple référence aux questionnements sur les objectifs de la mission, une interrogation qui revient régulièrement dans la tête des soldats qui doivent faire face à la mort.
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
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