Aussitôt que l'homme a la conscience de lui-même , il se trouve dans un monde étranger, ennemi , dont les lois et les phénomènes semblent en contradiction avec sa propre existence. Pour se défendre , l'homme a l'intelligence et la liberté. Il ne se soutient, il ne vit, il ne respire deux minutes de suite qu'à la condition de prévoir, c'est-à-dire à la condition d'avoir connu ces lois et ces phénomènes qui briseraient sa frêle existence , s'il n'apprenait peu à peu à les observer, à mesurer leur portée et à calculer leur retour. Avec son intelligence , il prend connaissance de ce monde ; avec sa liberté, il le modifie, le change, le refait à son usage : il arrête les déserts , détourne les fleuves , aplanit les montagnes; en un mot, dans la succession des siècles , il opère cette suite de prodiges dont nous sommes aujourd'hui peu frappés, dans la longue habitude de notre puissance et de ses effets.