Je tiens pour commencer à remercier Babelio, qui m'a proposé de chroniquer ce livre, ainsi que les éditions Rageot qui me l'ont gentiment offert.
Dès l'ouverture de l'enveloppe, plusieurs sentiments s'entrechoquent en moi. L'émerveillement d'abord. La couverture est sublime, dans des tons pastel et une matière un peu duveteuse. Puis la jubilation. La traductrice,
Clémentine Beauvais, est largement mise en avant – principalement grâce à sa notoriété en tant qu'auteure, mais pour une fois que le nom du traducteur n'est pas passé sous silence, on ne va pas s'en plaindre… Vient ensuite une petite crainte. L'épaisseur du livre est impressionnante. Heureusement, la lecture rapide de quelques extraits suffit à m'apaiser : le texte est aéré, les chapitres ne dépassent pas une ou deux pages et la mise en forme visuelle rappelle celle d'un recueil de poèmes.
Sarah Crossan nous emmène donc à la rencontre de Grace et Tippi, deux soeurs siamoises de 16 ans, reliées de l'abdomen aux pieds, mais aux caractères diamétralement opposés. Alors que Grace est calme et réservée, Tippi est plus délurée et impulsive. Elles partagent néanmoins un même humour décapant, une incroyable philosophie de vie et un amour inconditionnel l'une envers l'autre. Loin des caricatures habituelles, les deux soeurs sont présentées comme des jeunes filles d'une grande beauté. Lorsque leur père est licencié, elles qui avaient toujours été scolarisées à domicile se voient obligées d'aller au lycée, où elles se retrouvent exposées aux moqueries et aux regards curieux. Mais contre toute attente, elles ne tardent pas à se faire de nouveaux amis, Jon et Yasmeen.
Nous suivons donc les aventures des deux soeurs et de leur famille, racontées par Grace. le texte est écrit à la manière d'un journal intime, si ce n'est que les différentes sections sont précédées d'un titre et non d'une date. Tout le récit est rédigé en vers libres, ce qui est assez déroutant au début. Mais petit à petit, on s'habitue et on rentre dans le rythme de la narration. Finalement, ces césures qui me perturbaient au départ permettent presque d'entendre la voix de Grace, sa respiration, ses changements d'intonations… J'en profite d'ailleurs pour saluer le travail de
Clémentine Beauvais, qui n'a pas dû être de tout repos. Par curiosité, j'ai comparé sa traduction avec les premières pages de la version anglaise et je dois dire que Clémentine a remarquablement su respecter la musicalité du texte tel qu'il avait été écrit par
Sarah Crossan.
L'histoire m'a également beaucoup surprise. En lisant la quatrième de couverture, je m'attendais bêtement à découvrir une romance pour ado, simplement d'un genre un peu particulier. J'imaginais les difficultés à vivre une vie amoureuse sans intimité possible, peut-être une rivalité ou une jalousie entre soeurs, ce genre de péripéties. Mais loin de ces clichés,
Sarah Crossan nous emmène dans une histoire grave, parfois sombre. Elle aborde les questions de la maladie, de l'« anormalité » et du regard des autres, bien entendu, mais également de l'alcoolisme, de l'anorexie et de la mort. Heureusement, le thème de l'amour est lui aussi omniprésent : le lien indéfectible qui lient les deux siamoises, l'affection que leur porte leur soeur cadette, les sentiments qui se développent entre Grace et Jon…
Je suis ravie d'avoir eu l'occasion de lire ce joli roman jeunesse, qui ne m'aurait probablement pas attiré au premier regard. Je le recommande chaudement à tous ceux qui aiment les belles histoires à l'issue incertaine, qui vous retournent et vous chamboulent. Je remercie encore Babelio et les éditions Rageot pour cette agréable découverte.
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